Bilan de santé des Eglises réformées romandes: préoccupations
Suisse: finances et Eglises (191092)
Lausanne, 18octobre(APIC) De préoccupantes à bonnes, la santé des finances des Eglises réformées de Suisse romande varie en fonction du statut qui
les lie à l’Etat. Vivant sous le régime de la séparation et par là tributaires des contributions facultatives des fidèles, les Eglises protestantes
neuchâteloise et genevoise paient aujourd’hui leur indépendance au prix
fort. Dans les autres cantons, proches de l’Etat ou non, les Eglises enregistrent à des degrés divers les effets de la crise. Partout les économies
sont de rigueur.
A Neuchâtel, la situation financière de l’Eglise réformée évangélique
(EREN) est si préoccupante que des mesures touchant aux salaires des pasteurs, diacres et collaborateurs seront soumises au Synode de décembre
prochain. Pour réduire un déficit prévisible de 1,4 million de francs en
1993, le Conseil synodal propose de bloquer l’indexation des salaires et de
renoncer au versement d’une partie du 13e salaire. La mesure, si elle est
acceptée, toucherait 150 personnes dont le revenu serait alors amputé de
5%. L’économie ainsi réalisée, combinée à d’autres, laisserait tout de même
un déficit de 380’000 francs sur un budget de 11 millions.
Jouissant depuis la Réforme d’un statut autonome, institutionnellement
et financièrement indépendante de l’Etat, l’EREN est financée à 90% par les
contributions volontaires des protestants du canton. Or, seuls 40% d’entre
eux s’en acquittent. En dépit de la conjoncture actuelle, l’Eglise neuchâteloise espère que la campagne de sensibilisation au paiement de la contribution ecclésiastique, actuellement en cours, portera ses fruits. Les sacrifices demandés aux employés de l’EREN pourraient ainsi être évités. A
titre de comparaison, un pasteur neuchâtelois touche un salaire équivalent
à 90% de celui d’un instituteur du canton, à 50% celui d’un pasteur bernois, 60% d’un pasteur vaudois et 80% d’un pasteur genevois. L’Eglise n’exclut pas en cas de difficultés financières persistantes de prendre d’autres
mesures allant jusqu’à la suppression de postes.
Genève? A la même enseigne
Logée à la même enseigne, l’Eglise nationale protestante de Genève
(ENPG) a décidé de diminuer de 20% son budget dans les trois ans à venir.
Les premiers effets de cette décision se feront sentir l’année prochaine,
avec une diminution de 7% de la masse salariale. Concrètement, 4 postes et
demi seront laissés vacants et 2 postes et demi supprimés. Le budget 1992
de l’ENPG s’établit à 17,2 millions de francs, dont 73% devrait être couvert par les contributions ecclésiastiques.
Pour s’en tenir à l’indépendance et gommer le superflu, l’Eglise genevoise, propriétaire de quelque 80 bâtiments, a pris la décision de reporter
à des temps meilleurs les travaux de restauration. Elle tente par ailleurs
de se défaire d’un certain nombre d’immeubles. Mais en raison de la conjoncture actuelle, les acheteurs ne se bousculent pas.
Valais et Fribourg
Minoritaire, avec 5% de protestants, l’Eglise réformée évangélique du
Valais (EREV) doit en bonne partie son salut financier aux Comités de secours aux protestants disséminés, oeuvres de soutien des grandes Eglises
réformées à la diaspora. «Mais dans quelles proportions les Eglises protestantes des autres cantons pourront-elles encore soutenir l’Eglise réformée
valaisanne?», s’inquiète Marie-Claude Seydoux, trésorière de l’Eglise réformée locale. Reconnue d’intérêt public, l’Eglise réformée valaisanne reçoit des contributions des paroisses, calculées en fonction du nombre de
protestants résidant dans les communes. Sur un budget annuel de 1,4 million de francs, un tiers des dépenses sont à ce jour couvertes par ces
contributions. Les subsides des Comités de secours demeurant encore une inconnue.
D’exercice déficitaire en exercice déficitaire, pour boucler les comptes, payer les traitements des 11 salaires (pasteurs, diacres, personnel
administratif), il faut, d’année en année, puiser toujours davantage dans
les réserves. L’Eglise réformée valaisanne attend donc avec impatience le
ballon d’oxygène que devrait lui apporter l’application de la nouvelle loi
permettant aux paroisses de recourir à l’aide de l’Etat en cas de nécessité.
Minoritaire également, l’Eglise évangélique réformée de Fribourg ne connaît cependant pas de difficultés financières «autres que conjoncturelles»,
précise le pasteur Michel Lederrey, président du Conseil synodal. Jouissant
d’un statut d’autonomie par rapport à l’Etat, l’Eglise réformée fribourgeoise est organisée selon un régime congrégationaliste, autrement dit, les
paroisses sont autorisées à percevoir un impôt. Grosso modo, pour l’ensemble du canton, elles ont encaissé l’an dernier quelque 4 millions de
francs. A charge pour elles de payer les salaires de leurs ministres, l’entretien des bâtiments, la contribution à la caisse cantonale et les contributions aux oeuvres d’entraide. Le canton de Fribourg compte quelque 30’000
réformés et une trentaine de ministres.
Eglise/Etat: même combat
Selon le statut de partenariat qui lie l’Eglise réformée de Berne à
l’Etat, ce dernier prend à sa charge les traitements des ministres. Pour
l’Union synodale Berne-Jura, l’exercice en cours se soldera par un léger
déficit, environ 117’000 francs sur un budget total de 16,5 millions. Un
certain nombre de subventions ont été supprimées et la formation continue
des ministres a été restreinte. A l’heure actuelle, des discussions sont
menées entre le Conseil synodal et la Direction des cultes pour examiner où
de nouvelles économies pourront être faites. Pour l’Eglise réformée, il
s’agit de réaliser une économie de 1,6 million de francs.
Membre de l’Union synodale Berne-Jura, l’Eglise réformée du canton du
Jura, séparée de l’Etat, reçoit néanmoins une contribution étatique lui
permettant de couvrir 75% des traitements des ministres. Au sein de l’Union, elle bénéficie d’une clé de répartition différente.
Pas de soucis majeurs pour l’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV)
qui, de par ses structures, est très proche de l’Etat et ne porte pas le
souci financier de la rétribution des ministres. En revanche, l’Eglise centrale repose sur les contributions directes des paroisses. Le budget 1993,
3,2 millions de francs, prévoit une augmentation de 4%. «Confiance et sérénité», tels sont les mots qui concluent le rapport de politique financière
de l’EERV qui sera soumis aux délégués du prochain synode. Certaines paroisses pourraient néanmoins rechigner devant l’augmentation inscrite au
budget, même si elle reste inférieure à l’inflation. Sur le plan cantonal,
l’EERV entend jouer le jeu de la solidarité.
Sur le plan des relations extérieures, l’Eglise vaudoise, grosse pouvoyeuse de subventions, contribue à hauteur de 53% au financement des ministères (formation continue des ministres et diacres, médias) que se partagent
les Eglises protestantes en Suisse romande. Le recul numérique des autres
Eglises, déjà constaté dans certains cantons et que viendront confirmer les
chiffres du recensement fédéral, risqueraient alors d’augmenter la charge
qui repose sur l’Eglise vaudoise. (apic/spp/pr)
Encadré
En augmentation: les sorties d’Eglise
En 1991, 1’700 protestants neuchâtelois n’ont pas fait mention sur leur
déclaration fiscale de leur appartenance confessionnelle, échappant du même
coup à la contribution ecclésiastique. L’Eglise réformée bernoise a, pour
la même période, enregistré 2’166 sorties d’Eglise, soit autant de contribuables en moins pour les paroisses. A Fribourg, l’Eglise réformée fait
état de 73 démissions au 31 décembre 1991. Pour les paroisses réformées
fribourgeoises, ces départs ont une incidence directe sur leurs finances
puisque ce sont elles qui rétribuent les pasteurs. Des prises de position
des Eglises jugées trop politiques ou le départ vers d’autres communautés
religieuses motivent le plus souvent les sorties. Les Eglises constatent
cependant un regain de démissions coïncidant avec l’envoi des bordereaux
d’impôt. Dans le canton de Vaud, où l’Eglise est reconnue «institution nationale», la possibilité de sortir de l’Eglise n’existe pas. (apic/spp/pr)