Un cauchemar de deux heures qui infirme les propos d’Adolf Ogi

Un ressortissant albanais du Kosovo de Delémont torturé par la police serbe

Delémont, 24janvier(APIC) Un ressortissant albanais du Kosovo habitant

Delémont depuis 1970, a été victime des brutalités de la police serbe au

cours d’un séjour qu’il effectuait dans son pays d’origine pour y rencontrer ses parents.

Les faits remontent au 6 janvier, témoigne aujourd’hui Osdautaj Skender,

âgé de 42 ans, marié et père de cinq enfants. Plusieurs de ses frères vivent actuellemment comme réfugiés en Suisse. Un élément qui explique sans

doute le passage à tabac systématique enduré pendant près de deux heures.

Un médecin d’Irzeniq, lieu de résidence de ses parents, a constaté et soigné ses multiples blessures. A noter que O, Skender est au bénéfice d’une

rente AI, à la suite d’un accident de travail dans le Jura.

Parti de Delémont le 25 décembre dernier, Osdautaj Skender a bien cru

qu’il ne reverrait jamais plus sa famille lorsque vers 16h 30, en ce jeudi

6 janvier, une patrouille de police serbe l’obligeait à stopper sa voiture

aux abords du village de Ratish, proche de la fontière albanaise et à quelque 90 km de Prishtina, capitale du Kosovo. Sa voiture était munie des plaques jurassiennes.

«J’allais rechercher des parents qui avaient assisté à un enterrement.

Une voiture de police s’est mise au devant de la mienne, m’obligeant ainsi

à m’arrêter. Sans crier gare, ils ont saisi les clés de ma voiture et m’ont

roué de coups. Ils voulaient aussi mon passeport que j’avais eu la présence

d’esprit de cacher», explique-t-il aujourd’hui. «Plusieurs témoins assistaient à la scène, sans bouger. La peur».

Conduit au poste de police dans la voiture de patrouille, alors qu’un

troisième policier s’emparait de son automobile, O. Skender allait subir un

interrogatoire en règle durant près de deux heures, sauvagement frappé sur

l’ensemble du corps. Aux coups succédaient les questions au sujet de ses

frères réfugiés, sur ses activités politiques – qu’il assure de pas avoir ainsi que sur celles de sa famille restée au Kosovo.

«J’ai craint pour ma vie. Ils frappaient méthodiquement et même y prenaient plaisir. La torture a ainsi duré presque deux heures. Mais il m’a

semblé qu’une éternité s’était écoulée avant qu’ils ne me relâchent et rendent les clés. Sans vraiment donner d’explications». A noter que O. Skender

s’est refusé à raconter son aventure à un journaliste local. «Plusieurs cas

semblables ont ainsi été signalés dans ma région. La presse en a parlé et

les persécutions et menaces de la police ont redoublé contre les victimes

et les familles de celles-ci».

Le récit de O. Skender confirme les craintes émises par les paroisses

catholiques et protestantes de la région de Berne, qui accueillent encore

et toujours quelque 100 requérants d’asile du Kosovo, en instance d’expulsion depuis mi-octobre. Les responsables de ces paroisses réfutaient récemment l’argument du Conseil fédéral selon lequel des immigrés travaillant en

Europe de l’Ouest peuvent se rendre sans ennuis au Kosovo. Selon le Conseiller fédéral Adolf Ogi, qui réprimandait l’hésitation des autorités bernoises en exigeant l’accomplissement des mesures de renvoi, il n’existe pas

au Kosovo de persécution individuelle.

Un avis que ne partagent ni les oeuvres d’entraide, ni les organisations

internationales ni l’ONU, qui qualifient de mauvaises les conditions des

droits de l’homme au Kosovo. (apic/pierre rottet)

24 janvier 1994 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 2  min.
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