Au Brésil, la hiérarchie catholique a laissé l’accès libre pour les fidèles aux églises à titre individuel, mais a proscrit toute célébration de culte | © Flickr/A.G.Suivre
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International

Amérique latine: «S’il vous plaît, rendez-nous la Sainte Messe!»

Alors que, face à l’avancée inquiétante du Covid-19, la plupart des pays latino-américains ont suspendu la célébration du culte dans les églises, une campagne dans différents pays du continent demande le «retour de la Sainte Messe».

«Très chers évêques du Brésil, nous savons que ces temps sont difficiles, mais nous avons une demande: s’il vous plaît, rendez-nous la Sainte Messe! Les petits magasins vendant des produits essentiels ont été autorisés à rester ouverts malgré le confinement. Or, qu’y a-t-il de plus important et d’essentiel que la Sainte Messe?»

La vidéo, mise en ligne sur Youtube le 23 avril dernier, met en scène une vingtaine de jeunes Brésiliennes et Brésiliens garantissant que les messes pourraient se tenir dans des conditions de sécurité maximale. D’autres versions existent dans différents pays du continent, comme l’Argentine, la Colombie ou le Mexique. Citant le pape François: «L’Eglise est concrète, elle ne peut pas rester virtuelle», les intervenants du clip brésilien assurent qu’ils sont prêts à veiller, «devant chaque église, pour que soient fournis masques et gel et que soit garanti le respect des distances de sécurité».

Eglises ouvertes, mais pas de messe

Alors que selon les spécialistes, la pandémie de Covid-19 n’en est qu’à ses débuts en Amérique latine et Caraïbes, qui compte pourtant déjà plus de 10’000 morts et plus de 200’000 cas (chiffres largement sous-estimés selon de nombreux observateurs, ndlr), les mesures de confinement varient en fonction des pays. L’Argentine par exemple, est soumise à un isolement social strict. Le Brésil, lui, est tiraillé entre un président, Jair Bolsonaro, «corona-sceptique» et prônant le retour immédiat à une «vie normale» – incluant la réouverture des lieux de culte – et les gouverneurs des Etats qui ont décrété le confinement de la population et la fermeture des lieux publics.

Si les églises évangéliques ont tout de suite montré des réticentes à respecter ces mesures, l’Eglise catholique, elle, a suivi le mouvement. Au Brésil, la hiérarchie catholique a laissé l’accès libre pour les fidèles aux églises à titre individuel, mais a proscrit toute célébration de culte en public et multiplié les célébrations via les réseaux sociaux.

L’Eglise doit s’ouvrir à…  la réalité!

Face à la multiplication des demandes de réouverture des églises en Amérique latine, de nombreux évêques insistent sur le fait que les églises ne sont pas fermées. Mgr Eduardo Garcia, évêque du diocèse argentin de San Justo, qui qualifie la campagne «Rendez-nous la Sainte Messe!» de «très bruyante», rappelle, dans un entretien publié par le quotidien argentin Clarin que «la suspension des messes ne constitue pas une mesure arbitraire. Elle a été décidée pour empêcher la propagation du virus». Citant lui aussi le pape, le prélat a rappelé que «dans ce moment, plus que jamais, l’Eglise doit être un hôpital de campagne».

Plutôt critique à l’égard des partisans d’un retour à la célébration des messes malgré la pandémie, l’évêque a assuré qu’il respectait «l’angoisse vécue par de nombreuses personnes de ne pas pouvoir recevoir la communion». Mais il s’est demandé si ces dernières ressentent la même anxiété de «ne pas pouvoir sortir pour participer aux premiers secours ou pour aider les personnes âgées isolées». Et de conclure: Rouvrir progressivement les églises ne sera pas d’une grande utilité s’il n’ y pas de réouverture radicale de l’Eglise face à la réalité, sans une complaisance pseudo religieuse égocentrique».

«Une campagne lancée par des chrétiens intégristes»

Pour José Antonio Rosas, directeur de l’Académie latino-américaine des leaders catholiques, à Santiago, au Chili, ces appels à la célébration des messes ne sont pas aussi spontanés qu’il n’y paraît. S’interrogeant sur la synchronisation du lancement de cette campagne dans différents pays du continent, José Antonio Rosas rappelle que «ces jeunes, qui s’autoproclament des chiens de berger souhaitant aider leurs évêques à garder le troupeau, appellent au retour de la célébration des messes alors même que les évêques ne le demandent pas».

Le directeur de l’Académie affirme que les personnes qui ont lancé ces appels agissent pour le compte de groupe de chrétiens intégristes qui ont réussi à convaincre des fidèles de bonne foi mais qui ignorent ce qui sous-tend au fond chez ceux qui orchestrent de forme coordonnée ces appels et qui laissent entendre, à travers la campagne, que «ce sont les évêques qui ont supprimé la célébration des messes. C’est comme si, du haut d’un piédestal de supériorité morale, ils nous disaient: les évêques lâches qui ont supprimé les messes doivent nous les rendre».

La fermeture des églises a sauvé des vies

Cette campagne «Rendez-nous la Sainte Messe!» a été lancée alors qu’une étude publiée fin avril par la Société Brésilienne des Scientifiques Catholiques (SBCC) estime que les mesures d’isolement social déterminées par les autorités et adoptées par les archevêchés, diocèses et prélatures du pays, qui ont suspendu les activités religieuses comme les messes, ont permis d’éviter à ce jour plus de 125 décès et des centaines de malades au Brésil. (cath.ch/jcg/bh)

Au Brésil, la hiérarchie catholique a laissé l’accès libre pour les fidèles aux églises à titre individuel, mais a proscrit toute célébration de culte | © Flickr/A.G.Suivre /CC BY-NC 2.0
4 mai 2020 | 17:03
par Jean-Claude Gérez
Temps de lecture: env. 3 min.
Amérique latine (64), Brésil (389), Covid-19 (297), Messe (273)
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