
Annonce de la Passion II
J’espère que vous êtes autant choqué que moi par la laideur de ces propos. Condamner un innocent pour éprouver Dieu, quelle horreur ! Condamner un juste pour défier Dieu et pour voir comment il va réagir ? Mettre Dieu au défi ? Quel orgueil et quelle présomption…
Et pourtant, ce passage de l’ancien testament est prophétique. Il annonce ce qui arrivera à Jésus. JESUS S’EST DIT « FILS DE DIEU », ALORS POUR CELA, IL A ETE CONDAMNE à une mort honteuse et injuste. Une mort cruelle et ignominieuse.
« Si ce juste est Fils de Dieu, Dieu l’assistera, et le délivrera…condamnons-le à une mort infâme, puisque, dit-il, quelqu’un veillera sur Lui ».
Dans l’évangile de ce dimanche, après la profession de foi de Pierre et la première annonce de la Passion de dimanche passé, Jésus veut enseigner en profondeur ses disciples. Il veut les aider à comprendre la grande épreuve qui l’attend, la Crucifixion, sommet de l’Amour qui se donne. Il veut expliquer qui est en vérité le Messie : Fils de l’homme et Serviteur souffrant.
A l’époque de Jésus, tout le monde attendaient un Messie, un envoyé de Dieu qui serait le libérateur d’Israël. Un libérateur brillant et puissant. Un rassembleur d’hommes capables de faire l’unité et de triompher des ennemis par la force. La figure du « Messie-Fils de l’homme » était celle du juge puissant de la fin des temps. Juge qui viendrait triomphalement sur la nuée (Dn 7).
Alors vous comprenez combien est étonnante et paradoxale l’affirmation de Jésus : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes, et ils le tueront… ». Ici la formule est frappante : comment le Fils de l’homme, ce prestigieux personnage, juge de la fin des temps, comment cet homme peut-il être livré aux mains des hommes ? Ne nous trompons pas de Messie, ni de Dieu ! Jésus vient bien de Dieu, mais pas du Dieu auquel pensent les hommes. Jésus vient d’un Dieu don-donné, un Dieu amour. Un Dieu serviteur. Un Dieu donné donc capable d’être livré.
Oui, notre Dieu est un Dieu livré. Livré pour nous. Ce mot « livré » renvoie aux prophètes et aux justes de l’Ancien Testament, livrés aux bourreaux alors qu’ils étaient justes. Jésus prend sur lui cette souffrance innocente, il fait sienne cette fidélité à son Dieu jusque dans sa mort. C’est pourquoi ce même mot sera largement utilisé dans les récits de la Passion : Judas a livré Jésus aux grands prêtres. Les grands prêtres ont livré Jésus à Pilate. Pilate a livré Jésus aux soldats.
Jésus est livré, mais pas par celui qu’on imagine…
Mais alors interrogeons-nous : qui a livré Jésus ? Judas ? Les grands prêtres ? Pilate ? Et bien aucun de ceux là ! C’est le Père qui a livré son Fils. C’est Dieu le Père qui nous livre ce qu’il a de plus précieux : son Fils unique. Et dans le même sens, c’est même le Fils qui s’est livré lui-même. Et de fait, Jésus a réalisé le projet de son Père, et a décidé de l’assumer. Il a accepté de donner sa Vie selon la volonté de son Père. Il s’est livré librement selon la volonté du Père. Ce don est confirmé par les paroles de Jésus : « Ma vie, personne ne la prend, c’est moi qui la donne » (Jn 10).
Comme dit Saint-Paul, il s’est livré pour nos fautes et il ressuscite pour notre justification (Rm 4, 25). Il est livré pour nos péchés, et il ressuscite pour nous sauver. Ou ailleurs : « Le fils de l’Homme m’a aimé et s’est livré pour moi » (Ga 2, 20).
Vous êtes d’accord avec moi : ce n’est pas très simple à comprendre. Et bien justement : admirons le réalisme de l’évangile de ce jour : les disciples, eux aussi, n’y comprennent rien. Alors que Jésus se présente comme un serviteur humble et souffrant, comme un Fils d’homme qui s’abaisse, eux recherche qui parmi eux celui qui est le plus grand. Ils se disputent honneur et préséance. C’est bien le moment !
De même pour chacun de nous : combien de fois nous disputons-nous pour de vaines questions d’orgueil alors que notre maître s’est fait serviteur.
Alors Jésus leur dit : « SI QUELQU’UN VEUT ETRE LE PREMIER, QU’IL SOIT LE DERNIER DE TOUS ET LE SERVITEUR DE TOUS ».
Nous entendons bien ici le renversement des valeurs que l’Evangile opère. C’est un retournement radical : La vraie grandeur ne réside pas dans le prestige ou les honneurs, mais dans le service et l’humilité.
Il place alors au milieu d’eux un enfant. L’enfant ici n’est pas l’être innocent qui sait s’abandonner, mais bien le pauvre par excellence, sans défense, livré aux forts et aux puissants. On se trompe constamment : il convient ici de rappeler que dans l’antiquité, l’enfant n’était pas comme aujourd’hui symbole d’innocence et motif d’attendrissement. Non, l’enfant était vu comme méprisable, impur. L’enfant n’avait pas encore de valeur. L’enfant, c’est donc dans notre évangile, comme les pécheurs et les publicains que Jésus aime d’un amour de préférence. Ainsi, entendez la bonne Nouvelle : Le Royaume de Dieu est offert à tous gratuitement, en priorité à ceux qui sont ignorés, laissés pour compte, compté pour rien.
LA GRANDEUR DU CHRETIEN SE MESURE A LA QUALITE DU SERVICE QU’IL REND AUX PLUS PETITS, AUX PLUS DEFAVORISES.
« En vérité, je vous le déclare, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits, qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40).
Seigneur, tu nous as enseigné par toute ta vie et ta mort, que
nous ne monterons l’échelle de la sainteté, qu’en descendant celle de l’humilité ;
Aide-nous Seigneur à renoncer à toutes formes de vaine gloire,
pour ne chercher d’autre honneur et d’autre richesse
que de te servir dans les plus faibles de nos frères.
Amen.
Père Jérôme Jean.
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