"Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger,
qui donne sa vie pour ses brebis." Jn 10, 11 | Flickr/lawrence OP/CC BY-NC-ND 2.0
Homélie

Homélie du 3 mai 2020 (Jn 10, 1-10)

Chanoine Roland Jaquenoud – Abbaye de Saint-Maurice

Dimanche du bon Pasteur

Chers frères et sœurs,

Le dimanche du bon pasteur, dans l’église catholique, est traditionnellement consacré à la prière pour ces vocations si spécifiques dans l’Eglise que sont l’appel au sacerdoce et l’appel à la vie religieuse. Jésus lui-même a confié d’une manière toute particulière à ses Apôtres la proclamation de sa bonne nouvelle (Evangile) et la sanctification des hommes par les sacrements. Et ceux-ci ont ensuite imposé les mains à des successeurs, ceux qu’on appelle aujourd’hui des évêques, à des anciens, qu’on appelle aujourd’hui des prêtres, et à des diacres, afin que le ministère apostolique continue après leur mort.

La mission apostolique de l’Eglise ne repose pas uniquement entre les mains de ceux qui ont été ordonnés, mais ceux-ci doivent y consacrer leur vie entière. C’est aussi Jésus qui, dans une page ou l’autre des évangiles, fait l’éloge de la chasteté pour le Royaume, Jésus qui montre l’importance de confier toute sa vie dans les mains de Dieu en travaillant à l’avènement du Royaume, Jésus encore qui se présente comme pauvre parmi les pauvres, et qui devient ainsi l’initiateur de la vie consacrée, religieuse, présente dans l’église depuis les premiers siècles de son existence.

Or dans l’Evangile de ce jour, Jésus nous parle non de plusieurs pasteurs, mais d’un seul : lui-même. Toute la première partie de notre texte nous parle d’une relation très délicate, on pourrait dire très intime, entre le pasteur et chacune de ses brebis.

« Ses brebis à lui, il les appelle par son nom » (Jn 10, 3)

Le nom, le nom propre, dans l’Ecriture sainte, est quelque chose de très intime. Dans l’Ancien Testament, on n’appelle pas Dieu par son Nom. Il a fallu que Dieu lui-même nous révèle le nom de Jésus pour que nous ayons un nom propre par qui nous adresser à lui. Lorsque saint Jean nous dit que le Pasteur appelle ses brebis par son nom, cela veut dire qu’il a une relation personnelle avec chacune d’elle : aucune n’est anonyme à ses yeux. Dans les rites liés au baptême, il y a un moment où on demande le nom du futur baptisé : la liturgie de l’Eglise signifie par là ce lien personnel, intime, que Dieu a avec chacun de nous.

Quant aux « brebis » de la parabole de Jésus, c’est comme si elles reconnaissaient intérieurement la voix de celui qui vient les chercher. Il n’y a pas eu besoin de les enseigner. Quelque chose de connaturel fait que, dès que le berger arrive, elles le reconnaissent et elles le suivent.

Jésus, à travers cette image pastorale de berger et de brebis, nous parle de vie intérieure, de la vie de l’âme. Souvent, de nos jours, on n’aime pas trop utiliser dans la pastorale le mot « âme ». Cela sonne un peu trop « désincarné ». Et pourtant, c’est bien de l’âme, ce sommet de notre être, dont nous parle l’Ecriture en ce jour, du moins si on en croit le fin de la lecture de saint Pierre que nous avons entendue tout à l’heure :

« Mais à présent vous êtes retournés vers votre berger, le gardien de vos âmes » (1P 2, 25)

D’ailleurs, le mot « gardien » est une traduction du mot grec « episcopos » : évêque. Intéressant, non ?

C’est en méditant sur ces textes que je comprends mieux le rôle des « episkopoi » humains, c’est-à-dire les évêques, les prêtres, les diacres, mais aussi tous ceux qui sont engagés dans le ministère pastoral, religieux ou laïcs. Ils sont au service de la rencontre entre l’unique pasteur et les brebis, c’est-à-dire entre Jésus et chaque âme. Mieux encore : ils sont des instruments privilégiés (il y en a d’autres, bien sûr) que Jésus utilise pour rencontrer lui-même chaque âme. Jésus nous connaît, il sait que nous sommes fait de chair et que nous avons besoin de médiations humaines pour aller au lieu où il nous rencontre, au plus intime de notre intime. C’est pourquoi il a institué les différents ministères dans l’Eglise.

Cela veut dire plusieurs choses pour nous, c’est-à-dire pour toute l’Eglise. D’abord, nous devons prier pour que ces « médiations humaines » continuent à œuvrer parmi nous. Concrètement, nous devons prier pour les vocations au ministère pastoral, qu’elles soient sacerdotales, religieuses ou laïques : elles sont toutes indispensables à la vie de l’Eglise, à la vie de nos âmes. Si l’une de ces vocations vient à disparaître, il nous manquera quelque chose.

Ensuite, nous devons prier afin que ceux qui sont choisis pour le ministère pastoral soient les premiers à vivre en profondeur la rencontre entre le berger et ses brebis. Sans quoi ils risquent de tomber sous le coup des paroles que Jésus a dites quelque part dans l’Evangile :

Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. Donc, tout ce qu’ils peuvent vous dire, faites-le et observez-le. Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas (Mt 23, 2-3)

Ce n’est pas pour rien que notre Pape François demande régulièrement qu’on prie pour lui. Les pasteurs sont les premiers à devoir vivre ce qu’ils prêchent. Or la rencontre entre le berger et ses brebis, entre Jésus et chacune de nos âmes, qui a lieu au plus intime de nous-mêmes est l’œuvre de la grâce. Dieu nous a donné, en quelque sorte, le privilège de pouvoir participer à son œuvre de grâce chez les autres par nos prières. Alors, mes frères mes sœurs, prions les uns pour les autres. Prions pour nos pasteurs, qui sont faillibles comme chacun de nous, et prions pour que le Seigneur nous accorde de saintes et belles vocations.

Amen

4e DIMANCHE DE PÂQUES
Lectures bibliques : Actes 2, 14a.36-41; Psaume 22, 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6; 1 Pierre 2, 20b-25; Jean 10, 1-10

«Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis.» Jn 10, 11 | Flickr/lawrence OP/CC BY-NC-ND 2.0
3 mai 2020 | 09:45
Temps de lecture : env. 4  min.
Partagez!

plus d'articles de la catégorie «Homélie»