Burundi: le putsch est-il vraiment terminé? (261093)

«Ce sera pire qu’en 1972-1973», affirme un évêque zaïrois

Uvira, (Zaïre), 26octobre(APIC) «Ce sera pire qu’en 1972-1973». C’est le

cri lancé par Mgr Jérôme Gapangwa Nteziryayo, évêque d’Uvira au Zaïre, ville située au bord du lac Taganyika, juste en face de Bujumbura, la capitale

du Burundi. Malgré les nouvelles rassurantes données en Europe, tout le

monde n’est pas convaincu à Bujumbura que le putsch est terminé.

Dans un message daté de vendredi et envoyé au Bulletin d’information

africaine (ANB-BIA), dirigée par les Pères Blancs à Bruxelles, l’évêque envoie «un cri de détresse».

Après avoir confirmé l’assassinat du président Ndadaye, du président de

l’Assemblée nationale et du chef de la sécurité burundaise, Mgr Gapangwa

dit craindre le pire: «Pour d’autres personnalités politiques, je n’ai pas

de nouvelles précises, de toute façon, le carnage a commencé, la liste à la

main. La population est surchauffée. La guerre civile devient presque inévitable. On peut prévoir que ce sera pire qu’en 1972-1973».

«Nous sommes dépassés par le spectre de la violence»

L’évêque ajoute que l’armée est divisée mais neutralisée pour réagir, si

bien que «les enfants terribles ont le dessus». Il dit craindre un afflux

de réfugiés plus important qu’en 1991 et lance un appel à la solidarité:

«Criez, criez fort à tous les organismes qui nous ont toujours soutenus

dans cette épreuve. Ici, nous sommes désarmés et presque dépassés par le

spectre du monstre qui approche».

Un autre témoignage parvenu à ANB-BIA, daté de samedi, confirme que le

putsch a été suivi de deux jours de silence absolu: pas de téléphones, pas

de radio, pas de TV, frontières et aéroports fermés, couvre-feu complet.

«Seules circulent, écrit le correspondant, les listes tristement célèbres

de ceux qui doivent disparaître parce que gênants: les intellectuels, les

policiers, les dirigeants… Même sénario qu’en 1972, quand tout l’élite

hutu a été anéantie. Aujourd’hui, on parle de 10’000 personnes qui doivent

disparaître…»

Manoeuvres

Le correspondant évoque le rôle joué par un homme connu que les putschistes ont appelé à la rescousse: François Ngeze, «un Hutu prêt à tout», et

s’est dépensé sans compter pour qu’on boycotte les dernières élections». Ce

dernier préside «le comtité de salut public» qui a convoqué tous les représentants des Eglises dans l’après-midi du 23 octobre. Selon les informations reçues à ANB-BIA, des sept évêques à la tête des diocèses burundais,

les cinq évêques tutsi ont répondu à la convocation pour faire comprendre

aux putschistes, au nom de l’ensemble de l’épiscopat, que le peuple leur

était opposé.

Samedi, les réactions de l’étranger faisaient réfléchir les putschistes

et Ngeze, obligé de changer de scénario, annonçait dans un communiqué que

quelques militaires putschistes, repentis, invitaient le gouvernement à reprendre en main le pays. Si le peuple n’était pas dupe, les explications de

Ngeze semblaient rassurer les Européens: Tandis que la population de Bujumbura affrontait les militaires dans la rue et que l’on entendait des tirs,

Radio-France affirmait que les militaires rentraient dans le rang.

La télévision reprenait ses émissions. Le président de la Conférence

épiscopale y apparaissait – entre Ngeze et le chef de l’Etat-Major – pour

demander que les militaires rentrent dans leurs casernes, que les prisonniers soient relâchés et que l’on revienne à la légalité. Certains ont vu

dans cette apparition le résultat d’une manoeuvre pour faire apparaître les

évêques divisés entre eux, alors qu’ils ont condamné le putsch. L’impression qui prévaut à Bujumbura, selon ANB-BIA, est que la nouvelle de l’échec

du putsch est une manoeuvre destinée à calmer les esprits, alors qu’en réalité le putsch poursuit sa route. (apic/cip/ba)

26 octobre 1993 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 2  min.
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