Le pape François fête ses 80 ans. Retour sur 8 décennies qui l'ont conduit jusqu'au trône de Saint-Pierre (Photo: Flickr/Mazur/catholicnews.org.uk/CC BY-NC-SA 2.0)
Vatican

François: 8 décennies pour faire un pape

Le 17 décembre 2016, Jorge Mario Bergoglio, le pape François, fête ses 80 ans de combat engagé pour le bien de tous. Du petit petit garçon fan de foot à l’élection sur le trône de Saint-Pierre, retour sur ces huit décennies qui ont façonné sa mission pontificale.

1936-1946: la transmission de la foi

Jorge Bergoglio durant ses années de collège (© collection privée)

Le 17 décembre 1936, Maria Regina et Mario Bergoglio, un couple argentin d’origine italienne, vivent une joie intense. Leur premier enfant est né, ils le nomment Jorge Mario. L’enfant est baptisé le soir de Noël.

Sa grand-mère paternelle, Rosa, le garde souvent. Elle lui transmet, outre le dialecte piémontais et les coutumes italiennes, la foi chrétienne. Durant cette première décennie, Jorge Mario commence sa scolarité au sein de l’Institut Notre-Dame de la Miséricorde, à quelques pas du domicile familial de Buenos Aires.

A dix ans, il aime collectionner les timbres et jouer au foot avec les copains du quartier. Il fait preuve d’un esprit débrouillard et indépendant. Il invente par exemple sa propre méthode pour apprendre ses tables de multiplication, en montant et descendant les escaliers.

1946-1956: l’appel

Le collège Wilfrid Ramon Mejia (© collection privée)

Jorge entre à la fin des années 1940 en pension au prestigieux collège Wilfrid Ramon Mejia, dans le grand Buenos Aires. Il restera profondément marqué par cette période salésienne. Les prêtres lui enseignent l’essentiel: une culture catholique ni bigote ni désorientée, mais ancrée dans la réalité.

Il ne s’endort jamais sans prier, développant une dévotion particulière pour la Vierge Marie. A l’âge de 13 ans naît en lui l’envie de devenir prêtre. En septembre 1953, il se fait confesser par un prêtre qu’il ne connaît pas mais qui «l’attendait depuis longtemps». Suite à la confession, il sent que quelque chose a changé en lui. «J’avais senti véritablement comme une voix, un appel: j’étais convaincu que je devais devenir prêtre». Un an plus tard, il annonce sa vocation à sa famille: La nouvelle est accueillie avec enthousiasme par son père, avec plus de perplexité par sa mère, qui aurait préféré qu’il devienne médecin.

Les parents de Jorge (© collection privée)

A 14 ans, son père l’envoie enchaîner les petits boulots, dans son temps libre. Il travaillera pour gagner de l’argent en parallèle de ses études de chimie alimentaire, au lycée technique. Elève très appliqué et studieux, il décroche son diplôme en 1955.

1956-1966: Un soldat du Christ

Au temps du séminaire (© collection privée)

Jorge a 21 ans lorsqu’il entre au séminaire archidiocésain de Villa Devoto, à l’ouest de la capitale argentine. Alors qu’il mène brillamment ses études, son cheminement est troublé par deux éléments: le souvenir d’une jeune fille rencontrée au mariage d’un des ses oncles et une maladie au poumon qui nécessite une ablation d’un morceau de l’organe. Dans le cadre de fortes douleurs post-opératoires, Jorge découvre le moyen d’affronter la souffrance à travers la foi.

En mars 1958, fortifié dans sa conviction, il décide de rejoindre la Compagnie de Jésus, attiré par le caractère missionnaire de cette congrégation. Il rêve de partir évangéliser au Japon. Rome l’envoie cependant dans une maison tenue par les jésuites au centre du Chili. Il y découvre l’extrême misère, en enseignant le catéchisme aux enfants du quartier.

A 29 ans, il entre comme enseignant d’art, de littérature et de psychologie au prestigieux collège jésuite de l’Immaculée Conception, à Santa Fe, au nord de l’Argentine. Malgré son jeune âge, le nouveau professeur impose le respect par son caractère persévérant et méthodique. Mais le futur pape développera également, au contact de ses élèves, son sens de l’humour.

1966-1976: Ascension fulgurante

L’an 1966 est crucial pour l’Argentine-le 28 juin, un coup d’Etat militaire destitue le président Arturo Illia, remplacé par le général Juan Carlos Ongania. C’est aussi un temps de transition pour l’Eglise, le Concile Vatican II s’étant terminé en décembre 1965.

A 31 ans, Jorge Bergoglio reprend ses études pour obtenir un diplôme de troisième cycle en théologie, au Colegio Maximo de San Jose, à San Miguel, dans la banlieue de Buenos Aires.

Les responsables du Colegio Máximo dont Jorge Bergoglio, troisième debout depuis la gauche (© DR)

Le 13 décembre 1969, il réalise son rêve de devenir prêtre. Ses parents et sa grand-mère Rosa assistent avec bonheur à son ordination. Quelques mois plus tard, il est envoyé en Espagne, où il passe une année consacrée à la prière, aux exercices spirituels et à l’action pastorale, parachevant ainsi sa formation. Il revient en 1971 en Argentine, où Rosa vit ses derniers instants. Il l’accompagnera jusqu’au bout. De ce lien si fort avec sa grand-mère, naît sa conviction si profonde de la richesse que représentent les aînés.

Au sein de la Compagnie de Jésus, il connaît une ascension fulgurante. En 1973, à l’âge de seulement 36 ans, il devient provincial d’Argentine. Le pays est alors divisé entre ceux qui, au nom de l’anti-communisme, soutiennent la droite nationaliste et ceux qui ont pris le parti des plus humbles, des exploités et des pauvres. Après le retour au pouvoir du général Peron, en 1973, le clergé «de gauche» est menacé. Au sein de celui-ci s’active Mgr Enrique Angelleli, archevêque de Cordoba. Il est assassiné en 1976 par des militaires. Le travail et les convictions de Mgr Angelleli marqueront profondément le Père Bergoglio, notamment concernant son option préférentielle pour les pauvres et les exclus.

1976-1986: Les années de plomb

En mars 1976, le commandant en chef de l’armée, Jorge Rafael Videla, renverse la présidente Isabel Peron. Face au terrorisme d’Etat qui s’installe, Jorge Bergoglio s’efforce avant tout de protéger ses séminaristes. En mai 1976, deux Frères jésuites, Olando Yorio et Francisco Yalics sont enlevés et emprisonnés par le pouvoir. Après leur libération, ils accuseront le provincial des jésuites de n’avoir rien fait pour eux. Il sera plus tard démontré que Jorge Bergoglio avait fait tout son possible pour obtenir leur liberté. Des témoins de l’époque ont même confirmé que le jésuite cachait des personnes recherchées par la police dans le Colegio Maximo de San Miguel.

En 1980, le Père Bergoglio crée l’église du patriarcat Saint-Jospeh. Il y célèbre la messe et distribue la communion aux déshérités des environs (© collection privée)

En décembre 1979, son mandat de provincial s’achève et il devient recteur de ce même collège. Il partage le quotidien de ses élèves, préparant même souvent les repas ou sortant les poubelles.

1986-1996: Mgr Bergoglio

En 1986, le Père Bergoglio demande au nouveau supérieur des jésuites d’Argentine de partir en Allemagne. Il veut reprendre ses études et rédiger une thèse sur un théologien italien qui vécut longtemps dans ce pays, Romano Guardini. A la faculté de théologie de Sankt Georgen, à Francfort, il rassemble du matériel sur Guardini et perfectionnera son allemand, mais n’achèvera jamais sa thèse.

A son retour d’Allemagne, il se voit attribuer une chaire de théologie pastorale au Colegio Maximo. Là, il semble en bute à une campagne de dénigrement, certains voyant d’un mauvais œil sa grande influence. En 1990, on lui retire sa chaire et il est envoyé comme confesseur à Cordoba, au pied de la sierra argentine. L’archevêque de Buenos Aires, le cardinal Antonio Quarracino plaide finalement en sa faveur. Les deux hommes partagent la même ouverture post-conciliaire, la même attention au pauvres et le même engagement pour le dialogue interreligieux. Le Père Bergoglio est nommé en 1992 évêque auxiliaire de Buenos Aires. Il est ordonné le 27 juin dans la cathédrale de la capitale, par Mgr Quarracino.

Le 27 juin 1992, le Père Jorge Bergoglio est ordonné évêque (@ collection privée)

A son poste, Mgr Bergoglio ne cessera de visiter les quartiers défavorisés de son diocèse, dirigeant notamment des processions dans les bidonvilles.

1996-2006: Un cardinal au milieu de son peuple

Sous le gouvernement de Carlos Menem (1989-1999), l’évêque auxiliaire critiquera de façon virulente et répétée les politiques économiques ultralibérales et la corruption qui affligent les populations vulnérables d’Argentine.

Le 3 juin 1997, il est nommé archevêque coadjuteur de Buenos Aires. A la mort du Cardinal Antonio Quarracino, en février 1998, il devient archevêque de la capitale. C’est le premier jésuite à accéder à la fonction de primat d’Argentine. En moins de dix ans, le simple confesseur de Cordoba est devenu l’archevêque d’un des plus grands diocèses du continent latino-américain. Mais le pouvoir ne le change pas. Il commence par refuser de vivre dans la résidence destinée à l’archevêque. Il évite les déplacements inutiles et demeure près de ses fidèles.

A l’archevêché, il développe les «nuits de la charité», lors desquelles des jeunes se réunissent pour prier avant de parcourir la ville pour aller aider des sans-abri.

L’archevêque de Buenos Aires est créé cardinal par Jean Paul II lors du consistoire du 21 févier 2001. Cette même année, l’Argentine sombre dans la crise économique et l’instabilité sociale. Mgr Bergoglio, avec d’autres évêques, s’implique pour trouver une issue aux troubles. Un gouvernement par interim est nommé après la démission du président Fernando de la Rua. L’Eglise est devenue un symbole de crédibilité et elle a permis de sauver les institutions politiques.

Mgr Bergoglio devenu cardinal (© DR)

L’archevêque de Buenos Aires reste malgré tout au plus proche de ses fidèles. En 2004, Lorsqu’un terrible incendie éclate dans une boîte de nuit de la capitale, tuant près de 200 jeunes, il passe toute la nuit sur le trottoir, réconfortant les blessés, les familles en deuil ou donnant l’extrême onction.

En 2005, suite à la mort de Jean Paul II, il participe au conclave qui désigne le cardinal Joseph Ratzinger comme nouveau chef de l’Eglise catholique. L’évêque argentin réunit déjà à cette occasion une bonne partie des suffrages.

2006-2016: Le jésuite devenu pape

De retrour en Argentine, ses relations avec le pouvoir de Nestor Kirchner se dégradent sensiblement. Après des revers politiques attribués à l’influence de l’archevêque de Buenos Aires, ce dernier est désigné comme l’ennemi politique de la présidence.

En mai 2007, il joue un rôle clé dans la conférence d’Aparecida, au Brésil. Il y développera de nombreux points phare de son pontificat, tels que l’option préférentielle pour les pauvres, la dénonciation de la «culture du déchet» et l’élan vers les périphéries.

En décembre 2007, Cristina Kirchner succède à son mari. Plus ouverte, elle entre cependant en conflit avec Mgr Bergoglio sur de nombreux dossiers. L’archevêque continue de lutter, de son côté, contre la corruption, la traite des êtres humains, ou encore le trafic de drogue.

Jorge Bergoglio et la présidente de l’Argentine Cristina Kirchner (Photo: DR)

En février 2013, le pape Benoît XVI annonce sa démission. Le 13 mars, le cardinal Bergoglio devient le nouveau successeur de Pierre. Les observateurs saluent l’élection d’un pape atypique, qui peut faire bouger l’Eglise. Il donne le ton d’un air nouveau lorsqu’il se présente pour la première fois au balcon en demandant que la foule prie pour lui. Il refusera également de loger dans les appartements pontificaux, préférant la sobriété de la Maison Sainte-Marthe.

Le pape François apparaît au balcon, après son élection au trône de Pierre. (Photo: Pascal Fessard)

Sa priorité aux exclus et aux marginalisés sera le leitmotiv du début de son pontificat. Sa première visite hors du Vatican sera ainsi pour l’île de Lampedusa, où débarquent de nombreux réfugiés de l’Afrique du Nord. Son style nouveau, son charisme et sa volonté de changement font de lui un des papes les plus populaires de l’ère contemporaine. (cath.ch/rz)


Les actes forts de son pontificat

Certaines de ses décisions, telles que la réforme de la curie, qu’il entreprend dès 2013, lui attirent des oppositions au sein du Vatican.

En novembre 2013, il publie sa première encyclique Evangelii Gaudium (La joie de l’Evangile). Le texte met notamment en exergue l’obligation qu’ont les chrétiens envers les pauvres ainsi que leur devoir de maintenir un ordre économique, politique et légal juste

Le pape François s’engage, dans son pontificat, également pleinement pour la paix. En 2014, Cuba et les Etats-Unis annoncent un processus de normalisation de leurs relations. Une avancée pour laquelle les présidents Barack Obama et Raul Castro remercient publiquement le pontife, qui a proposé la médiation de l’Eglise.

Poursuivant dans le dialogue interreligieux, le pape François se rend en Terre Sainte en mai 2014. Il y rencontre des dignitaires juifs et musulmans. Suite à cela, il invitera les présidents palestinien Mahmoud Abbas et Shimon Peres au Vatican. Le pontife argentin marque aussi sa volonté de mettre à jour la doctrine de l’Eglise dans le domaine de la famille. Un point qu’il concrétise en convoquant un synode des évêques en octobre 2014.

L’année 2015 est marquée par cinq voyages hors d’Italie, notamment à Cuba et aux Etats-Unis, ainsi qu’en Afrique Centrale, en Asie du Sud-Est et en Amérique du Sud. Cette année est également celle qui mettra en lumière son souci pour la création. Avec Laudato Si’, il devient le premier pape à rédiger une encyclique entièrement sur l’écologie humaine.

Il convoque également fin 2015 une Année sainte extraordinaire de la miséricorde, au cours de laquelle des millions de pèlerins afflueront à Rome. Son engagement envers les exclus se concrétise en 2016 avec un voyage en février sur l’île de Lesbos, en Grèce, à la rencontre des réfugiés, dont de nombreux Syriens. Le pape ramènera douze réfugiés musulmans à Rome, à bord de son avion.

Lors de sa visite pastorale au Mexique, le pontife marquera aussi son attention aux migrants en célébrant une messe à la frontière avec les Etats-Unis. En mars, il réalise avec son exhortation apostolique Amoris laetitia une synthèse des débats du synode sur la famille. Certaines de ses positions, notamment concernant l’attitude de l’Eglise envers les divorcés remariés, provoquent des oppositions de la part de certains cardinaux.

En juillet, il se rend à Cracovie pour rencontrer les jeunes catholiques du monde entier à l’occasion des JMJ. Confirmant son intention d’avancer dans le domaine de l’œcuménisme, le pape François se rend en Suède en octobre, pour commémorer les 500 ans de la Réforme protestante.

Le pape François fête ses 80 ans. Retour sur 8 décennies qui l'ont conduit jusqu'au trône de Saint-Pierre
16 décembre 2016 | 12:41
par Pierre Pistoletti
Temps de lecture : env. 10  min.
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