Paris: les éditeurs s’interrogent sur l’avenir du livre religieux (220694)

apic/Edition /Religieuse

Dépression pour le livre religieux, mais bonne santé pour le para-religieux

Paris, 22juin(APIC) Sur le thème «Le religieux dans l’édition: effet de

mode ou lame de fonds», un débat récemment organisé à Paris a permis à plusieurs éditeurs concernés de faire le point sur la situation. Un constat:

si le livre religieux connaît une dépression, le secteur para-religieux est

en bonne santé.

D’entrée de jeu, une évidence a surgi pour les éditeurs: il n’y a pas,

en France, avalanche de titres. Alors que les journalistes, voire le public, peuvent se sentir bombardés de nouveautés, les chiffres récents (voir

encadré) prouvent clairement que la production a marqué le pas. Autre caractéristique de la situation actuelle, selon Jean-Louis Schlegel, des éditions du Seuil, «il apparaît que les ouvrages qui marchent sont des livres

positifs ou identitaires. Il faut bien constater que dans la presse non

confessionnelle, les livres religieux n’ont guère le droit de cité».

Pour Pierre-Marie Dumont, du groupe Mame, actuellement en pleine restructuration, les chiffres relatifs aux «prescripteurs» (prêtres, membres

d’associations…) sont éloquents. Le fichier de l’éditeur Droguet-Ardant

en comptait 115’000 en 1970, pour 50’000 en 1980. Aujourd’hui il n’en compte plus que 11’000. Cette disparition, largement imputable, selon lui, à la

crise des vocations et au vieillissement du clergé, lui paraît très symptomatique et préoccupante. Quant à Nicolas-Jean Sed, dominicain responsable

éditorial au Cerf, il regrette amèrement que «le tissu militant, fait de

professionnels de grande qualité qui ont beaucoup apporté aux livres religieux, ait été largement mis en pièce et disqualifié par la venue de ’jeunes loups’». Souvent avec «l’assentiment aveugle des évêques. Aujourd’hui,

le Bureau d’études doctrinales de l’épiscopat en a pris conscience. mais

n’est pas trop tard?»

L’ignorance crasse du fait religieux…

Marc de Smedt, responsable du secteur «Spiritualités» chez Albin Michel,

a tranché sur cette morosité ambiante. l’ouverture de longue date aux spiritualités de l’Orient (Jean Herbert a fondé en 1947 la collection «Spiritualités vivantes»), et aujourd’hui aux auteurs dits «en marge» (Bernard

Besret, Jean-Yves Leloup), ainsi que la recherche du jeune public et d’un

partenariat mutli-face, expliquent les bonnes ventes de cette maison. Non

sans agacer quelque peu ses confrères qui soulignent la présence au catalogue de cette maison d’auteurs de titres douteux, et qui déplorent la pratique de «coups» éditoriaux, souvent au détriment de la qualité.

«L’ignorance crasse du fait religieux due à notre tradition laïcarde

bornée est en grande partie responsable de l’engouement pour l’ésotérisme

facile», estime en réponse Nicolas-Jean Sed. Avec l’éditeur du Seuil, il

avoue du reste souffrir de la difficulté du remouvellement des auteurs de

qualités. Il l’explique par la crise du recrutement sacerdotal: «Les hommes

jeunes et capables dans l’Eglise sont écrasés de responsabilités et indisponibles pour l’écriture». (apic/jcn/pr)

ENCADRE

Titres à succès

L’édition religieuse française bénéficie d’un rayonnement certain à

l’étranger. Elle ne représente pourtant que 2% du marché de l’édition française, contre 4% en Allemagne et 13% en Italie. On ne compte guère, par

ailleurs, qu’une dizaine d’éditeurs religieux stricto-sensu. Pour autant,

signe d’un intérêt croissant du public, des éditeurs généralistes comme

Gallimard ou Grasset développement eux aussi ce secteur.

Avec 495 nouveautés et livres à paraître cette année, contre 672 en 1993

et 592 en 1992, l’édition religieuse confirme le recul de la production annoncé l’an dernier. Cette baisse sensible est essentiellement due au groupe

Mame. Celui-ci, malgré le succès en 1992 du «Nouveau Catéchisme de l’Eglise

catholique» (500’000 exemplaires vendus), puis cette année de l’encyclique

«Veritatis splendor», a réduit le nombre de ses nouveautés de 135 en 1993 à

50 cette année.

Dans cette production 94, Jean Paul II est encore à l’origine d’un succès de librairie, avec sa lettre «Aux familles». L’abbé Pierre aussi, dont

le «Testament» paru chez Bayard éditions, s’est déjà vendu à 120’000 exemplaires depuis sa sortie le 29 janvier.

Autre vedette: Eugen Drewerman. Déjà phénomène éditorial en 1993 avec

six titres, dont «Fonctionnaires de Dieu» et ses 80’000 exemplaires vendus

chez Albin Michel, il publie cette année encore six autres titres, à la

fois chez Albin Michel et aux éditions du Cerf – dont l’Ordre des dominicains est propriétaire de la majorité du capital-. Bernhard Lang lui consacre en outre un essai paru au Seuil sous le titre «Drewerman, interprète de

la Bible». (apic/jcn/pr)

22 juin 1994 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
Partagez!