sur le dialogue avec Mgr Marcel Lefebvre

Vatican : le Saint-Siège fait toute la lumière (160688)

Rome, 16juin(APIC) La salle de presse du Saint-Siège a publié jeudi, comme l’avait annoncé la veille Joaquin Navarro Valls, son directeur, une «Note d’information sur Mgr Marcel Lefebvre»

Le Saint-Siège dit d’abord «avoir pris acte avec douleur de ce geste de

nature schismatique», puis fait toute la lumière sur les négociations qui

ont suivi la mission effectuée par le cardinal Gagnon, sur mandat de Jean

Paul II, en qualité de visiteur apostolique de la Fraternité sacerdotale

Saint-Pie X (novembre-décembre 1987).

La visite du cardinal Gagnon a été suivie d’une lettre du pape, datée du

8 avril 1988. Jean Paul II y exprimait clairement son désir qu’on fasse

«tout ce qui est possible pour rencontrer les manifestations de disponibilité dont semblait faire preuve Mgr Lefebvre», précise la note du SaintSiège.

Deux rencontres ont eu lieu, les 12 et 15 avril dernier, entre des

théologiens et des canonistes de la Congrégation pour la doctrine de la foi

et de la Fraternité Saint-Pie X. «L’évolution satisfaisante de ces

conversations, explique la note du Saint-Siège, a permis de convoquer le 4

mai une nouvelle rencontre, avec la participation personnelle du cardinal

Ratzinger et de Mgr Lefebvre. A la conclusion de cette rencontre à été

rédigé un protocole, qui a été signé par les deux parties le 5 mai. Ce

document devait être néanmoins soumis à l’examen et à la décision finale du

Souverain Pontife.»

Ce protocole du 5 mai comprenait entre autres une déclaration d’ordre

doctrinal, un projet de dispositif juridique, ainsi qu’un projet de mesures

destinées à régulariser la situation canonique de la Fraternité et des fidèles qui lui sont liés.

Ce que promettait Mgr Lefebvre

Dans la première partie du texte, Mgr Lefebvre déclarait «en son nom»

(c’est la note de la salle de presse du Saint-Siège qui insiste) et au nom

de la Fraternité : promettre fidélité à l’Eglise catholique et au pape .,

accepter la doctrine contenue dans le n. 25 de la constitution dogmatique

«Lumen Gentium» de Vatican II sur le magistère ecclésiastique ., s’efforcer

à «une attitude d’étude et de communication avec le siège apostolique, en

évitant toute polémique sur l’enseignement de Vatican II et les réformes

qui l’ont suivi leur paraissant difficilement conciliables avec la tradition»., reconnaître la validité de la messe et des sacrements célébrés avec

l’intention requise et selon les rites des éditions typiques promulguées

par Paul VI et par Jean Paul II ., promettre de respecter la discipline

commune de l’Eglise et les lois ecclésiastiques, spécialement celles qui

sont contenues dans le code de droit canon de 1983, «restant sauve la discipline spéciale accordée à la Fraternité par loi particulière»

Ce qui était accordé à la Fraternité

Dans la deuxième partie du texte, outre la réconciliation canonique des

personnes, était prévue essentiellement l’érection de la Fraternité en «Société de vie apostolique de droit pontifical», avec des statuts appropriés

(aux termes des canons 731-746) ., et, en outre, une certaine exemption

regardant le culte public, le soin des âmes et les activités apostoliques

(compte tenu des canons 679-683). La Fraternité se voyait aussi accorder la

faculté d’utiliser les livres liturgiques en usage jusqu’à la réforme postconciliaire.

Ensuite, «pour coordonner les rapports avec les différents dicastères de

la curie romaine et avec les évêques diocésains, ainsi que pour résoudre

les éventuels problèmes et contentieux, serait constituée par le Saint-Père

une commission romaine comprenant deux membres de la Fraternité, pourvus

des facultés nécessaires». Enfin, compte tenu de la situation particulière

de la Fraternité, «on suggérait au Saint-Père de nommer un évêque choisi

parmi ses membres (de la Fraternité), lequel n’aurait pas dû être le

Supérieur général».

Le revirement de Mgr Lefebvre

Au lendemain de la rencontre ou il avait signé ce protocole, Mgr Lefebvre écrivait, le 6 mai, une lettre destinée au cardinal Ratzinger, insistant pour que l’ordination épiscopale d’un membre de la Fraternité prévue

par le protocole puisse avoir lieu le 30 juin. Le prélat précisait qu’en

cas de réponse négative, il se verrait «obligé en conscience de procéder à

ces consécrations» (sans mandat pontifical).

Le cardinal Ratzinger lui a répondu en l’invitant à reconsidérer cette

proposition, qui était contraire au protocole signé la veille. Finalement,

les deux prélats se sont rencontrés une nouvelle fois à Rome le 24 mai. Mgr

Ratzinger y informa le prélat intégriste que Jean Paul II restait disposé à

nommer, dans le respect des critères et des procédures de l’Eglise, un évêque choisi parmi les membres de la Fraternité et à faire en sorte que son

ordination puisse avoir lieu le 15 août 1988, à l’occasion de la clôture de

l’année mariale, mais «à la condition que le fondateur de la Fraternité lui

adresse une vraie demande de réconciliation sur la base du protocole déjà

signé et s’en remette à la décision du pape pour ce qui regarde l’ordina tion d’un évêque».

Mgr Lefebvre écrivait alors deux lettres, destinées au pape et au cardinal Ratzinger. Il y insistait sur la date du 30 juin, proposant une nouvelle fois la nomination de trois évêques «pour garantir la vie et les activités de la Fraternité». Il demandait en outre d’accorder à la Fraternité la

majorité des membres dans la future commission romaine instituée par le pape.

C’est alors que chacune des parties a décidé «une pause de réflexion».

Suivant les indications du pape, le cardinal Ratzinger écrira encore à Mgr

Lefebvre le 30 mai. Il l’invite à respecter le protocole du 5 mai (notamment concernant la composition de la commission romaine) et précise que

pour la question de l’ordination d’un évêque, Mgr Lefebvre doit renoncer à

en consacrer un le 30 juin «sans ou avec l’accord de Rome».

La fameuse lettre du 2 juin

C’est alors que survient la fameuse lettre de Mgr Lefebvre du 2 juin.

«Nous éprouvons la nécessité absolue d’avoir des autorités ecclésiastiques

qui épousent nos préoccupations et nous aident à nous prémunir contre

l’esprit de Vatican II et l’esprit d’Assise, écrit-il. C’est pourquoi nous

demandons plusieurs évêques, choisis dans la tradition, et la majorité des

membres dans la commission romaine, afin de nous protéger de toute

compromission.»

Considérant que «le but de cette réconciliation n’est pas du tout le

même pour le Saint-Siège que pour nous», Mgr Lefebvre écrit encore qu’il

lui paraît «préférable d’attendre des temps plus propices au retour de Rome

à la tradition.» «C’est pourquoi nous nous donnerons nous-même les moyens

de poursuivre l’oeuvre que la Providence nous a confiée».

Mgr Lefebvre va ensuite jusqu’à s’appuyer sur la lettre du cardinal Ratzinger du 30 mai : «…la consécration épiscopale n’est pas contraire à la

volonté du Saint-Siège, puisqu’elle est accordée pour le 15 août». Une argumentation spécieuse, comme le signale la note de presse du Saint-Siège,

l’ordination épiscopale prévue ne pouvant avoir lieu qu’à la condition

qu’il y ait «un acte formel de réconciliation» et «dans le cadre d’une solution canonique globale». En outre, le choix du candidat et sa nomination

sont du seul ressort du pape.

Mgr Lefebvre écrivait encore : «Nous continuerons de prier pour que la

Rome moderne, infestée de mordernisme, redevienne la Rome catholique et

retrouve sa tradition bimillénaire. Alors, le problème de la réconciliation

n’aura plus de raison d’être, et l’Eglise retrouvera une nouvelle jeunesse.»

La réponse de Jean Paul II datée du 9 juin

«C’est avec une vive et profonde affliction que j’ai pris connaissance

de votre lettre datée du 2 juin. Guidé uniquement par le souci de l’unité

de l’Eglise dans la fidélité à la vérité révélée – devoir impérieux imposé

au successeur de l’Apôtre Pierre -, j’avais disposé l’an passé une visite

apostolique de la Fraternité Saint-Pie X et de ses oeuvres, qui a été effectuée par le cardinal Edouard Gagnon. Des colloques ont suivi, d’abord

avec des experts de la Congrégation pour la doctrine de la foi, puis entre

vous-même et le cardinal Joseph Ratzinger. Au cours de ces entretiens, des

solutions avaient été élaborées, acceptées et signées par vous le 5 mai

1988 : elles permettaient à la Fraternité Saint-Pie X d’exister et

d’oeuvrer dans l’Eglise en pleine communion avec le Souverain Pontife, gardien de l’unité dans la vérité. Pour sa part, le Siège Apostolique ne poursuivait qu’un seul but dans ces conversations avec vous : favoriser et sauvegarder cette unité dans l’obéissance à la Révélation divine, traduite et

interprétée par le Magistère de l’Eglise, notamment dans les vingt-et-un

Conciles oecuméniques, de Nicée à Vatican II.

«Dans la lettre que vous m’avez adressée, vous semblez rejeter tout

l’acquis des précédents colloques, puisque vous y manifestez clairement

votre intention de ’vous donner vous-même les moyens de poursuivre votre

oeuvre’, notamment en procédant sous peu et sans mandat apostolique à une

ou plusieurs ordinations épiscopales, ceci en contradiction flagrante non

seulement avec les prescriptions du droit canonique, mais aussi avec le

protocole signé le 5 mai et les indications relatives à ce problème

contenues dans la lettre que le cardinal Ratzinger vous a écrite à ma

demande le 30 mai.

«D’un coeur paternel, mais avec toute la gravité que requièrent les circonstances présentes, je vous exhorte, vénérable frère, à renoncer à votre

projet qui, s’il est réalisé, ne pourra apparaitre que comme un acte schismatique dont les conséquences théologiques et canoniques inévitables vous

sont connues. Je vous invite ardemment au retour, dans l’humilité, à la

pleine obéissance au vicaire du Christ.

«Non seulement je vous invite à cela, mais je vous le demande, par les

plaies du Christ, notre Rédempteur, au nom du Christ qui, la veille de sa

passion, a prié pour ses disciples, ’afin que tous soient un’ (Jn 17, 20).

«A ces demandes et à cette invitation, je joins ma prière quotidienne à

Marie, Mère du Christ.

«Cher frère, ne permettez pas que l’Année dédiée d’une manière toute

particulière à la Mère de Dieu apporte une nouvelle blessure à son coeur de

Mère!»

Commentaire

Le commmuniqué de la salle de presse du Saint-Siège fait suivre le texte

de la lettre du pape du commentaire suivant :

«En conclusion, il n’est pas superflu de souligner que, dans toutes les

étapes du processus qui a été décrit ci-dessus, le Souverain Pontife a été

constamment tenu au courant et a donné lui-même les orientations fondamentales de l’attitude du Siège Apostolique.

«En outre, et toujours sur son ordre, les cardinaux chefs de dicastères

et les présidents des Conférences épiscopales intéressées de plus près par

le problème de la réconciliation de la Fraternité Saint Pie X, ont été informés de manière précise par le cardinal préfet de la Congrégation pour la

doctrine de la foi.

«Au cas ou Mgr Lefebvre procéderait effectivement aux ordinations épiscopales annoncées, scellant la rupture avec le Siège Apostolique, il en

découlerait de graves conséquences canoniques, à propos desquelles un ’monitum’ (ndlr : avertissement) a été envoyé aux intéressés, ainsi que le

prévoit la législation ecclésiastique.

«En présentant cette note d’information, le Saint-Siège a aussi le souci

d’y joindre un pressant appel aux membres de la Fraternité et aux fidèles

qui lui sont liés, pour qu’ils reconsidèrent leur attitude et pour qu’ils

veuillent rester unis au vicaire du Christ, en les assurant que toutes les

mesures seront prises pour garantir leur identité dans la pleine communion

de l’Eglise catholique.  » (apic/jt/be)

16 juin 1988 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 8  min.
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