Mexique: le nonce reconnaît être entré (020894)
apic/Prigione / Mexique
en contact avec la mafia de la drogue mexicaine
Indignation dans le pays
Mexico, 2août(APIC) L’aveu fait par le nonce apostolique, Mgr Girolamo
Prigione, à savoir qu’il était bien entré secrètement en contact avec les
deux patrons les plus recherchés de la mafia de la drogue au Mexique, suscite une vague d’indignation à Mexico. L’aveu suit de peu la révélation de
ces contacts par le quotidien local «Excelsior».
Mgr Prigione a reconnu avoir rencontré en décembre et en janvier dernier
les frères Ramon et Benjamin Arellano Felix, barons de la drogue à Tijuana,
qui figurent parmi les bandits les plus activement recherchés dans tout le
Mexique et dans le sud des Etats-Unis.
Les autorités mexicaines avaient réclamé l’aide de l’Eglise pour retrouver la trace de ces dangereux individus, qu’elles rendent responsables de
l’assassinat du cardinal Juan Jesus Posadas Ocampo. Le 24 mai 1993, la voiture du cardinal avait été criblée de balles dans un parking de l’aéroport
de Guadalajara, où il s’était rendu pour accueillir Mgr Prigione. On avait
fait état à l’époque d’un échange de coups de feu entre bandes rivales de
narcotrafiquants ou entre ces derniers et la police.
Selon les autorités mexicaines, le nonce a, pendant des mois, gardé le
silence sur ses rencontres avec les malfaiteurs recherchés par la police,
l’homme d’église invoquant «l’obligation de respecter le secret professionnel sur des affaires que des hommes vous confient en privé».
Figure controversée au Mexique
Certains médias mexicains ont déjà suggéré que Mgr Prigione est entré
en contact avec les frères Arellano Felix pour entendre leur confession et
leur donner l’absolution pour l’assassinat du cardinal Posadas. Le nonce a
toutefois démenti cette affirmation, en ajoutant qu’il ne pouvait révéler
les motifs de son attitude. Il a insisté sur le fait qu’il avait invité ses
deux interlocuteurs à se présenter devant les autorités et que ces derniers
avaient promis d’y réfléchir.
Les médias ont jugé sévèrement l’attitude de Mgr Prigione. Selon le quotidien «La Jornada», le Vatican aurait été bien avisé de le rappeler, «pour
éviter de mettre le gouvernement dans la position embarassante de devoir le
déclarer ’persona non gratá».
Mgr Prigione est une figure controversée au Mexique, où certains lui reprochent ses tentatives de mater le clergé et les religieux progressistes,
dont beaucoup ont déjà réclamé son départ, et surtout les évêques «politiques». En 1993, il a ainsi convoqué Mgr Ruiz, l’évêque de San Cristobal de
Las Casas, dans le Chiapas, pour lui notifier en six points la condamnation
de sa pastorale et l’inviter à signer «de son plein gré» une lettre de démission, en raison «de graves erreurs doctrinales, pastorales et de gouvernement» qui «scandalisent l’Eglise et offensent le pape», écrivait-il. On
sait que, depuis, Mgr Ruiz a été appelé à présider la commission de réconciliation mise en place suite au soulèvement des Indiens du Chiapas.
Mgr Prigione, que certains à Mexico appellent Mgr PRI-gione, en raison
des bonnes relations qu’ils lui attribuent avec le PRI, le parti du président, est en poste au Mexique depuis quinze ans. Il y a «nommé» 50 des 88
évêques mexicains en activité, dont Mgr Suarez Rivera, archevêque de Monterrey et président de la conférence épiscopale, Mgr Perez-Gil Gonzalez,
archevêque de Tlalnepantla, Mgr Reynoso Cervantes, qui a succédé à Mgr Mendez Arceo, «l’évêque rouge» de Cuernavaca, Mgr Berlie Belaunzaran, évêque
de Tijuana.
Mgr Prigione est surtout le grand artisan du rétablissement des relations diplomatiques entre le Mexique et le Saint-Siège, intervenu le 21
septembre 1992, jour anniversaire de l’indépendance du Mexique (21 septembre 1821). Jusque là, la République du Mexique n’avait échangé des relations avec le Siège Apostolique que durant trois petites années, de 1864 à
1867, et l’Eglise avait eu à traverser des périodes très difficiles, notamment au lendemain de l’indépendance et après les constitutions de 1857 (le
catholicisme n’est plus la religion officielle) et de 1917 (séparation de
l’Eglise et de l’Etat, confiscation des biens religieux, expulsion des religieux étrangers…), ainsi que lors des persécutions (1926 à 1929).
(apic/cip/pr)