Rome: lettre de Jean Paul II aux familles (220294)

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La famille «route de l’Eglise»

Rome, 22février(APIC) La lettre que le pape Jean Paul II adresse aux familles à l’occasion de l’Année internationale de la famille décrétée par

les Nations Unis s’inscrit dans le droit fil de «Veritatis Splendor». Dans

une société qui a perdu ses valeurs, l’homme et la famille doivent retrouver leur place dans la vérité et dans l’amour. Jean Paul II ne manque pas

de dénoncer la fausse liberté qui se prétend totalement autonome de la vérité. Dans une longue réflexion théologique d’une centaine de pages, dont

l’APIC vous donne ci-dessous un ’résumé’, Jean Paul II retrace la vocation

de la famille «comme route de l’Eglise» autour du récit de la Création et

du mystère de l’Incarnation.

Pour Jean Paul II malgré toutes les menaces qui pèsent sur elle, la famille reste la cellule première dont l’homme ne peut s’écarter, son «horizon existentiel», «la communauté fondamentale dans laquelle s’enracine tout

le réseau de ses relations sociales». Né de la Vierge Marie le Fils de Dieu

est entrée dans l’histoire des hommes par la famille. Le mystère de l’Incarnation a donc un rapport étroit avec la famille humaine, note d’emblée

Jean Paul II.

Dans cette lettre qu’il adresse à «chaque famille concrète de toutes les

régions de la terre» Jean Paul II entend en fait redire: «N’ayez pas

peur,le Christ est proche de vous. Il est l’Emmanuel, Dieu avec nous».

«Notre société s’est détachée de la vérité plénière sur l’homme, de la vérité sur ce que sont l’homme et la femme comme personnes», remarque le pape.

La première partie du document est donc anthropologique. A partir du récit

de la création de l’homme et de la femme dans la Genèse, la lettre souligne

qu’aucun être vivant en dehors de l’homme n’a été créé à l’image de Dieu,

selon sa ressemblance. «Le modèle original de la famille doit être cherché

en Dieu, dans le mystère trinitaire de sa vie».

C’est dans la création que se révèle déjà la nature de l’alliance conjugale dans laquelle l’homme et la femme se donnent et se reçoivent mutuellement. La famille se base sur deux principes: celui de la ’communion’ qui

concerne la relation personnelle entre le ’je’ et le ’tu’ et celui de la

communauté qui s’articule autour du ’nous’. «La famille, communauté de personnes, est donc la première ’société’ humaine.» Le mariage sacramentel est

une alliance de personnes dans l’amour. Alliance qui résulte d’un choix réciproque qui est, ou qui devrait être, pleinement conscient et libre. Un

choix qui respecte l’identité profonde de l’homme et de la femme, identité

qui consiste «dans la capacité de vivre dans la vérité et dans l’amour»

(…) plus encore dans le besoin de vérité et d’amour dimension constitutive de la vie de la personne».

L’unité des époux, consacrée dans le sacrement du mariage, au lieu de

les renfermer sur eux-mêmes les ouvre à une vie nouvelle, à une personne

nouvelle. Selon la doctrine catholique, les parents coopérent avec le Créateur pour donner la vie. Tout homme est crée par Dieu «pour lui-même», y

compris ceux qui naissent avec des infirmités ou des maladies, précise Jean

Paul II. La paternité et la maternité représentent une tâche de nature non

seulement physique, mais spirituelle. Dans ce sens, le pape regrette la

tendance à restreindre le noyau familial à deux générations seulement. «On

trouve peu de vie humaine dans les familles d’aujourd’hui. Il n’y a que peu

de personnes avec qui créer et partager le bien commun…» Dans le nouveauné se réalise le bien commun de la famille. Mais est-il vrai que le nouvel

être humain est un don pour les parents? s’interroge la société moderne.

L’enfant vient prendre de la place, alors que dans le monde l’espace se

fait toujours plus rare, affirment certaines mentalités. Comment nier, répond le pape, que l’enfant est un élément du bien commun sans lequel les

communautés humaines se désagrègent et risquent la mort? La gloire de Dieu

c’est l’homme vivant, disait saint Irénée. L’homme est un bien commun de la

nation et de l’Etat auquel il appartient, explique encore le pape.

La naissance d’un homme constitue en outre un signe pascal. «De même que

la résurrection du Christ est la manifestation de la Vie au delà de la

mort; de même la naissance d’un enfant est aussi manifestation de la vie,

toujours destinée par le Christ à la plénitude de la Vie, qui est en Dieu

même.»

Paternité et maternité responsables

Au chapitre de la paternité et de la maternité responsables, Jean Paul

II reprend la doctrine de Paul VI dans «Humanae Vitae» qui souligne que les

deux dimensions de l’union conjugale, l’union et la procréation ne peuvent

être séparées artificiellement. Certes, Jean Paul II n’ignore pas les critiques reprochant au Magistère l’Eglise d’être «maintenant dépassé et fermé

aux requêtes de l’esprit des temps modernes, de mener une action nocive

pour l’humanité et plus encore pour l’Eglise elle-même». En s’obstinant

l’Eglise finira par perdre sa popularité et les croyants s’éloigneront

d’elle, dit-on. Le fondement sur lequel repose la doctrine de l’Eglise est

on ne peut plus ample et solide, rétorque le pape. Le Concile Vatican II

déclare que l’union conjugale ne peut être totalement comprise et expliquée

qu’en recourant aux valeurs de la ’personne’ et du ’don’.

Dans tous les cas, l’union conjugale implique la responsabilité de

l’homme et de la femme, insiste Jean Paul II. «L’homme ne peut pas se réfugier dans des paroles comme «je ne sais pas», «je ne voulais pas», «c’est

toi qui l’a voulu». «Il faut que tous les deux, l’homme et la femme, prennent en charge eux-mêmes et vis-à-vis des autres la responsabilité de la

vie nouvelle qu’ils ont suscitée.» «La personne ne peut jamais être considérée comme un moyen pour atteindre une fin, et surtout une jamais comme

une source de jouissance.» En concluant ce passage, Jean Paul II n’omet pas

de souligner le courage de ceux qui sont prêts à aller à contre-courant.

Le chapitre suivant rappelle comment et pourquoi la famille est organiquement intégrée à la ’civilisation de l’amour’, selon l’expression du pape

Paul VI. Si la première route de l’Eglise est la famille, la civilisation

de l’amour est elle aussi la route de l’Eglise, souligne la lettre. La civilisation actuelle est plus basée sur l’utilitarisme, constate Jean Paul

II, une civilisation des choses et non des personnes. Ainsi la femme peut

devenir pour l’homme un objet, les enfants une gêne pour les parents, la

famille une institution encombrante pour les personnes qui la composent. Il

suffit de voir les tendances à favoriser l’avortement «qui cherchent en

vain à se dissimuler sous le soi-disant ’droit de choisir’».

L’hymne à l’amour de saint Paul dans sa lettre aux Corinthiens décrit un

amour exigeant. «En lui se trouve le fondement vraiment solide de la famille, un fondement qui la rend capable de ’supporter tout’», remarque le pape. Les dangers affectant l’amour sont avant tout l’égoïsme individuel, du

couple, ou social. On ne peut comprendre la liberté comme la faculté de

faire n’importe quoi, elle signifie don de soi. Selon l’argument développé

dans «Veritatis Splendor», la personne se réalise par l’exercice de sa liberté dans la vérité. ’L’amour libre’, habituellement proposé comme la traduction d’un sentiment ’vrai’, en réalité détruit l’amour, s’insurge Jean

Paul II. Un amour libre de toute contrainte, cela signifie rendre l’homme

esclave des instincts humains. On ne prend pas en considération les conséquences qui en découlent, notamment pour les enfants qui deviennent «orphelins de leur parents vivants».

«Honore ton père et ta mère»

Dans un commentaire sur le quatrième commandement: «Honore ton père et

ta mère», Jean Paul II note qu’entre le termer honorer et aimer, le lien

est profond. Honore signifie reconnaît. Ce commandement s’adresse aussi aux

parents puisqu’il leur dit indirectement: «Agissez de telle manière que

votre comportement mérite l’honneur que vous porte vos enfants. Tous les

droits de l’homme demeurent en fin de compte fragiles et inefficaces si ne

figure pas au point de départ l’impératif: «Honore». «Si en d’autres termes

manque la reconnaissance de l’homme pour le simple fait d’être homme, cet

homme.» «’Sois homme’: Telle et la première injonction transmise par la

famille», souligne la lettre. Ce qui permet à Jean Paul II de dire que la

civilisation de l’amour n’est pas une utopie.

Toujours en partant du principe que l’homme est appelé à vivre dans la

vérité et l’amour, le pape accorde à l’éducation le statut de véritable

apostolat. Cette éducation commence dès la grossesse. «Il est essentiel que

l’homme ressente la maternité de la femme son épouse comme un don». Dès la

naissance, l’éducation est un processus de réciprocité dynamique. Par

l’éducation, les parents prennent part à sa pédagogie à la fois paternelle

et maternelle. Par rapport à l’Eglise comme à l’Etat s’applique le principe

de subsidiarité. Ils assument les tâches d’éducation au nom des parents et

avec leur consentement. Dans le cadre de l’éducation religieuse, Jean Paul

II insiste sur la préparation à la vie de couple, c’est surtout une tâche

de la famille. Il s’agit de créer à ce niveau là une solidarité étroite entre les familles.

Dans la société et dans l’Etat, la famille doit être reconnue dans son

identité en sa qualité de sujet social. Le mariage consiste une alliance

par laquelle un homme et une femme constituent entre eux une communauté de

toute la vie, ordonné par son caractère naturel au bien des conjoints ainsi

qu’à la génération et l’éducation des enfants. Toute autre forme d’union,

avertit Jean Paul II, constitue un danger pour l’avenir de la famille et de

la société elle-même. Et de rappeler la Charte des droits de la famille publiée par le Saint-Siège qui indique que les droits de la famille sont plus

que la somme mathématique des droits de la personne.

La famille est également partie constitutive de la nation et de l’Etat.

En ce sens elle a droit à un soutien plus large, en particulier pour ce qui

concerne le travail des femmes dans leur foyer «qui doit être reconnu et

valorisé au maximum», y compris sur la plan économique, note le pape.

«L’Epoux est avec vous»

La deuxième partie du document beaucoup plus courte est plus spirituelle. Elle commente l’enseigement du Christ sur le mariage et la famille autour du thème. «N’ayez pas peur, je suis avec vous». La vérité sur la famille est inscrite dans la Révélation de Dieu et dans l’histoire du Salut.

«Les forces divines son beaucoup plus puissantes que vos difficultés», affirme le pape. Et de rappeller le rôle essentiel des sacrements et de la

prière. Reprenant l’expression de saint Paul qui parle de la famille comme

un ’grand mystère’, le document explique comment les époux trouvent dans le

Christ une référence à leur amour. «Maris, aimez vos femmes comme le Christ

aime l’Eglise», écrivait saint Paul. La famille en tant qu’Eglise domestique est également l’épouse du Christ.

Sous le titre «La mère du bel amour», Jean Paul II poursuit sa lettre

par une méditaion sur la Vierge Marie et la Sainte Famille. «L’amour pour

être réellement beau doit être un don de Dieu». Après un passage rappellant

aux médias le danger de falsifier la vérité sur l’homme, le pape conclut sa

lettre en actualisant l’appel du Christ: «J’étais un enfant à naître et

vous m’avez reçu en me permettant de naître; j’étais un enfant abandonné et

vous avez été pour moi une famille (…)». «Les mères qui hésitaient et qui

subissaient des pressions indues vous les avez aidées à accepter leur enfant à naître et à le mettre au monde. Vous avez aidé les familles nombreuses, les familles en difficulté …» (apic/mp)

22 février 1994 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 8  min.
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