Le mouvement du Nid attend de l’Europe une attitude cohérente

L’Europe face à la prostitution: débat le 27 novembre à Bruxelles (181193)

Bruxelles, 18novembre(APIC) «Quand j’ai su que la prostitution était une

prison, il était trop tard!», raconte aujourd’hui Ulla. Longtemps prostituée à Lyon, cette femme ne voit plus aujourd’hui son ancien «métier» que

sous l’angle de «l’humiliation». Elle témoignera de son difficile parcours

le 27 novembre à Bruxelles, lors de la journée consacrée à «L’Europe face à

la prostitution», mise sur pied à l’initiative du mouvement du Nid.

Créé en France en 1937 par l’abbé Talvas pour venir en aide aux femmes

prostituées, le mouvement du Nid est implanté depuis 1980 en Belgique. En

plus de son siège central à Bruxelles, il dispose d’un centre à Liège et

d’un autre à Charleroi. L’action menée par la présidente Francine Meert et

ses collaboratrices poursuit un double objectif: aider toute personne qui

le souhaite à quitter la prostitution, puis à trouver une nouvelle insertion sociale. Depuis 1984, le mouvement du Nid célèbre une journée internationale de l’abolition de l’esclavage sous toutes ses formes.

On entend toutes sortes de propos sur les personnes prostituées. «C’est

de leur faute»; «Elles aiment ça»…, dit-on de certaines femmes. Salvatrine Tartaglia prendra la parole durant la journée du 27 novembre. Elle observe que certaines prostituées justifient volontiers ce qu’elles font par

des besoins d’argent ou par souci de garder un certain train de vie. «Mais

ce sont des propos façade», affirme-t-elle. «Quand on prend la peine

d’écouter une serveuse de bar, le ton finit par changer. Elle se plaint

plutôt de l’argent qu’on ne lui donne pas, et des clients qui se comportent

comme des cochons».

«Il est vrai que si une prostituée commence à quitter son proxénète, qui

peut être aussi bien son mari que son patron, le «milieu» risque très vite

de lui manquer. Mais ne croyez surtout pas qu’elle aime ça! Elle en souffre, même si elle se baigne dans l’illusion d’un amour imaginaire!»

Esclavage … reconnu?

«La prostitution et l’exploitation des personnes en vue de la prostitution sont contraires à la dignité humaine», souligne Fernand Meert, administrateur de la Fédération européenne pour la disparition de la prostitution. Mais l’Europe a-t-elle ou se donne-t-elle les moyens d’abolir cet esclavage entretenu par des réseaux internationaux de proxénètes, qui vont de

Lagos à Manille ou de Moscou à Berlin, en croisant souvent d’ailleurs la

filière de la drogue? La question sera posée le 27 novembre.

En attendant, Fernand Meert en dévoile un des enjeux. Que penser d’une

société qui interdit la prostitution des mineurs, l’exploitation de la

prostitution ou le proxénètisme, le racolage ou l’incitation à la débauche?

Tout simplement que la prostitution d’une personne adulte est légalement

admise. De là à revendiquer pour les personnes prostituées un statut, il y

a un pas que certains franchissent aujourd’hui.

En fait, explique-t-il, reconnaître un statut à une personne prostituée

ne changerait pas grand-chose pour elle. Comme prostituée indépendante,

elle n’aurait de toute façon pas le droit à une assurance chômage. Comme

serveuse de bar salariée, elle aurait en principe les mêmes droits que

d’autres salariés… Encore faudrait-il que son proxénète la déclare et

verse pour elle les cotisations de sécurité sociale obligatoires! Bref, il

y a un leurre à réclamer un statut pour des personnes prostituées. «Un tel

statut ne profiterait qu’au proxénète: il verrait son exploitation reconnue

comme profession. Ce serait donc une dépénalisation du proxénétisme!»

Prévenir dès l’enfance

Autre face du problème qui sera abordé le 27 novembre: l’exploitation

des enfants. Les enfants et les mineurs tombent de plus en plus tôt et de

plus en plus nombreux dans la prostitution, estime-t-on au mouvement du

Nid. La drogue boucle souvent le cercle vicieux: «Je me drogue pour me

prostituer. Je me prostitue pour me droguer».

Le mouvement du Nid pense principalement à l’accompagnement et à la prévention. «La prévention est d’autant plus nécessaire, insiste Francine

Meert, que nos enfants sont très tôt mis en contact avec le monde de la

prostitution. J’ai réalisé à ce propos, dans la région liégeoise, une série

d’animations riches en enseignement. Je m’adressais surtout à des élèves de

l’enseignement technique et professionnel, en montrant notamment une cassette vidéo qui réunissait trois témoignages de jeunes prostitué(e)s».

Surprise après sondage: 48% des élèves avaient déjà eu des contacts directs avec une personne se livrant à la prostitution. «Depuis, nous avons

pensé qu’il était urgent de mettre au point un nouvel outil pédagogique

pour les plus jeunes. Etant aujourd’hui grand-mère, je découvre avec joie

que les aînés se préoccupent comme moi de prévention adéquate des enfants».

(apic/cip/pr)

18 novembre 1993 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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