Les vieux-croyants pas encore prêts à rejoindre le Patriarcat de Moscou

Primat de l’Eglise orthodoxe des vieux-croyants, le métropolite Corneille (Korniliy) de Moscou et de toute la Russie ne croit pas à une possible réunification avec le Patriarcat de Moscou. Pas question, au stade actuel, d’un dépassement du schisme de l’Eglise orthodoxe vieille-ritualiste russe remontant au XVIIe siècle.

«Les blessures du schisme sont trop profondes. Nous sommes trop différents dans nos fondements, dans nos rites et dans notre esprit. Nous n’accepterons jamais leurs rites et ils vont difficilement revenir à l’ancien rite dans un proche avenir», a-t-il déclaré dans une interview accordée lundi 7 août au quotidien russe Kommersant.

Relations de bon voisinage

Le métropolite Corneille qualifie de coexistence pacifique et de relations de bon voisinage les rapports actuels de son Eglise avec le Patriarcat de Moscou, «ce qui aide les gens à être respectueux les uns des autres, à vivre en paix, à lutter contre l’alcoolisme, les addictions aux drogues et l’avortement». Il remercie également les autorités russes pour leur attitude envers les deux Eglises orthodoxes, traitées sur un pied d’égalité.

Le président russe Vladimir Poutine a rendu visite le 31 mai 2017 au primat de l’Eglise des vieux-croyants, à leur centre métropolitain de Moscou-Rogojskoïe, qui existe depuis plus de 200 ans.

Poutine, l’entremetteur

C’est un fait historique sans précédent, souligne V. Golovanow sur le site Parlons d’Orthodoxie: «Jamais aucun chef de l’Etat russe n’a rencontré un responsable des vieux croyants depuis que le fondateur du mouvement, le protopope (archiprêtre) Avvakoum, refusa de se soumettre aux ordres du tsar Alexis au XVIIe siècle».

Cette rencontre a suscité beaucoup de commentaires. En 2007, rappelle-t-il, la réunion de l’Eglise russe hors-frontières (ERHF), dite aussi Eglise russe à l’étranger, avec le Patriarcat de Moscou, avait été précédée d’une rencontre de Vladimir  Poutine avec le primat de cette Eglise séparée, le métropolite Laure, à New York, en 2003.

Spéculations immédiatement refroidies

Mais, rappelle V. Golovanow, ces spéculations ont été immédiatement refroidies par le métropolite Hilarion de Volokolamsk, chef du Département synodal des affaires ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, le 1er juin 2017. «Il faut surmonter le schisme qui s’est produit dans l’Eglise orthodoxe russe au XVIIème siècle, mais cela ne se produira pas avant longtemps», déclarait-il alors. Il exprimait le regret qu’actuellement les deux Eglises «sont encore assez loin de travailler concrètement à surmonter ce qui en son temps a divisé les fidèles orthodoxes de notre patrie».

Les orthodoxes vieux-croyants, plus souvent appelés vieux-croyants (starovères) ou vieux-ritualistes, sont un ensemble de groupes qui se sont séparés de l’Eglise orthodoxe de Russie par leur refus des réformes introduites par le patriarche Nikon en 1666 – 1667. De nombreux changements dans les rites et les textes mis en œuvre par Nikon visaient à aligner le rite russe sur Byzance.

Raskol, le schisme

Les vieux-croyants ne différent de l’orthodoxie officielle que sur des questions de rites et de pratique, mais en respectent totalement tous les dogmes de la foi. Ces réformes ont pourtant causé un schisme dans l’Eglise orthodoxe russe, connu sous le nom de Raskol (schisme, en russe).

Avant la Révolution de 1917, les vieux-croyants étaient près de 20 millions dans l’Empire russe, mais après des décennies de persécutions par le régime communiste en Union soviétique et la sécularisation de la société russe, ils ne seraient pas plus de deux millions à l’heure actuelle, selon l’agence de presse russe Interfax. D’autres sources citent le chiffre d’un million.

Persécution

Les vieux croyants furent l’objet d’un anathème lors du concile local de 1656 et subirent de terribles persécutions durant les XVIIème et XVIIIème siècles, allant jusqu’au bûcher, comme dans le cas de l’archiprêtre Avvakoum. A l’époque soviétique, les fidèles de cette Eglise considérée comme schismatique subirent le même sort que l’Eglise orthodoxe officielle. Ils sont alors déportés en Sibérie, sur les bords du lac Baïkal, ou dans le Grand Nord. Certains choisissent l’exil et des communautés de vieux croyants s’installent en Roumanie (connus sous le nom de «Lipovènes»), au Canada, aux Etats-Unis et en Amérique du Sud.

En 1971, le Patriarcat de Moscou a levé l’anathème de 1656 à l’encontre des vieux croyants, qui ne sont donc plus considérés comme des «hérétiques», permettant d’accélérer le rapprochement entre les deux Eglises. Une «commission pour les paroisses de tradition liturgique ancienne et la coopération avec les vieux croyants» a été créée en 2004 et un Centre patriarcal a été fondé en 2009 et poursuit les mêmes objectifs.  (cath.ch/interfax/pdo/be)

 

 

 

 

Immolation d'Avvakoum Tableau de Grigori Miassoïedov
8 août 2017 | 12:11
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 3 min.
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