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Olomouc: Jean Paul II demande pardon aux non-catholiques (210595)

Jan Sarkander: un exemple au coeur des contradictions de l’histoire

De notre envoyé spécial Jean-Marie Guénois

Olomouc, 21mai(APIC) «Aujourd’hui, moi le pape de l’Eglise de Rome, je

demande pardon au nom de tous les catholiques, pour les torts infligés au

non-catholiques au cours de l’histoire turbulente des peuples de ce pays.

Et en même temps je vous assure du pardon de l’Eglise catholique pour les

maux que ses fils ont pu subir.» Si Jean Paul II demande pardon, sous les

applaudissements nourris de la foule, estimée à 100’000 personnes, réunie

dimanche matin sur l’aéroport d’Olomouc pour la canonisation de Zdislava de

Lemberk (1215-1251) et de Jan Sarkander (1516-1620), c’est que la que période où vécu ce dernier fut marquée par une guerre de religion violente

entre les protestants et les catholiques de Bohème.

Cette demande de pardon s’incrit également dans la polémique avec

l’Eglise évangélique des frères Moraves qui a boycotté le voyage de Jean

Paul II en signe de protestation contre la canonisation de celui qu’elle

considère comme un agent de la ’recatholicisation’ forcée de la Bohème.

Cette démarche est également en cohérence avec l’appel au pardon lancé en

novembre 1994 dans la lettre apostolique «Tertio millenio adveniente» où le

pape soulignait que la voie de l’examen de conscience et du pardon entre

chrétiens est une étape incontournable pour retrouver l’unité.

L’unité des chrétiens s’impose comme l’un des thèmes majeurs du 64e

voyage hors d’Italie de Jean Paul II. Sous le ciel gris et la pluie fine

qui accompagne la messe de canonisation sur l’aéroport d’Olomouc à 200 kilomètres à l’est de Prague, le pape entend faire de cette cérémonie «un témoignage pour la cause de l’unité des chrétiens».

De ce point de vue, l’exemple de sainte Zdislava de Lemberk (1215-1251)

n’est pas vraiment significatif. Mère de famille et tertiaire de l’ordre

dominicain, elle fut un exemple «de fidélité conjugale et de spiritualité

domestique». Pour le pape elle représente un témoignage admirable de

l’»Evangile de la famille» et de l’»Evangile de la vie».

La vie de Jan Sarkander est un «exemple au coeur des contradictions de

l’histoire», note le pape dans son homélie. Son action de prêtre, comme

l’indique la biographie officielle du Vatican, «rencontra de grandes difficultés pour la «recatholicisation» de la paroisse. Une action qui «devint

très problématique après la révolte de nobles de Bohème, majoritairement

protestants, contre l’empereur d’Autriche. Un voyage à Czestochowa lui vaut

d’être accusé d’espionnage pour le compte du roi polonais Sigismond II à

qui l’empereur d’Autriche avait confié le soin de combattre la révole des

nobles de Bohème. Arrêté et accusé d’avoir été informé comme confesseur du

plan d’invasion de la Bohème, il nie en bloc: «Je ne sais rien et rien ne

m’a été dit pendant le sacrement de la pénitence. Quand bien même je saurais quelque chose, cela serait couvert par le secret de la confession et

aucun supplice ne fera violer ce sacrement.» Le confesseur mourut finalement sous la torture lors de l’interrogatoire.

Ne pas justifier ou approuver les violences du passé

Dans la lettre adressée à Pavel Smetana, «Senior» des frères moraves,

Jean Paul II expliquait la portée de cette canonisation. «Je n’entends pas

et d’aucune manière, justifier ou approuver les violences du passé, mais je

veux seulement reconnaître les mérites de ce fils de Moravie.»

L’avenir dira si cette canonisation fera progresser l’unité des chrétiens. L’ambassadeur de la République tchèque auprès du Saint-Siège Frantisek Halas interrogé sur ce point ne cache pas que la décision de la canonisation en 1992 a été une grande suprise «non pas parce que Sarkander ne serait pas un saint, mais parce que ce sujet est très sensible pour les protestants». Halas ajoute, «nous sommes en train d’expérimenter tout le poids

de l’histoire».

Pour sa part, le cardinal Miloslav Vlk, ancien prêtre clandestin et laveur de vitres, aujourd’hui archevêque de Prague, pense qu’il est de la responsabilité catholique de faire de cette canonisation, «une occasion pour

reconnaître nos erreurs du passé et pour nous unir en vue du défi difficile

de l’évangélisation».

Le défi de l’évangélisation: 7% de pratique religieuse

De fait la querelle issue de cette canonisation ne prend qu’une place

relative dans la perspective de l’Eglise en République tchèque. La visite

du pape ne soulève pas un enthousiasme délirant selon les observateurs sur

place, même s’il faut compter sur la réserve naturelle du peuple tchèque.

Le cardinal Vlk souligne qu’entre les deux visites du pape, à cinq ans de

distance, le climat d’euphorie post-révolutionnaire a beaucoup changé. Sur

le plan social, le pays ne souffre pas tant du chômage que de l’inflation,

«la majeure partie des gens ont un revenu très bas, indique Mgr Jan Graubner, archevêque d’Olomouc, alors que les prix ne cessent de monter».

Sur le plan religieux, le taux réel de pratique chez les catholiques

tchèques avoisine les 7% pour une population baptisée à 71% et qui se dit

catholique à 40%. «Nous manquons de prêtres observe Mgr Vlk et les statistiques montrent qu’il y a trois fois plus de prêtres disponibles en Pologne

qu’en République tchèque». «Nous manquons d’églises, ajoute Mgr Graubner.

Il n’y en a aucune dans les grandes cités nouvelles construites sous le

communisme.» (apic/jmg/mp)

21 mai 1995 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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