Jérôme Jean Hauswirth

Nul n'est prophète en son pays

Jésus revient pour la première fois dans son village de Nazareth, son pays. On se rappelle qu’il est né à Bethléem, un petit village excentré, d’une centaine de famille. On y cultivait de la vigne, des oliviers et des céréales comme l’orge ou le blé. Des chèvres et des moutons constituaient l’essentiel des animaux domestiques. Le pain était cuit chaque jour à la maison avec de la farine du moulin. Et le samedi, tout le village se rendait au petit local de prière, la synagogue, pour prier.

 

Bref, Jésus était un homme de la terre. Un homme du terroir, un paysan charpentier, un homme du pays. Dans le fond, tout l’évangile est un récit rural, dit par un paysan pour des paysans. Avec des images fortes, des paraboles, des traits saisissants pour marquer l’imagination et saisir la mémoire. Pour le dire en une phrase : Jésus est un homme de la vie ordinaire. La tradition lui a mis une auréole sur la tête, et c’est vrai : il est Dieu, le Saint des Saints. Mais pour nous, il est d’abord le Verbe qui s’est fait chair. Un frère en humanité.

 

Et le voici à la synagogue un matin de shabbat. Là Jésus va vivre un des échecs les plus cuisants de sa vie. Il ne va plus pouvoir faire le moindre miracle. Que s’est-il passé ?

 

La réputation de Jésus l’a précédé. La rumeur a déferlé du Jourdain et heurte les paisibles paysans de Nazareth. Or, au lieu d’être fiers, ses compatriotes s’offusquent. Tout ce qu’ils entendent ne correspond pas à ce qu’ils connaissent de lui. Parce qu’ils imaginent savoir de qui ils parlent puisqu’ils l’ont vu grandir. Ils sont allés à l’école avec lui. Bref, ils savent d’où il sort. Il n’est en rien autre qu’eux. D’où lui viendraient ses pouvoirs ? Si c’était un prophète, eux, ils le sauraient. Saisissez le décalage entre l’image que ses compatriotes ont de Dieu et la réalité de Jésus. Ou pour le dire autrement : il y a incompatibilité entre la grandeur de Dieu et la petitesse de l’homme de Nazareth.

« Il est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reconnu ».

 

Oui, Jésus a connu l’échec. Il a été refusé. Par les siens. Dans son village. Réalisant ainsi la vieille prophétie d’Ezéchiel : «  … ils écouteront tes paroles, mais ne les mettront pas en pratique car leur bouche est pleine de passions qu’ils veulent assouvir, leur cœur suit leur profit ». Chacun de nous fait aussi cette expérience : combien il est difficile d’être reconnu par sa famille, ses amis, comme autre chose que ce que nous avons toujours été extérieurement. Rien de neuf sous le soleil. Tout est figée dans l’apparence. Nous sommes toujours les mêmes vu du dehors, avec un regard superficiel. Jésus a connu cela également. Ce regard rigide qui n’accueille aucun changement. Cet enfermement de l’autre dans nos vues. Eh oui. On n’aime pas se faire déranger dans la conception que nous avons de quelqu’un.

 

« Un prophète n’est méprisé que dans son pays ».

 

Le mot est fort : Jésus a été méprisé. Il est jugé indigne d’intérêt ou d’attention. Il n’est rien d’intéressant. Juste du connu. Du déjà vu. Et de fait, réduire Jésus à sa seule apparence humaine, c’est le mépriser. Ne pas voir en lui la Révélation de l’Amour de Dieu, c’est le mépriser. Au contraire, confesser qu’il est Seigneur, Fils de Dieu, Sauveur, c’est l’honorer.

 

Alors, comment ne pas s’interroger : mais pourquoi donc ces braves gens de Nazareth n’ont-ils pas vu en Jésus le Fils de Dieu ? La réponse tient en un mot : la Foi. Ils n’ont pas eu la foi. Ils n’ont pas cru. Par la foi, vous le savez bien, l’Esprit de Dieu est en nous. Cet Esprit permet de voir l’invisible, de croire plus grand que soi. De croire une réalité qui dépasse notre intelligence. Pour nous chrétiens, croire que Dieu existe. Qu’il est Créateur. Qu’il s’est fait connaître. Qu’il a voulu apprivoiser l’homme devenu sauvage. Qu’Il a donné son Fils, né d’une Vierge, pour pardonner les péchés et nous donner la vraie vie : celle dont on ne meurt pas.

 

« Il s’étonna de leur manque de foi ».

 

Proclamons-le clairement, ce qui s’est passé à Nazareth préfigure tout ce qui va se passer durant la Semaine Sainte. Le jour des Rameaux, la foule fait un triomphe à Jésus lors de son entrée à Jérusalem. Quelques heures après, seulement, le vendredi, on crie : « Crucifie-le ». Et Lui, l’Innocent va être crucifié entre deux bandits. Ici de même, dans son pays, la foule suit le guérisseur, le faiseur de miracle qui parle avec autorité. Et d’un coup, au contact des gens de la famille de Jésus, toute la soupe devient froide. Et il faut partir.

 

« Alors il parcourait les villages d’alentour en enseignant ».

 

Il repart. Etonné de leur manque de foi. Il repart sur un échec, bien sûr. Mais l’important est qu’il reparte. On ne s’arrête pas sur un échec. Il faut remettre l’ouvrage sur le métier. Repartir.

Seigneur, préserve-nous du découragement et du désespoir dans les échecs.
Vois notre peu de foi. Fais grandir en nous la foi.
Affermis-la, pour que tu puisses faire en nous ta volonté.
Que notre joie soit de faire ce que tu dis.

Amen

Père Jérôme Jean

6 juillet 2012 | 14:00
par Jérôme Jean Hauswirth
Temps de lecture : env. 4  min.
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