Pour 1997, espère Mgr Gaucher

Sainte Thérèse de Lisieux, Docteur de l’Eglise? (091092)

Lisieux, 9octobre(APIC) Une carmélite morte à vingt-quatre ans, sainte

Thérèse de Lisieux, sera-t-elle déclarée Docteur de l’Eglise, rejoignant

ainsi des géants de la théologie tels que saint Thomas d’Aquin ou saint Augustin? Mgr Guy Gaucher, évêque auxiliaire de Bayeux et Lisieux, espère que

ce sera pour 1997.

«Il faut trois conditions pour être Docteur de l’Eglise», explique Mgr

Gaucher dans le dernier numéro de «Paris Notre Dame»: être saint canonisé,

professer une doctrine théologique d’ampleur universelle. Enfin, que

l’Eglise se prononce par une déclaration. L’évêque auxiliaire de Bayeux-Lisieux est chargé de constituer le dossier théologique qui devrait permettre

cette déclaration. «Il n’est pas encore entièrement rédigé, mais contient

déjà l’édition critique des oeuvres complètes… Quant à la date, il ne

nous appartient pas de la fixer. Nous fêterons le centenaire de la mort de

Thérèse en 1997, ce serait une belle date».

En 1932 déjà, des centaines d’évêques proposent que Thérèse soit

déclarée Docteur de l’Eglise, mais le pape Pie XI refuse cette demande.

«Pas de femme!» En 1970, Paul VI déclare Thérèse d’Avila et Catherine de

Sienne Docteurs de l’Eglise: «l’obstacle est donc levé». Le cardinal

Garrone en 1973, puis le cardinal Etchegaray en 1975, remettent cette cause

à l’ordre du jour. L’an dernier à Lourdes, les évêques de France ont voté

à l’unanimité une requête transmise au pape. Les évêques brésiliens et

suisses font de même. «Cette demande est maintenant lancée dans le Peuple

de Dieu»: tous les chrétiens peuvent la signer non comme une pétition, mais

comme un fervent appel. «Vox populi, vox Dei?»

Tous appelés à la sainteté

«Thérèse de Lisieux préfigure le Concile Vatican II qui appelle tous les

baptisés à la sainteté: elle est l’exemple type de sainteté pour aujourd’hui. Il n’y a rien d’extraordinaire dans sa vie mais elle nous explique comment transformer en tremplin nos faiblesses, nos pauvretés et même

nos péchés. C’est en fait un grand message d’espérance pour aujourd’hui».

A-t-elle effectivement élaboré un corpus théologique? «Catherine de

Sienne était illetrée: il faut sortir de l’idée universitaire et masculine

de ce que doit être un docteur», réagit Mgr Gaucher. «Il y a une façon féminine d’aborder la réalité spirituelle, qui peut aller très loin. Thérèse

a tracé la voie de l’enfance spirituelle. Ce n’est pas quelque chose de

nouveau. Mais il s’agit d’un retour à l’Evangile tourné vers le vingtième

siècle. Cet itinéraire spirituel conduit à une rencontre de Dieu dans la

vie ordinaire».

«Jean Paul II, à Lisieux en 1980, disait que l’essentiel de la doctrine

de Thérèse, c’est l’essentiel de l’Evangile: Dieu est notre père et nous

sommes ses enfants. Nous sommes fils dans le Fils, Thérèse avance très loin

dans cette voie. Mais c’est dans l’Evangile: ’Si vous ne retournez à l’état

des enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux’. Et Thérèse, du

moins à la fin de sa vie, avait, je crois, conscience de tracer une voie

nouvelle, celle de la confiance et de l’amour».

Un Dieu caché

Toute la vocation de Thérèse est résumée dans son nom de religion: Soeur

Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face. «La vie cachée de Thérèse

au Carmel imite toute la vie cachée de Jésus de Nazareth, mais aussi le

Verbe fait chair caché dans la crèche. La référence à la Sainte Face fait

partie de la Kénose, de l’anéantissement de Jésus crucifié qu’elle veut

imiter». Pour Thérèse, «Dieu est un Dieu caché». Et l’évêque de Bayeux et

Lisieux d’affirmer: «Il est temps d’en finir avec l’imagerie mièvre à propos de Thérèse. La sainteté au quotidien, c’est de l’héroïsme qui demande

un don de soi permanent, au compte-goutte. C’est un martyre quotidien. Thérèse a quelquefois un langage fleuri, mais pour elle, jeter des fleurs à

Jésus, c’est ne rien omettre, aucun détail de sa vie».

L’iconographie a beaucoup altéré la vraie personnalité de Thérèse: «On a

tendance à pétrifier les saints, mais le surnaturel s’incarne dans le réel.

Aujourd’hui, nous disposons de ses écrits et de ses photos authentiques.

C’est une chance formidable: quarante-cinq photos d’une carmélite cloîtrée

au 19e siècle, et c’est sainte Thérèse». (apic/pnd/fm/pr)

ENCADRE

Personne n’a rien vu

Evénement éditorial: les oeuvres de Thérèse sont enfin disponibles de

façon intégrale. On y trouve, en plus des manuscrits autobiographiques, 266

lettres, 21 prières, 54 poésies et 8 pièces de théâtre. «Cela fait trente

ans que nous attendions cette édition critique complète. Nous ne pouvions

pas en rester à l’Histoire d’une âme», explique Mgr Gaucher. En effet,

l’ouvrage qui a fait connaître Thérèse au monde entier, traduit en trentehuit langues, ne comporte pas moins de sept mille altérations introduites

par Mère Agnès par rapport au texte écrit de la main de la sainte.

Ecrits de circonstances et non littéraires, les manuscrits de Thérèse

révèlent comment elle vit dans le secret ses épreuves: la mort de sa mère,

la maladie de son père, et plus encore la nuit de la foi. Toute une vie cachée dans la foi, l’epérance et la charité. Personne n’a rien vu! De tous

ces écrits se dégage une pensée théologique dont on peut faire la synthèse.

Il y a, par exemple, une théologie de l’eucharistie dans ses poésies.

Cette théologie ne peut s’expliquer uniquement par l’enseignement reçu

au Carmel ou par ses lectures. «Cette somme incroyable d’intuitions fondamentales, fulgurantes, qui font rêver nombre de théologiens, c’est le Saint

Esprit. Ses écrits, rédigés au fil de la plume, n’ont rien d’une élaboration intellectuelle. Thérèse de Lisieux et Thérèse d’Avila écrivent toutes

les deux sous l’inspiration de l’Esprit et elles rédigent des best-sellers

mondiaux», conclut Mgr Gaucher. (apic/pnd/fm/pr)

9 octobre 1992 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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