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Un fossé culturel et religieux sépare l'Europe

Les Européens de l’Est et de l’Ouest diffèrent sur l’importance de la religion, l’accueil des minorités et des questions sociales clés, indique une récente étude du centre de recherche américain Pew Research Center.

Selon une étude du Pew Research Center, publiée le 29 octobre 2018, il existe des différences entre pays européens dans les attitudes sociales. A l’égard des musulmans et des juifs, du mariage homosexuel et de l’avortement, les pays d’Europe centrale et orientale (Pays baltes, Russie, Biélorussie, Moldavie, Roumanie, Bulgarie, pays balkaniques, Pologne, Hongrie, Slovaquie, République tchèque), semblent moins ouverts que les pays d’Europe de l’Ouest.

Accueil de musulmans et de juifs

Alors que le rideau de fer qui divisait autrefois l’Europe a disparu, le continent reste divisé par des différences marquées dans les attitudes. Alors que l’Union européenne s’est élargie aux anciens satellites de l’URSS, la fracture dans les attitudes et les valeurs peut être extrême dans certains cas.

Par exemple, dans presque tous les pays d’Europe centrale et orientale, moins de la moitié des adultes seraient prêts à accepter des musulmans dans leur famille. Par contre, dans presque tous les pays d’Europe occidentale, plus de la moitié accepteraient un musulman dans leur famille. Un fossé similaire se creuse entre l’Europe centrale et orientale et l’Europe occidentale en ce qui concerne l’accueil de juifs dans leur famille.

De même, les Européens de l’Ouest sont aussi plus susceptibles que leurs homologues d’Europe centrale et orientale d’accepter des musulmans dans leur quartier. Ainsi 83 % des Finlandais accepteraient des musulmans comme voisins, comparativement à 55 % des Ukrainiens. Et bien que la fracture soit moins marquée, les Européens de l’Ouest sont également plus susceptibles de recevoir des juifs de leur quartier.


Pourcentage de la population qui accepterait un musulman dans leur propre famille | © Pew Research Center

Les Grecs entre Est et Ouest

Selon l’étude du Pew Reserch Center, les frontières importent peu. Il existe en effet de fortes tendances géographiques dans la façon dont les gens perçoivent la religion, l’identité nationale et les enjeux sociaux. Des différences particulièrement marquées apparaissent entre les pays historiquement associés à l’Europe de l’Est, anciennement communiste, et à l’Europe de l’Ouest.

Dans les pays au centre du continent, les attitudes dominantes peuvent s’aligner sur les opinions populaires de l’Est sur certaines questions, tout en reflétant plus étroitement l’opinion publique occidentale sur d’autres. Par exemple, les Tchèques, très laïques, favorisent généralement le mariage homosexuel et n’associent pas le christianisme à leur identité nationale, comme la plupart des Européens occidentaux. Mais ils expriment également de faibles niveaux d’acceptation envers les musulmans, comme leurs voisins de l’Est.

Autre exemple: pour la plupart des Hongrois, le fait d’être né dans leur pays et d’avoir des ancêtres hongrois est important pour être vraiment hongrois – une vision typiquement est-européenne de l’identité nationale. Pourtant, dans le même temps, seuls six Hongrois sur dix environ croient en Dieu, ce qui reflète les niveaux de croyance de l’Europe occidentale.

La Grèce, qui n’a pas fait partie du bloc de l’Est au XXe siècle, reste cependant plus proche de l’Europe de l’Est que de l’Ouest. Ainsi, la plupart des Grecs ne sont pas disposés à accepter des musulmans dans leur famille. Et les trois quarts considèrent qu’être chrétien orthodoxe est important pour être vraiment grec. En outre, près de neuf sur dix disent que la culture grecque est supérieure aux autres.

Christianisme et l’identité nationale

Les attitudes à l’égard des minorités religieuses vont de pair avec des conceptions différentes de l’identité nationale. Lorsqu’ils se trouvaient dans la sphère d’influence soviétique, de nombreux pays d’Europe centrale et orientale gardaient officiellement la religion en dehors de la vie publique. Mais aujourd’hui, pour la plupart des personnes vivant dans l’ancien bloc de l’Est, être chrétien (catholique ou orthodoxe) est une composante importante de leur identité nationale.

En Europe occidentale, par contre, la plupart des gens n’ont pas le sentiment que la religion est un élément majeur de leur identité nationale. En France et au Royaume-Uni, par exemple, la plupart disent qu’il n’est pas important d’être chrétien pour être vraiment français ou vraiment britannique.

Nationalisme religieux à l’Est

Mais un modèle général Est-Ouest est également apparent sur le chauvinisme culturel. Lorsqu’on demande aux personnes si leur culture est supérieure à celle des autres, les Européens centraux et orientaux sont, dans l’ensemble, plus enclins à répondre positivement. Les huit pays où cette attitude est la plus répandue sont tous à l’Est: Grèce, Géorgie, Arménie, Bulgarie, Bulgarie, Russie, Bosnie, Roumanie et Serbie.

De fait, les questions sur l’identité nationale, les minorités religieuses et la supériorité culturelle semblent indiquer une division européenne, avec des niveaux élevés de nationalisme religieux à l’Est et une plus grande ouverture au multiculturalisme à l’Ouest. Ce ” fossé de valeurs ” entre l’Est et l’Ouest concerne également des questions sociales clés, comme le mariage homosexuel et l’avortement légal.


Pourcentage de la population qui estime leur propre culture supérieure aux autres | © Pew Research Center

Multiculturalisme

Autre question abordée par l’étude du Pew Research Center, celle du christianisme comme «valeur européenne». De fait, les «valeurs européennes» signifient, pour certains, l’héritage chrétien du continent et pour d’autres, un libéralisme politique qui englobe une séparation entre l’Église et l’État, l’asile pour les réfugiés et un gouvernement démocratique.

Dans nombre de pays d’Europe centrale et orientale, la population se montre moins réceptive au pluralisme religieux et culturel qu’en Europe occidentale, ce qui questionne la notion de consentement universel à un ensemble de valeurs européennes.

De même, le soutien au multiculturalisme n’est pas universel, même en Europe occidentale. Dans de nombreux pays d’Europe occidentale, une grande partie de la population considère le fait d’être chrétien comme un élément clé de son identité nationale et n’accepterait pas que des musulmans ou des juifs soient des parents. Lorsque le Royaume-Uni a voté en 2016 le Brexit, pour quitter l’Union européenne, beaucoup ont estimé que ce vote reflétait les préoccupations concernant l’immigration et l’ouverture des frontières. Mais dans l’ensemble, les pays d’Europe occidentale sont beaucoup plus enclins que leurs voisins de l’Est à adopter le multiculturalisme. (cath.ch/bl)


Pew Research Center

Le Pew Research Center est un centre d’études, basé à Washington D.C, la capitale des Etats-Unis. Son activité essentielle consiste à fournir des informations sociales et des statistiques. Portant le nom de l’industriel du pétrole Joseph Newton Pew (1848–1912), il est notamment connu pour ses statistiques religieuses mondiales.

Le travail d’enquête sur les différences Est-Ouest en Europe a été réalisé entre 2015 et 2017 auprès de 56’000 adultes dans 34 pays européens.

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19 novembre 2018 | 17:20
par Pierre Pistoletti
Temps de lecture: env. 4 min.
Europe (124)
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