Un seul médecin pour 100’000 habitants sur l’île d’Idjwi
Fribourg: Fondation de l’Association Hôpital de Monvu, au Zaïre (290594)
Fribourg, 29mai(APIC) Vaut-il encore la peine aujourd’hui d’aider l’Afrique, un continent décrit par les médias comme ravagé par la famine, le sida, la corruption, les sanglantes guerres ethniques et tribales… C’est
pour dire non à cet «afro-pessimisme» qu’une quarantaine de personnes, répondant à l’appel du Père Claude Maillard, ont fondé samedi à l’Africanum à
Fribourg l’Association Hôpital de Monvu (Zaïre), dans le but d’aider sur le
plan médical et financier cet établissement qui est le seul pour 100’000
habitants.
L’assemblée générale a élu comme président de la nouvelle Association M.
Jacques de Raemy, ingénieur retraité et ancien président de la fondation
des Ecoles catholiques d’Yverdon, et comme vice-président le docteur René
Renevey, chirurgien-gynécologue FMH retraité, qui a déjà effectué plusieurs
missions médicales à Monvu. Les autres membres du comité sont Mmes Hélène
Nordmann et Marie-Jo Erni, de Fribourg, et Bernard Schmoutz, de Romont,
dessinateur-géomètre, ancien volontaire de Frères sans Frontières, qui a
travaillé à la reconstruction de l’hôpital durant plusieurs années.
Au sud de la grande île d’Idjwi, sur le lac Kivu, en face du Rwanda et
du Burundi, Monvu est le seul hôpital dont disposent ses 100’000 habitants.
Dans un passé pas si lointain, les îliens devaient faire 17 à 18 km en pirogue pour aller se faire opérer sur terre ferme. Et quand on connaît les
colères soudaines du lac Kivu, on peut s’imaginer le nombre de malades disparus dans les vagues.
Nommé par l’archevêque de Bukavu curé de l’île d’Idjwi il y a 12 ans, le
Père Claude Maillard s’est vu confié par son évêque la reconstruction de
l’Hôpital de Monvu, désaffecté et réduit à l’état de quasi-ruine et que
l’Etat venait de donner à l’Eglise. Cet ancien hôpital privé du temps de la
colonisation belge avait été nationalisé et puis son mobilier pillé, «déplacé» selon l’expression courante au Zaïre. Des lits d’hôpitaux ont d’ailleurs été récupérés chez les responsables politiques locaux!
Claude Maillard n’avait à l’époque aucune compétence médicale particulière, à part le fait qu’il avait été soldat sanitaire et qu’il connaissait
bien le milieu médical, étant lui-même fils de médecin-dentiste. Mais il
est rapidement devenu la cheville-ouvrière de cet important projet sanitaire patronné par l’archidiocèse de Bukavu. Rentré en Suisse l’an dernier
pour une période de trois ans, le Père Blanc fribourgeois ne sait pas s’il
pourra retourner sur son île, ou si ses supérieurs l’enverront ailleurs. En
fondant une association qui puisse récolter des fonds pour le fonctionnement et les investissements nécessaires à l’Hôpital de Monvu, le P. Maillard a voulu ainsi garantir la pérennité de son oeuvre.
Même si, face aux maux qui frappent l’Afrique, les préjugés et les réactions courantes, épidermiques, servent trop souvent de prétexte pour ne
rien faire, «il ne faut jamais désespérer d’un continent», interpelle le
missionnaire fribourgeois. Les divers témoignages comme ceux du Dr. Renevey, qui a effectué deux missions médicales à Monvu, et du Dr. Xavier Courtois (Annecy), qui y a travaillé comme volontaire pendant 2 ans, ont montré
que beaucoup reste à faire.
Des consultations à la lampe de poche
Ainsi, l’hôpital ne dispose pas de laboratoire spécialisé, on ne peut y
faire que l’hémoglobine et le groupe sanguin. Matériel médical et médicaments doivent être utilisés avec parcimonie, et les sets de perfusion sont
récupérés, nettoyés à l’alcool et stérilisés à nouveau. Les draps opératoires sèchent sur l’herbe, l’autoclave doit être bricolé à chaque fois… et
fermé à coups de marteau! La porte de la morgue jouxte celle du pavillon où
l’on isole malades du choléra et patients aux maladies contagieuses.
L’électricité, fournie par des panneaux solaires et un petit générateur est
insuffisante, et certaines consultations se font à la lampe de poche! Quand
le médecin est absent, c’est l’infirmier-chef qui se charge des césariennes
d’urgence. Et l’hôpital n’a pas d’anesthésiste!
Depuis plus d’un an, l’Etat zaïrois ne paie plus les salaires du personnel médical, alors qu’un médecin gagnait déjà tout juste 30 francs suisses
par mois, un infirmier-chef environ 15 francs. Même au temps où ils étaient
payés, les médecins zaïrois venaient difficilement sur cette île aux communications précaires; ils préféraient travailler là où il y a de meilleures
conditions. Aujourd’hui, l’hôpital de Monvu a des difficultés financières
énormes: avec l’hyperinflation, les gens n’ont absolument plus d’argent, et
ne viennent plus se faire soigner à l’hôpital. La tentation est grande pour
le personnel médical de devenir absentéiste, démotivé. Certains vont jusqu’à faire payer les injections aux patients: «il faut bien survivre!».
L’hôpital, dont le coût de fonctionnement annuel n’est «que» de 30’000
francs suisses, dépend de plus en plus de l’aide extérieure, car sa part
d’autofinancement (près de 50 % au début), n’atteint plus les 15 %. Outre
les 10’000 francs qu’assure la section fribourgeoise de l’oeuvre d’entraide
des entreprises «Solidarité Tiers-Monde» (STM), l’association devra trouver
le reste par des actions auprès de ses membres et dans le public. (apic/be)
Si vous souhaitez contribuer au développement de l’oeuvre lancée par le Père Claude Maillard, vous pouvez verser vos dons au CCP 17-10667-8; Mention:
Association Hôpital de Monvu, archidiocèse de Bukavu (Zaïre).