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Homélie

Homélie du 24 juillet 2016 (Lc 11, 1-13)

Chanoine  José Mittaz – Hospice du Grand-Saint-Bernard

L’année de la Miséricorde est la bonne occasion pour dépoussiérer un peu nos conceptions du pardon, et peut-être d’abord de la faute. On a trop parlé du péché originel. Ce n’est pas mal d’en parler sauf si on oublie que ce qui est originel c’est la bienveillance de Dieu, que ce qui est à l’origine de toute vie c’est un amour inconditionnel ; car seul l’amour inconditionnel, la bienveillance jusqu’au bout permet de ne pas casser ce qui a commencé à se construire.

« L’Eucharistie célébration de notre réconciliation avec Dieu »

Chaque fois que nous nous reconnaissons pécheurs, respectivement fautifs, coupables. Il y a des nuances dans ces mots. Pécheur : je suis toujours en relation avec un Dieu qui pardonne ; coupable : je me remords parce que  j’ai du remord ; fautif : je reconnais ma transgression. À chaque fois que je me reconnais pécheur, coupable, fautif, que je n’oublie pas ce que saint Paul nous a dit de façon très claire dans la lettre aux Colossiens : il a pardonné nos fautes. Dieu a pardonné nos fautes. La célébration de l’Eucharistie n’est pas la célébration des bien-pensants, n’est pas la célébration de ceux qui viennent fêter le diplôme de bonne conduite. C’est la célébration de notre réconciliation avec Dieu. Il a effacé le billet de la dette. Chaque fois qu’on se sent en dette, qu’on ne mérite pas, qu’on sent indigne. Il a effacé, à nous de ne pas réécrire. Pourquoi il a effacé ? Parce que – saint Paul le dit bien – parce que ça nous accablait. Dieu n’est jamais celui qui veut peser sur nous. Ressusciter veut dire se lever. Il faut être cohérent : si le Seigneur veut qu’on se lève, il ne va pas peser sur nous. Nous on est à terre. Osons croire en ce pardon.

« Jésus est le Juste, qui fait que l’humanité ne sera jamais condamnée »

Le pardon, c’est quoi ? C’est remettre de la douceur, de la paix dans les blessures à l’intérieur de soi. Quel que soit le fautif – que ce soit moi ou l’autre – quel que soit l’offenseur. Mettre de la paix, de la douceur en soi, quel que soit l’attitude de l’autre. Ça c’est important. Le pardon n’est pas la réconciliation. Dans le pardon, je ne suis pas obligé d’attendre que l’agresseur demande pardon. Je peux commencer à prendre soin de moi en complicité avec Dieu qui prend soin de moi et qui prend soin de l’autre. Vous l’entendez bien dans la première lecture de la Genèse. Abraham doit négocier avec Dieu, On a l’impression qu’Abraham doit apprendre à Dieu à être bon. Et si c’était la pédagogie de Dieu de faire naître en nous la bonté qui est à l’origine de notre vie ? Abraham a peur de fâcher Dieu alors qu’il est en train d’entrer peu à peu dans les vues de Dieu. Malheureusement il s’est arrêté à dix. En fait il suffisait d’un seul : le Christ. C’est lui qui pour toute l’humanité est le Juste, qui fait que l’humanité ne sera jamais condamnée. J’insiste sur le « jamais ». Il nous faut appuyer là-dessus parce que c’est à partir de là que nous pouvons construire. Oui, la réconciliation, elle n’est pas toujours possible aujourd’hui. Mais ça n’est pas une raison pour ne pas entrer par la porte de la Miséricorde. La porte millénaire de l’hospice ouverte nuit et jour depuis mille ans ou l’ami peut arriver au milieu de la nuit et même réveiller notre confrère Frédéric – pour qu’il puisse lui apporter sa présence et le soin demandé – est à l’image de cet Evangile.

« La Miséricorde, ce baume que nous pouvons recevoir en nous »

Porte de la Miséricorde à ouvrir. Cette porte, elle est à l’intérieur de nous. Il ne s’agit pas forcément d’aller vers une cathédrale. Il s’agit de ne pas se fermer en soi. Porte de la Miséricorde pour offrir de l’indulgence. Oui, pas pour recevoir l’indulgence mais pour la donner. La Miséricorde elle est là pour libérer en nous notre capacité à être indulgent, à comprendre l’autre dans sa difficulté à être, à exister et à être ajusté. Comment cela ? En étant soi-même conscient qu’on n’est pas toujours ajusté – quand on dit « on » c’est pour dire « je ».  Je ne suis pas toujours ajusté, j’ai besoin de l’indulgence de l’autre. Ma manière de la recevoir c’est de l’offrir à mes frères et sœurs en disant : « Oui je les comprends bien parce que moi non plus je ne suis pas toujours ajusté ». La Miséricorde, ce baume que nous pouvons recevoir en nous, cette douceur qui nous libère peu à peu de ce qui est aigre. Le Juste paraît insignifiant dans une multitude d’humanités agressives. Écoutons la voix intime, celle qui se murmure en nos vies, non pas les cris qui font mal, mais la voix du silence, celle qui nous est donnée de rejoindre maintenant.



17e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

Lectures bibliques : Genèse 18, 20-32; Psaume 137; Colossiens 2, 12-14; Luc 11, 1-13

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24 juillet 2016 | 10:49
Temps de lecture : env. 3  min.
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