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apic/Abbé Maréchal/Décès d’une grande figure/1er aumônier de la JOC
Genève: Décès le 1er août de l’abbé Albert Maréchal (030895)
Une grande figure du clergé diocésain et genevois
Premier aumônier de la JOC en Suisse
Genève, 3août(APIC) L’abbé Albert Maréchal est décédé à Genève le 1er
août 1995, dans sa 99e année. C’est une grande figure du clergé, et plus
particulièrement du clergé diocésain et genevois, qui disparaît après un
long ministère, exercé jusqu’au bout de son parcours de vie, d’une ampleur
et d’une fécondité indiscutables. «Une vocation conduite fidèlement, souvent à contre-courant. Son fruit le plus précieux en est l’éveil, l’éducation et la formation d’un laïcat de jeunes et d’adultes responsable, inséré
dans le monde et fidèle à l’Eglise», notent ses amis.
L’abbé Maréchal était d’abord et avant tout un homme libre. Libre de dire ce qui devait l’être, avec un profond respect de la personne, mais avec
un souci constat de vérité sans concession.
Né le 17 septembre 1896 à Collex-Bossy, ordonné prêtre à Fribourg le 10
juillet 1921, il ne se doutait pas, à ce moment-là, ce que serait son cheminement, ni comment Dieu allait l’appeler à exercer son ministère. Il
disait à ses amis que Dieu lui avait fait accomplir le contraire du projet
pour lequel il se sentait appelé.
Le fossé entre les travailleurs et l’Eglise
D’abord vicaire à St-Joseph, à Genève, puis curé de la paroisse de Satigny, on lui confie ensuite la fondation de la paroisse Ste-Marie-du-Peuple, à Châtelaine, banlieue de Genève. Il y fut confronté à la vie des gens
de ce quartier, notamment à la jeunesse en majorité ouvrière. Il se rendit
compte qu’un fossé existait entre ces travailleurs et l’Eglise (ce que ses
études lui avaient appris), entre la foi de ces jeunes ouvriers et tout ce
qui faisait leur vie. Il perçut dans cette situation un appel de Dieu et y
répondit par un «oui» jusqu’à sa mort.
En effet, à cette époque, il n’était pas concevable d’être ouvrier et
croyant. L’Eglise étant vue comme du côté des riches et des patrons, il y
avait entre elle et les travailleurs une rupture très profonde. A cette même époque, l’abbé Joseph Cardjin en Belgique, et l’Abbé Guérin en France,
faisaient les mêmes découvertes. Des contacts eurent lieu: la JOC (Jeunesse
ouvrière chrétienne) naquit en Suisse en 1934 et l’abbé Maréchal en fut le
premier aumônier.
Mais le fossé entre les jeunes travailleurs et l’Eglise n’en était pas
comblé pour autant. Plusieurs étapes furent nécessaires pour que la jeunesse ouvrière arrive à se trouver, à exprimer ses réactions et à extérioriser
ses aspirations. Il fallait découvrir en soi sa conscience ouvrière. En effet, ne pas avoir soif de justice, de fraternité, de vérité, ne pas s’indigner devant les injustices, l’incompréhension, l’exploitation, ne pas
s’engager, avoir peur et s’enfoncer dans sa peur, ce n’est pas être un homme, ce n’est pas être chrétien. L’action sacerdotale de l’abbé Maréchal,
par son caractère spécifique, a marqué et transformé tous ces jeunes qui,
naturellement, engagèrent une action militante dans leurs différents milieux.
Devenus adultes, les membres de la JOC voulurent poursuivre ce travail.
Ils créèrent la LOC (Ligne ouvrière chrétienne), puis l’ACO (Action catholique ouvrière) et, au plan temporel, le MPF (Mouvement populaire des familles). Dans cette dynamique, et bien des années plus tard, l’abbé Maréchal fit évoluer l’action missionnaire vers un laïcat qui prit en mains ce
dicastère de l’Eglise à Genève. Cette période de sa vie d’aumônier des mouvements apostoliques en milieu ouvrier (jeunes et adultes) s’étendit des
années 30 à 1968.
Après mai 1968, le monde change et se transforme brusquement, sur fond
de crise de civilisation. Le laïcat structuré, organisé et assumé par des
travailleurs, en étroite collaboration avec l’aumônerie, doit se fonder sur
de nouvelles données. Les mouvements entrent dans une période de crise,
ainsi que leurs aumôneries, sans pouvoir trouver un souffle nouveau. La
mentalité individualiste et le rejet de toute référence a dispersé les forces, ou orienté différemment les objectifs fondamentaux de ce laïcat.
Pas toujours compris par l’Eglise et le monde ecclésiastique
Tout au long de son ministère, l’abbé Maréchal n’a pas toujours été compris par l’Eglise et le monde ecclésiastique. On craignait, en «haut lieu»,
qu’en éveillant les jeunes et les moins jeunes à leur vie, en les faisant
exprimer leurs aspirations de justice, de fraternité, de solidarité, on
n’en fasse des révoltés. «La JOC fait le lit du communisme», disait à
l’époque un secrétaire central de l’USS (Union Syndicale Suisse). L’abbé
Maréchal a beaucoup souffert de ces malentendus, mais il est resté fidèle à
l’appel de Dieu, qui l’engageait à «éveiller, former des laïcs, susciter
des hommes et des femmes à leurs responsabilités humaines et chrétiennes».
On peut dire aujourd’hui que toute sa vie, il a suscité, éduqué et formé
des militants présents au monde et à l’Eglise.
«Notre vie de militants et d’ouvriers chrétiens, avec lui, écrivent dans
leur hommage ses amis Alain Tarchini, Paul Baertschy, Jeanne Queloz, Henri
Sottas et Laurent Sottas, tournait autour de trois pôles: la vie, la foi,
la personne – la nôtre et celle des autres -, identifiés dans le Christ Jésus. Bref, l’Evangile continué et vécu en paraboles d’aujourd’hui».
Grande confiance et fidélité à l’Eglise
Ce prêtre avait une foi chevillée au corps et son souci constant était
de permettre à chacun de découvrir l’authenticité de sa propre foi. Pour
lui, la foi, l’amour, la justice et la vérité sont des actes d’abord et non
des discours savants inspirés par une doctrine fût-elle chrétienne. Et ses
amis de conclure ainsi leur hommage: «L’abbé Maréchal avait tout aussi fort
une confiance, un attachement, une fidélité à l’Eglise. Il en faisait découvrir à chacun la mission profonde ainsi que la place et la responsabilité que nous avions à y prendre: évangélisation du monde ouvrier à partir de
notre action de tous les jours». (apic/sp/be)