apic/Rome/»Lettre du pape aux femmes»

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Rome: «Lettre du pape Jean-Paul II aux femmes»(100795)

A deux mois de la Conférence mondiale de l’ONU sur la femme à Pékin

Rome, 10juillet(APIC/CIP) A l’approche de la Conférence mondiale de l’ONU

sur la femme, qui aura lieu à Pékin en septembre, le Vatican a publié lundi

une «lettre du Jean-Paul II aux femmes». Cette lettre de vingt pages propose une réflexion sur «les problèmes et les perspectives de la condition féminine» avec une mise en valeur «de la dignité et des droits des femmes».

Le point de départ des propos du pape est un «merci». Jean-Paul II rend

grâce à Dieu pour les «merveilles» réalisées à travers les femmes, puis remercie concrètement chaque femme: mère, épouse, fille et soeur, femme au

travail, femme consacrée. Il récapitule ces remerciements en ces termes:

«Merci à toi, femme, pour le seul fait d’être femme! Par la perception propre à ta féminité, tu enrichis la compréhension du monde et tu contribues à

la pleine vérité des relations humaines.»

Dette à l’égard des femmes

Pourtant, constate le pape, l’histoire est lourde de «conditionnements

qui, en tout temps et en tout lieu, ont rendu difficile le chemin de la

femme, fait méconnaître sa dignité, dénaturer ses prérogatives, l’ont souvent marginalisée et même réduite en esclavage». Des chrétiens aussi ont

malheureusement empêché la femme «d’être totalement elle-même», reconnaît

le pape. Raison de plus pour traduire les regrets en «effort de fidélité

renouvelée à l’inspiration évangélique qui, précisément sur le thème de la

libération de la femme par rapport à toute forme d’injustice et de domination, contient un message d’une permanente actualité venant de l’attitude

même du Christ». Jean-Paul II rappelle combien Jésus, «dépassant les normes

en vigueur dans la culture de son temps, eut à l’égard des femmes une attitude d’ouverture, de respect, d’accueil et de tendresse».

L’histoire est aussi riche de la «contribution» des femmes, qui «n’est

pas inférieure à celle des hommes». Contribution fournie «la plupart du

temps dans des conditions bien plus difficiles», relève le pape. Bien que

l’on ait gardé trop peu de traces des apports culturels des femmes,

«l’humanité a une dette incalculable à l’égard de cette grande, immense,

’tradition’ féminine. Combien de femmes ont été et sont encore jugées sur

leur aspect physique plus que sur leur compétence, leur valeur professionnelle, leur activité intellectuelle, la richesse de leur sensibilité et, en

définitive, sur la dignité même de leur être!»

Pour la parité des salaires

Aussi Jean-Paul II attire-t-il l’attention sur les obstacles actuels à

une pleine intégration des femmes dans la vie sociale, politique et économique. «Il est certain qu’il reste encore beaucoup à faire, écrit-il, pour

que la condition de femme et de mère n’entraîne aucune discrimination. Il

est urgent d’obtenir partout l’égalité effective des droits de la personne

et donc la parité des salaires pour un travail égal, la protection des mères qui travaillent, un juste avancement dans la carrière, l’égalité des

époux dans le droit de la famille, la reconnaissance de tout ce qui est lié

aux droits et aux devoirs du citoyen dans une société démocratique».

«Il s’agit là d’un acte de justice, mais aussi d’une nécessité, dit le

pape. Dans la politique à venir, les femmes seront toujours plus impliquées

dans les graves problèmes actuellement débattus: temps libre, qualité de la

vie, migrations, services sociaux, euthanasie, drogue, santé et soins, écologie, etc. Dans tous ces domaines, une plus forte présence sociale de la

femme s’avérera précieuse, car elle contribuera à manifester les contradictions d’une société organisée sur les seuls critères de l’efficacité et de

la productivité, et elle obligera à redéfinir les systèmes, au bénéfice des

processus d’humanisation qui caractérisent la civilisation de l’amour.»

Longue et humiliante histoire

Rappelant la «longue et humiliante histoire» d’abus commis à l’encontre

des femmes dans le domaine de la sexualité, le pape dénonce l’exploitation

actuelle de toutes celles dont le corps est traité comme une «marchandise».

Trop de grossesses, ajoute-t-il, sont liées «à l’injustice de rapports

sexuels imposés par la force», notamment en contexte de guerre ou dans «une

culture de permissivité hédoniste où prospèrent plus facilement des tendances à un machisme agressif». «Dans de telles conditions, précise le pape,

le choix de l’avortement, qui reste toujours un péché grave, avant même

d’être une responsabilité à faire endosser par les femmes, est un crime

qu’il faut mettre au compte de l’homme et de la complicité du milieu de

vie».

C’est pourquoi le pape lance «un appel pressant pour que tous, en particulier les Etats et les institutions internationales, fassent ce qu’il faut

pour redonner aux femmes le plein respect de leur dignité et de leur rôle».

Dans cette optique, Jean-Paul II évoque le récit biblique de la création de

l’être humain, créé «homme et femme» depuis l’origine, donc invité à se

réaliser dans la relation «réciproque» et «complémentaire» entre l’homme et

la femme. C’est à l’»unité des deux», souligne le pape, à la suite de la

Bible, que sont confiées «non seulement l’oeuvre de la procréation et la

vie de famille, mais la construction même de l’histoire».

Le génie de la femme

Sans négliger les contributions des femmes aux progrès scientifiques et

techniques, le pape souligne leurs apports à une dimension plus importante

encore du progrès: la dimension éthique et sociale, qui doit beaucoup au

«génie de la femme», même si cette dimension se vit souvent «sans bruit à

partir des relations quotidiennes entres les personnes». Jean-Paul II exprime «une gratitude particulière aux femmes engagées dans les secteurs les

plus divers de l’activité éducative» et relève «l’immense disponibilité des

femmes qui se dépensent dans les relations humaines, spécialement en faveur

des plus faibles et de ceux qui sont sans défense».

Le pape souhaite donc que l’on porte une attention accrue au «génie de

la femme», pour «lui faire plus de place dans l’ensemble de la vie sociale,

et également dans la vie ecclésiale». L’Eglise, dit-il, «voit en Marie la

plus haute expression du génie féminin»: un «service d’amour».

La femme et le ministère sacerdotal

Cette perspective de «service», observe Jean-Paul II, permet «d’accueillir une certaine diversité de fonctions» même au sein de l’Eglise. «Si le

Christ – par un choix libre et souverain, bien attesté dans l’Evangile et

dans la tradition constante de l’Eglise, argumente le pape – a confié seulement aux hommes le devoir d’être «icône» de son visage de «pasteur» et

d’»époux» de l’Eglise à travers l’exercice du sacerdoce ministériel, cela

n’enlève rien au rôle des femmes». La «féminité», «vécue sur le modèle sublime de Marie», ajoute-t-il, comporte aussi un «caractère iconique»: elle

exprime «l’être même de l’Eglise en tant que communauté consacrée, dans la

plénitude d’un coeur «vierge» pour être «épouse» du Christ et «mère» des

croyants».

Et le pape de conclure: «Que l’on donne vraiment tout son relief au «génie de la femme», en ne tenant pas compte seulement des femmes importantes

et renommées qui ont vécu dans le passé ou qui sont nos contemportaines,

mais aussi des femmes simples qui développent leur talent féminin au service des autres dans la banalité du quotidien!» «C’est en effet spécialement

en se donnant aux autres dans la vie de tous les jours que la femme réalise

la vocation profonde de sa vie», souligne Jean-Paul II, qui rattache à cette vocation «la beauté» de la femme. (apic/cip/fs)

10 juillet 1995 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 5  min.
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