Ines Calstas. | © Christine Mo Costabella
Suisse

Inès Calstas: «N’ayons pas peur de mourir pour revivre»

Responsable de la pastorale catholique des Milieux ouverts du canton de Genève, Inès Calstas revient sur la crise des abus sexuels qui secoue l’Eglise.

«Ce qui me touche particulièrement dans ces histoires d’abus, c’est que les victimes sont allées frapper à la porte de l’Eglise. Moi, en tant que victime, j’aurais posé une bombe, j’aurais écrit des graffitis sur les murs! Elles ont fait un pas en direction de l’institution qui les a blessées. Et ça me fait encore plus mal de savoir que nous ne les avons pas crues, pas prises en compte.

De plus, ne pas sanctionner les prêtres abuseurs, mais seulement les déplacer, est une manière de leur refuser à eux aussi un chemin de réconciliation avec Dieu.

Tombée trop tôt dans la marmite

Personnellement, je suis tombée dans la marmite quand j’étais petite et je n’ai pas envie de partir en claquant la porte: l’Eglise est en chemin, moi aussi! Mais je crois que nous vivons un moment de conversion.

L’Eglise doit arrêter de se voir comme la gardienne de la morale – qu’elle ne pratique pas – et se repenser comme peuple de Dieu. Si nous croyions vraiment que nous sommes tous appelés à la sainteté, tous pécheurs, tous pardonnés, il y aurait moins de scandales de ce genre.

Que l’Eglise pense à toutes les personnes qu’elle a exclues, à commencer par les femmes. Je me demande si ce n’est pas en se coupant de sa féminité qu’elle est devenue ce monstre décrit actuellement.

Moi-même, j’ai été invitée à prêcher au Centre œcuménique des Eglises pendant la semaine de l’unité des chrétiens; c’était une simple prière, pas une célébration eucharistique, mais je me suis fait taper sur les doigts par certains prêtres, parce qu’une femme catholique n’a pas le droit de prêcher!

Barbarin

L’affaire Barbarin m’a beaucoup troublée. Le cardinal s’est beaucoup engagé pour les plus démunis à Lyon: je sais qu’il a appelé des curés pour leur demander d’ouvrir les paroisses aux personnes exclues, aux Roms, aux sans-abri. Mon homologue lyonnais, le vicaire en charge de la solidarité, a pu scolariser des enfants de la rue grâce à son soutien.

Comment le cardinal Barbarin n’a-t-il pas eu le courage, ou l’empathie, d’agir plus vite pour les victimes? Comment un homme si engagé envers les personnes en détresse n’a-t-il pas su écouter cette détresse?

Peut-être parce que l’institution est devenue trop importante : c’est elle qu’on a voulu sauver, pas les personnes. On a peur que les structures s’effondrent. Mais ayons foi en la parole du Christ! Il a dit: ›Détruisez ce temple et en trois jours, je le relèverai’. N’ayons pas peur de cette Pâques. De mourir pour renaître. Et d’être vrai.

Quelque chose qui leur coûte

Dans mon enfance, à la confession, le curé expliquait que le pardon n’est pas automatique, qu’il faut montrer que l’on regrette en accomplissant une pénitence, même petite. Pourquoi ne pas demander la même chose aux personnes de l’Eglise qui ont commis des atrocités?

Qu’ils demandent pardon humblement et fassent un acte de réparation: aller travailler la terre, n’importe quoi! Mais quelque chose qui leur coûte et qui se voie, qui soit public. Je me souviens, en 2016, quand le pape François a demandé pardon publiquement aux pauvres pour les chrétiens qui détournent la tête devant eux: j’étais dans la salle Paul VI avec un groupe de Roms, je les ai vus pleurer.» (cath.ch/cmc)

Ines Calstas. | © Christine Mo Costabella
19 mars 2019 | 17:32
par Christine Mo Costabella
Temps de lecture: env. 2 min.
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