Homélie du 13 février 2022 (Lc 6, 17.20-26)
Abbé Pascal Lukadi – Chapelle de glace, Leysin, VD
Nous nous proposons de méditer aujourd’hui sur les Béatitudes, la charte du bonheur, que Jésus nous offre à travers tout l’Evangile. Nous les trouvons chez Matthieu et chez Luc. C’est sur celles de Luc que porte notre méditation aujourd’hui !
La différence entre les deux versions des Béatitudes réside dans ce que Chez Luc, ces béatitudes sont suivies d’un nombre de malédictions corrélatives. Un peu curieux, non ?
Quelle belle mise en scène pour ce discours sur le bonheur et le malheur : « Et Jésus, levant les yeux sur ses disciples… ». Jésus nous regarde, car il lui tient à cœur que nous sachions, en tant que disciples, discerner le vrai bonheur de ses contrefaçons. Comme souvent dans les Évangiles, nous avons ici un exemple du «renversement de l’échelle des valeurs» si cher à Jésus. N’est pas heureux simplement qui mange à sa faim et qui rit de plaisir en entendant le bien qu’on dit de lui. Ce qui semblerait pourtant logique.
Un renversement radical de nos valeurs
Nous sommes invités à comprendre que les paroles de Jésus nous entrainent hors de notre façon de penser, hors des repères de notre monde, dans un renversement radical de nos valeurs.
Autant il est difficile de comprendre comment un pauvre, un malheureux, un persécuté puissent se sentir heureux ; autant il est encore plus difficile à comprendre que Jésus égrène des malédictions pour l’avenir.
Mais Jésus a sa logique à lui, celle du royaume des cieux qui déconcerte. Comment déclarer heureux ceux qui manquent du nécessaire et qui pleurent, ceux que l’on exclut et méprise ? Mais ayons soin d’aller jusqu’au bout de la phrase : « …à cause du Fils de l’homme. »
Traverser les épreuves avec le Christ
En étant logique avec lui-même, ce ne sont pas les épreuves en soi qui rendent heureux le disciple ; c’est le fait de les traverser à cause du Christ, avec lui et comme lui. Dès lors, l’invitation – pour le moins étrange – à tressaillir de joie, ne se comprend réellement que dans la perspective du bonheur qu’il y a pour nous à lui ressembler et à l’entendre dire : « Le royaume des cieux est à vous. »
Nous venons de célébrer la fête de Notre Dame de Lourdes, le 11 février. Elle aussi disait à la petite Bernadette, dans la ligne de son Fils : « Je ne vous promets pas le bonheur de ce monde mais de l’autre ». Oui, Bernadette a certainement été heureuse, mais pas à la manière du monde, plutôt sur le mode des Béatitudes justement.
Pour comprendre l’impossible, peut-être faut-il visualiser avec les yeux du cœur une réalité invisible aux yeux de chair. Cependant, Jésus nous offre son Royaume, bien plus, il nous affirme qu’il est là, au milieu de nous en sa personne, et même au-dedans de nous par son Esprit. Tout simplement parce qu’il nous veut heureux, et cela aujourd’hui, heureux, en marche. En marche, car ce n’est bien souvent qu’au terme d’une route longue et laborieuse qu’advient le bonheur.
Un coeur de pauvre
Ce qui est intéressant est que Jésus affirme qu’il y a une Réalité ultime qui se décline en ce monde, un Royaume de paix et d’amour que l’on peut habiter dès ici-bas. Mais pour y entrer et y demeurer, il faut un cœur de pauvre : heureux, vous les pauvres, car le Royaume de Dieu est à vous ! et avoir un cœur de pauvre, c’est être tout petit et s’émerveiller comme savent le faire les petits enfants ou certaines personnes âgées, c’est accueillir les petites joies de la vie sans honte, sans se prendre la tête, sans scrupule, et traverser les épreuves de la même manière. Et la clef de ce Royaume se résume dans la Parole de Jésus au soir de sa vie terrestre : Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés, parce que je vous ai aimés. Alors, comment ne pas accepter que ce Royaume, c’est les bras de Jésus. S’il attire notre attention sur des situations de malheur, c’est pour nous révéler combien le Père nous aime et nous veut heureux. Oui ! Qui d’autre peut nous envoyer son Fils, et encore accepter que celui-ci meurt pour nous ? pour nous sauver. Et alors, quelle est notre attitude ?
En qui faisons-nous confiance ?
Comme à ses contemporains amenés à faire des choix cruciaux, Jérémie nous interroge aussi aujourd’hui : en qui faisons-nous confiance ? en Dieu ou en nos moyens humains ? pour la vie ou pour la mort ? la seule sagesse veut que nous misions sur Dieu, que nous le laissions orienter nos comportements et ainsi nous donner les clefs du bonheur terrestre et éternel.
Le Christ est le 1er Ressuscité d’entre les morts qui permet la résurrection, c’est-à-dire le bonheur de tous. L’Eglise affirme que Jésus, premier d’entre les morts, vient régénérer tout le passé de l’humanité au plus profond de la nature humaine, qu’il restaure intégralement dès maintenant et pour toujours ! mais pas sans nous, bien sûr !
Voilà pourquoi, au milieu des angoisses et inquiétudes provoquées par la pandémie de la Covid-19, les persécutions et les épreuves de toutes sortes, le Christ nous invite à tenir bon, à participer à tous les efforts possibles afin de les éradiquer de nos existences. Ayons confiance en Dieu, par son Fils ! Ayons confiance en nous-mêmes que par son Esprit nous y arriverons !
Par son humanité, Jésus est solidaire de toutes celles et tous ceux qui souffrent (pauvreté, persécution, épreuves), mais c’est par nous aujourd’hui qu’il le fait (par l’accueil, l’attention aux plus faibles, aux malades, aux laissés-pour-compte, aux angoissés…), pour que tous ses enfants soient heureux. Amen !
6e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques : Jérémie 17, 5-8; Psaume 1, 1-2, 3, 4.6; 1 Corinthiens 15, 12.16-20; Luc 6, 17.20-26
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