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APIC – interview

Entretien avec le Père Bernard Boudouresques, chercheur atomiste (300795)

«La lutte contre l’armement nucléaire français continuera»

Jean-Claude Noyé, pour l’agence APIC

Paris, 30juillet(APIC) Bernard Boudouresques, prêtre de la Mission de

France, a été pendant trente ans chercheur atomiste au Commissariat français à l’énergie atomique. A la veille du cinquantenaire du bombardement

d’Hiroshima et de Nagasaki et au lendemain de l’annonce de la reprise par

la France de ses essais nucléaires dans le Pacifique, il dit sa déception

et sa volonté de lutter en faveur de l’action non violente.

APIC: Vous avez vécu les premiers bombardements atomiques d’Hiroshima et de

Nagasaky. Comment l’avez-vous ressenti?

B.B.: J’ai ressenti ces explosions nucléaires comme une véritable atteinte

à mon idéal scientifique qui est d’être au service de l’homme. Elles ont

marqué le début d’une ère nouvelle. Devant une telle puissance de mort, la

lutte pour la suppression de l’arme atomique est devenue pour moi un objectif prioritaire.

APIC: Aujourd’hui, le président Chirac affirme avoir décidé de reprendre

les essais nucléaires français en se basant sur le conseil unanime des experts …

B.B.: Cela m’attriste et me fâche, car je sais très bien que de nombreux

experts n’ont pas été entendus. Pour mémoire, le président Truman, en 1945,

avait lui aussi consulté les experts civils et militaires. Or ils n’étaient

pas tous d’accord. Le pouvoir politique n’a écouté que certains d’entre

eux.

APIC: La France tient à tout prix à sa «force de frappe» nucléaire. N’estce pas une idée dépassée?

B.B.: Dès 1956, jeune ingénieur au Commissariat à l’énergie atomique, j’ai

tenté de m’y opposer, avec de nombreux militants, chercheurs, syndicalistes

et hommes politiques. J’étais honteux pour la France. Avec d’autres chrétiens, nous avons exprimé nos convictions dans deux documents «La paix autrement, se défendre sans se renier» en 1986 et «Lutter autrement. Pour une

action non violente, responsable et efficace» en 1989. Je crois aujourd’hui

de plus en plus que notre action doit se baser sur les techniques d’action

non violente. Mais quand ce discours sera-t-il entendu? La lutte contre

l’armenent nucléaire français continuera tant qu’il le faudra.

APIC: vous avez suivi de près plusieurs essais nucléaires. Sont-ils vraiment sans danger ni incidence écologique?

B.B.: Lors de l’essai du 1er juin 1962, suite à la fissuration de la montagne, des fuites accidentelles de gaz ont provoqué la contamination de

douze militaires et même de deux ministres, car les gaz radioactifs

s’étaient échappés par une voie non prévue. Lors de l’essai du 25 juillet

1979, à Mururoa, l’engin explosif était resté coincé dans son puits de forage. L’ordre de mise à feu fut tout de même donné. L’explosion a provoqué

l’effondrement d’une partie de l’atoll, suivi d’un très important raz de

marée. Il y a eu de nombreux autres incidents. Il faut une sacrée audace

pour affirmer qu’il n’y a aucun risque pour l’environnement! Un accident

peut arriver, l’atoll et l’océan peuvent être pollués. N’oublions pas

Tchernobyl! (apic/jcn/mp)

30 juillet 1995 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 2  min.
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