A deux mois des Jeux olympiques, Séoul chasse ses pauvres (060788)

Bruxelles, 6 juillet (APIC/CIP) Venus de la capitale sud-coréenne, qui attend 400.000 visiteurs étrangers pour les Jeux olympiques en septembre,

deux catholiques, le Père John Daly, jésuite d’origine américaine, et Paul

Jei Jong Gu, laïc, étaient de passage mardi 5 juillet à Bruxelles. Document

filmé à l’appui, ils ont montré comment, à deux mois des Jeux, Séoul continue de chasser ses pauvres.

Les expulsions des pauvres, en Corée du Sud, ne datent pas d’aujourd’hui. Elles ont déjà été dénoncées jusqu’en Belgique par les animateurs des campagnes de carême, Entraide et Fraternité et son homologue flamande Broederlijk Delen, ou les témoins de Séoul ont précisément été reçus.

En Corée du Sud, l’accroissement de la pauvreté obéit à une logique trop

souvent observée dans les pays du Tiers-Monde : une industrialisation accelérée draîne vers les grandes villes un surcroît de main d’oeuvre et provoque un exode rural massif. Entre 1960 et 1975, quelque 6,8 millions de

Sud-Coréens ont quitté leur campagne natale pour aller gonfler les

périphéries urbaines. Puis cela n’a fait qu’empirer : des 40.000.000 de

Sud-Coréens, il en reste à peine 20 0/0 désormais à la campagne.

Le grand nettoyage

Phénomène connu : faute de travail et de logement suffisants, les plus

démunis trouvent difficilement à s’implanter en pleine ville. A Séoul, sur

10 millions d’habitants, ils sont deux millions en mal de logement. Ceux

qui n’ont pas de quoi consacrer le tiers d’un petit salaire familial pour

louer une ou deux pièces de 5 à 10 mètres carrés à un propriétaire spéculateur, ceux-là n’ont plus que la solution des squatters : ils occupent illégalement un terrain abandonné, y construisent un abri de fortune, jusqu’au

moment ou ils se font expulser…

Un exemple parmi d’autres : en janvier dernier, une quarantaine de familles ont dû être logées sous tentes, aux abords de la cathédrale de

Séoul, par l’organisation catholique en faveur des pauvres en ville

(C.O.U.P. selon le sigle anglais). Expulsées par la municipalité, ces familles ont ensuite réussi à recueillir l’équivalent de 300.000 fb pour

acheter un terrain en bordure de la capitale et y bâtir de petites maisons

en bois, selon les dimensions requises. Hélas, le terrain est situé tout

près de l’autoroute qu’empruntera la flamme olympique le 19 septembre. La

municipalité a donc fait détruire ces nouvelles habitations, sous le nouveau prétexte qu’elles ne sont pas construites «en dur».

Une action communautaire

Telle est la situation que le Père Daly et Jei Jong Gu ont entrepris de

dénoncer au cours de leur tournée européenne. Ces deux personnalités catholiques sont très connues en Asie, ou leur action parmi les pauvres des bidonvilles leur a valu, en 1986, l’équivalent d’un Prix Nobel : le Prix Magsaysay.

Grands animateurs de la C.O.U.P., ils font partie d’une communauté

délibérément insérée dans un quartier pauvre de la capitale sud-coréenne.

C’est dans un quartier semblable de Séoul que la C.O.U.P. a fait ses débuts

en 1972. Un de ses fleurons : la réalisation avec les plus pauvres de trois

villages modèles, grâce au soutien financier de l’organisation catholique

allemande Misereor.

Aujourd’hui, les dizaines de groupes et d’associations populaires relayés par la C.O.U.P. réclament pour tous les pauvres un logement décent et

adapté. Ils ne comptent pas seulement sur l’aide de l’Eglise, mais revendiquent un droit auprès du gouvernement du nouveau président sud-coréen Roh

Tae Woo. Il est capital pour les pauvres, souligne le Père John Daly,

d’avoir des logements adaptés à leur vie de famille : «un grand appartement

moderne dans la capitale serait non seulement inabordable pour une famille

modeste, mais tout à fait en décalage par rapport à son mode de vie.»

(apic/cip/bd)

6 juillet 1988 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 2  min.
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