Mgr Georges Pontier, président de la Conférence des évêques de France | © Maurice Page
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Lourdes: l'Eglise est «en malaise», déclare Mgr Georges Pontier, président de la CEF

L’Eglise est «en malaise», a déclaré Mgr Georges Pontier, le président de l’épiscopat français, le 2 avril 2019 en ouverture de l’assemblée plénière de printemps des évêques de France, qui rassemble environ 120 évêques à Lourdes jusqu’au vendredi 5 avril.

Mais l’espérance est plus forte que tout, a lancé l’archevêque de Marseille, qui a évoqué les cas d’abus sexuels et l’affaire Barbarin, l’archevêque de Lyon qui n’est pas présent cette année à Lourdes. Le président de la Conférence des évêques de France (CEF) a toutefois lancé, en ce temps du Carême, un «appel à la conversion et à la confiance» face une» Eglise en malaise, une société française en revendication et une Europe en pleine incertitude».

Affaire Barbarin et abus sur des religieuses

La récente condamnation du cardinal Barbarin à six mois de prison avec sursis pour non-dénonciation d’agressions sexuelles, l’appel formé par ses avocats, la décision du pape François d’attendre la fin du processus judiciaire pour statuer sur sa demande de démission, les réactions vives de certaines victimes d’abus, ont jeté le trouble. «Tout cela marque nos Eglises diocésaines», a-t-il admis, ajoutant à ce tableau consternant la diffusion récent d’un reportage sur la chaîne de télévision Arte montrant «l’horreur vécue par des religieuses agressées par des prêtres diocésains ou religieux ou parfois même par leurs propres supérieures».

A Lourdes, les évêques de France siègent dans un climat lourd | © Jacques Berset

Cela «exige que nous unissions nos efforts avec la CORREF [la Conférence des religieux et religieuses de France, ndlr] pour permettre aux victimes d’être entendues et accompagnées, pour dénoncer avec force ces actes abjects».

L’Eglise doit redevenir «une maison sûre»

Du 21 au 24 février à Rome, le pape François a réuni tous les présidents des conférences épiscopales du monde entier ainsi que certains préfets de dicastères. Des représentants des congrégations religieuses étaient aussi présents. Des victimes d’agressions sexuelles de la part de membres du clergé ont donné leur poignant témoignage.

«Il s’est agi de renforcer la conscience d’une responsabilité commune et universelle à l’égard des personnes victimes et de réfléchir à la manière de réagir face aux délits ou crimes commis par les personnes coupables» et de faire en sorte «que l’Eglise redevienne une maison sûre pour ceux qu’elle accueille, les enfants et les jeunes en particulier».

Abus de pouvoir et abus de conscience

Mgr Pontier a souligné que le pape François «nous rappelait, dans sa lettre du mois d’août, que les abus sexuels sur mineurs étaient aussi des abus de pouvoir et des abus de conscience sur les victimes. Ce point de vigilance devient un appel à la conversion personnelle et à la conversion de notre Eglise sur sa manière de présenter la place des ministres ordonnés et celle de l’exercice de ce ministère indispensable de gouvernement des communautés qui nous sont confiées». Le pape François a désigné le cléricalisme sous toutes ses formes comme une expression et une cause majeure de ces dysfonctionnements dans la vie des communautés chrétiennes.

Le président de la CEF a aussi relevé que les prêtres «vivent douloureusement l’image soupçonneuse qu’on peut porter sur eux».

«Nous avons pleine conscience de notre responsabilité par rapport aux enfants et aux jeunes que l’Eglise accueille, ainsi qu’à l’égard des personnes déjà victimes. Nous ne reviendrons pas en arrière. Le Seigneur nous le demande comme un devoir de justice, une œuvre de conversion, une nécessité missionnaire. Leur souffrance devient celle de toute l’Eglise».

Près de 120 évêques prennent part à l’Assemblée plénière de printemps de la CEF du 2 au 5 avril 2019 à Lourdes. | © CEF/archives

Les «gilets jaunes»

Abordant les manifestations des «gilets jaunes», le président de la CEF a estimé que le climat social et politique en France «ajoute à l’incertitude, à l’inquiétude». Les revendications des «gilets jaunes» ont rejoint les préoccupations de beaucoup de Français: inégalités croissantes, sentiment d’abandon dans certains territoires urbains ou ruraux, revenus en baisse, chômage toujours élevé, impression de ne pas être pris en considération.

«Le fait d’avoir un travail salarié ne garantit plus la possibilité de faire vivre sa famille», a-t-il souligné, relevant que «malheureusement la violence, parfois extrême, a entaché ce mouvement et donné une mauvaise image de notre pays». «On a entendu des propos scandaleux et vu des gestes intolérables à l’encontre des forces de l’ordre et des médias».

A propos du grand débat national qui s’est déroulé ces derniers mois dans toute la France, il estime qu’aucune décision ne pourra apaiser le climat «si on ne sent pas qu’elle est prise au nom de la recherche du bien commun, avec une attention particulière pour ceux qui sont les plus en difficulté (…)  C’est une crise grave qui appelle à un renouveau de la pratique du pouvoir et des responsabilités dans le monde contemporain. Un fossé s’est creusé entre les citoyens et leurs représentants. Il sera long à combler».

Les marches pour le climat et Laudato si’

Sur l’environnement et les marches des jeunes pour le climat et la défense de la planète, Mgr Pontier a rappelé que le pape François avait offert une riche réflexion avec son encyclique Laudato si’ sur la «sauvegarde de la maison commune» et sur l’écologie intégrale. Le pape souligne que «tout est lié» dans la marche du monde, autant les problèmes sociaux qu’environnementaux.

«Le pape a offert [avec Laudato si’] une riche réflexion et rappelé la responsabilité de notre génération. On ne peut pas se soucier uniquement du temps court. Il faut penser au temps long, celui que connaîtront les générations qui nous suivront et qui dépendront de nos décisions et de nos modes de vie actuels, insistant sur le fait qu’il faut penser au temps long».

Refus de l’eugénisme libéral

«Notre société est traversée par des remous profonds, voire violents: les liens organiques de solidarité et de fraternité sont à la peine. La bioéthique ajouterait-elle à ces remous de fond ?», se demande-t-il, à propos de cette problématique largement discutée depuis plusieurs mois en France.

Mgr Pontier a rappelé à ce propos que la noblesse de la bioéthique résidait dans le fait d’»intégrer l’usage des techniques dans un projet de société dont la pierre d’angle est la fraternité fondée sur l’égale dignité de tous, sans exception, de telle sorte qu’aucune domination ne s’institue légalement sur un être humain». «Elle doit viser un modèle de société dont la loi ne sera ni le marché ni les intérêts politiques (…) Penser la bioéthique, c’est refuser que l’eugénisme libéral imprègne insidieusement nos mentalités».

L’Europe en crise

Le président sortant de la CEF a également relevé que dans deux mois auront lieu les élections européennes. «Ici encore le climat ambiant s’est obscurci. La sortie des Britanniques de l’Union européenne, la montée des populismes très critiques envers Bruxelles, la question des migrants dans plusieurs pays, le débat sur les compétences confiées au Parlement et à la Commission européenne et sur celles que doivent conserver les Etats membres seront bien sûr décisifs. (…) Après des décennies d’avancées et de confiance en l’Europe, voici que nous sommes entrés dans une période de turbulences, voire de repli sur soi et de peurs diverses. Les tendances nationalistes progressent et la notion de Bien commun européen n’est plus évidente», a-t-il déploré.

L’assemblée de Lourdes, qui rassemble les évêques français jusqu’à vendredi 5 avril, doit procéder à l’élection d’un nouveau président, le mandat de Mgr Pontier arrivant à échéance au 1er juillet 2019. (cath.ch/cef/be)

Mgr Georges Pontier, président de la Conférence des évêques de France | © Maurice Page
3 avril 2019 | 16:27
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 5 min.
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