Les risques d’être un Noir, si on fait escale à Bruxelles...

Bruxelles: Une douzaine d’Africains bloqués à l’aéroport (030993)

Bruxelles, 3septembre(APIC) Une douzaine d’Africains de différentes nationalités sont actuellement bloqués dans la zone de transit à l’aéroport

de Bruxelles. Hommes, femmmes et enfants sont confinés dans un local de

deux pièces non aménagés pour les héberger. Tous ne sont pas des réfugiés.

Certains se déclarent victimes d’embaras administratifs pour avoir fait

seulement escale à Bruxelles. C’est le cas de Mamadou Balde, un Guinéen,

assistant à l’Université de Dallas aux Etats-Unis, qui a entamé depuis une

semaine une grève de la faim pour protester contre ces «détentions» arbitraires. Il a confié sa triste aventure à l’agence de presse catholique

belge CIP, non sans se plaindre de diverses injures racistes qu’il a essuyées depuis son arrivée à Bruxelles.

Mamadou Balde, marié et père d’une fillette de 18 mois, était encore il

y a quelques semaines à Dallas, où il poursuit un doctorat tout en étant

assistant en géo-sciences à l’Université du Texas. Prévenu de la mort de sa

belle-soeur à Conakry, il est rentré en Guinée avec sa femme et sa petite

fille. Puis après avoir visité sa famille, il a décidé de regagner son Université aux Etats-Unis. C’est au milieu de son voyage qu’ont commencé ses

ennuis.

«Pour me rendre dans la famille de ma femme en Guinée, raconte-t-il,

j’avais pris un congé de dix jours, consentant une dépense de 4’000 dollars

pour le voyage aller et retour. A Conakry, j’ai repris l’avion normalement.

L’avion a fait escale à Bruxelles. Là, j’ai présenté au consul les papiers

dont je disposais. Le consul m’a remis un passeport, mais il a gardé mon

formulaire de demande de visa pour effectuer un contrôle auprès des autorités de Conakry. Après plusieurs jours, je n’ai toujours rien reçu. En attendant, il m’a fallu payer le déplacement en taxi jusqu’à l’ambassade des

Etats-Unis. Sur les 100 dollars que j’avais sur moi, on m’a seulement rendu

150 francs belges!»

«Renvoyez ces nègres dans leur trou…»

«J’ai eu beau montrer mon attestation délivrée par l’Université du Texas

à Dallas… Un responsable de l’immigration aux Etats-Unis est aussi intervenu en ma faveur, du siège de son bureau à Francfort. Rien n’y fait. Au

contraire, à plusieurs reprises, quand je me suis présenté à des responsables des passagers de la Sabena à Bruxelles, on m’a remballé. «Renvoyez ces

nègres dans leur trou!, m’a-t-on même répliqué».

«Puisque je suis prisonnier ici, j’ai décidé de ne plus manger. Je ne

veux pas qu’on me fasse la charité. Je réclame la justice. Je ne suis pas

venu chercher refuge en Belgique. Franchement, à voir comment on est traité

quand on est étranger, c’est le dernier pays où je viendrais m’établir».

Autres cas similaires

Mamadou Balde n’est pas le seul Africain à connaître ce genre d’ennuis.

Quelques jours auparavant, un jeune Kényan avait également été bloqué dans

la zone de transit de l’aéroport bruxellois. Il avait pris l’avion à Nairobi pour se rendre à un séminaire d’une semaine aux Etats-Unis. Lors de

son escale à Bruxelles, on a découvert que son passeport était périmé, ce

que n’avaient constaté à Nairobi, ni la compagnie aérienne, ni l’ambassade

des Etats-Unis. Il avait donc reçu un visa en bonne et due forme sur la

base de ce passeport périmé. Heureusement dans son cas, l’ambassade à Bruxelles du Kénya a pu prolonger son passeport. Mais cela a duré tout de même

quatre jours.

Un aumônier attentif

C’est l’abbé Herman Boon, aumônier catholique de l’aéronautique civile à

l’aéroport international de Bruxelles, qui a révélé à l’agence CIP les problèmes actuels vécus par des Africains bloqués dans la zone de transit.

Plusieurs d’entre eux se plaignent de répliques racistes à leur égard.

Une douzaine d’Africains, hommes, femmmes, enfants, vivent actuellement

dans un local de deux pièces, en bordure d’un long couloir dans la zone de

transit. Les fenêtres de ce local sont occultées par des panneaux de bois

et rien, de l’extérieur, ne permet de soupçonner les situations vécues par

les personnes entassées dans ce local non aménagé. L’aumônier les visite

régulièrement, apportant parfois des langes réclamés par la maman d’un bébé. (apic/cip/ba)

3 septembre 1993 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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