Le pèlerinage, un phénomène religieux
Les principaux lieux de pèlerinage en Suisse (080888)
Fribourg, 8août(APIC/Hans Rahm) Pour la première fois en Suisse, les
évêques invitent tous les catholiques du pays à participer à un pèlerinage
national. En effet à l’occasion de la clôture de l’Année Mariale, des personnes de toute la Suisse se rendront à Einsiedeln le 14 août. Le couvent
des bénédictins et la chapelle des grâces de la «Forêt sombre» d’Einsiedeln
sont depuis le 15ème siècle un centre spirituel renommé en Suisse et sont
devenus un haut-lieu de pèlerinage marial international. Bien qu’important,
Einsiedeln n’est de loin pas le seul lieu de pèlerinage en Suisse. Il en
existe 150 au moins dédiés à la Mère de Dieu. Chaque sanctuaire a son
histoire et les nombreux pèlerinages, véritables phénomènes religieux, ne
sont pas prêts de les faire tomber dans l’oubli.
La fondation du couvent d’Einsiedeln trouve son origine historique avec
le moine bénédictin Meinrad du couvent de Reichenau, qui fut le premier habitant de la forêt déserte qui avait mérité le nom de «Forêt sombre». Il y
fut ermite durant 33 ans environ et fut assassiné en 863 par des brigands.
Bien vite l’ermitage du frère Meinrad devint un lieu de pèlerinage. Bientôt
des moines y érigèrent une communauté. La chapelle du frère Meinrad tout
comme la première église du couvent, de 948 – qui, selon la légende, fut
consacrée par le Christ porté par les anges – étaient dédiées au Christ
Rédempteur. Au 12ème siècle l’église fut dédicacée à la Vierge Marie.
Dès le début, les pèlerinages à Einsiedeln ont connus des temps forts
surtout aux 14ème et aux 17/18ème siècles, ou l’on comptait souvent plus de
100’000 pèlerins. Lorsque le pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle commenca, Einsiedeln devint un point de rencontre pour les fidèles qui empruntaient «le chemin de Compostelle». De même, bon nombre de pèlerins qui se
rendaient à Rome et à Lourdes faisaient halte à Einsiedeln et d’autres profitaient de passer par Einsiedeln lors de leur pèlerinage à Saint-Nicolas
de Flüe au Ranft et à Sachseln.
Des rencontres importantes pour les catholiques
D’innombrables pèlerinages organisés aussi bien par les paroisses, les
communes et les cantons, par les groupes de jeunes et les aînés convergent
vers Einsiedeln. Depuis le 19ème siècle le nombre des pèlerins s’est vu
augmenté considérablement, grâce aussi à l’avènement du chemin de fer. Einsiedeln est aussi un lieu privilégié pour l’activité de l’Eglise catholique: des congrès eucharistiques, des congrès mariaux et ceux des missions,
des sessions d’associations de l’Eglise y ont lieu. C’est là aussi que commença l’»année missionnaire des catholiques suisses» (1960/61) et ou eu
lieu, en 1978, le premier Forum interdiocésain. Ces dernière décennies,
Einsiedeln a prospéré en tant que centre touristique et sportif, tout en
conservant son caractère de pèlerinage.
Le pèlerinage est un événement religieux qui existe dans bon nombre de
religions, souligne le Dr Iso Baumer, qui depuis plusieurs années s’intéresse à la question. Le phénomène était connu dans l’Antiquité déjà et
s’exerce aussi en Orient: un pèlerinage à la Mecque au moins une fois dans
sa vie est un des fondements de la foi islamique.
Une forme caractéristique de la religion populaire
Le pèlerinage chrétien est une forme caractéristique de la religion populaire et le phénomène n’est pas né d’une décision de l’Eglise, quand bien
même l’Eglise l’apprécie et approuve certains sanctuaires. Elle voit dans
le pèlerinage une tâche évangélisatrice pour l’approfondissement de la foi
chrétienne et a aussi la possibilité d’éloigner les formes nocives de cultes, comme le souligne Walter Heim (Kleines Wallfahrtsbuch der Schweiz).
Iso Baumer pense que la signification religieuse profonde du pèlerinage se
trouve dans la «communio», c’est-à-dire la communauté, avec la communauté
des saints d’une part, et avec la participation communautaire avec les choses et les gestes sacrés d’autre part.
Einsiedeln est devenu certainement le lieu de pèlerinage le plus important de la Suisse mais de loin pas l’unique. On compte en Suisse quelque
150 lieux consacrés à la Vierge Marie, de plus, on trouve de nombreux sanctuaires consacrés à des Martyrs, comme Saint-Maurice, ou à des saints tel
que Saint-Nicolas. L’histoire de ces lieux de pèlerinage reflète l’ampleur
et l’enracinement de l’Eglise catholique dans les diverses régions de Suisse.
Il n’y a que peu de lieu de pèlerinage qui remonte au temps de la
christianisation de la Suisse, comme par exemple, St-Maurice et Zurzach.
Ils sont dédiés à des martyrs ou à des tombes de confesseurs. Plus tard les
ermites ont fondé des lieux de pèlerinage tel celui de Romainmôtier au 5ème
siècle et St-Ursanne au 7ème siècle. Dès le 6ème siècle des moines
itinérants de l’Irlande étaient missionnaires en Europe de l’Ouest et
Centrale. Le pèlerinage sur la tombe du bienheureux Gall à Steinach a attiré bientôt autant de pèlerins qu’à Saint-Maurice.
Les nouveaux pèlerinages du Haut Moyen-Age sont principalement eucharistiques. C’était l’époque des luttes avec ceux qui rejetaient le Sacrement
de l’autel (par exemple les Cathares au 12/13ème). C’est en ce temps-là que
la Fête-Dieu fut instituée (1264). Dans ce cadre il faut aussi rappeler le
pèlerinage de la Sainte-Hostie à Munstair et la vénération du Précieux-Sang
à Willisau. Pendant le Haut Moyen-Age les pèlerinages dédiés à Marie, Reine
de tous les saints, deviennent de plus en plus importants. D’anciens lieux
connus en ce temps lui furent dédiés comme à Einsiedeln et Saint-Gall.
La tombe de Saint-Nicolas à Sachseln
Quelques lieux de pèlerinage marial ont été fondés à la fin du MoyenAge, comme celui de «Maria Stein» (vers 1434) et Notre-Dame del Sasso
(1480/1484) au Tessin. La piété de la Passion qui alors était très répandue
dans le peuple se démontrait à Bösingen et Klingenzell avec les images de
la Pietà ou alors dans des endroits ou la Sainte-Croix était vénérée, comme
à Entlebuch, Bernrain, Schmitten et Belfaux. De nouveaux sanctuaires dédiés
à des saints sont aussi nés à la fin du Moyen-Age, les plus grands rassemblements de pèlerins ont commencé à partir de 1488 sur la tombe de Nicolas de Flüe à Sachseln.
A la suite de la Réforme, qui rejetait les pèlerinages en raison de leur
lien avec la vénération des saints, plusieurs sanctuaires ont disparu ou
n’étaient plus guère frèquentés. Soit les images pieuses qui étaient le
centre du pèlerinage étaient détruites, soit les régions de provenance des
fidèles étaient plus restreintes : comme ce fut le cas sur les lieux de
pèlerinages de Saint-Luzius à Coire, Saints Felix et Regula à Zurich et celui de la Madonne de Spalentor à Bâle et au grottes de Beatus à Thoune.
L’époque baroque
A l’époque baroque le phénomène du pèlerinage connut un nouvel essor. Il
y eut un retour à la mystique de la Croix et de la Passion. Caractéristique
à cette époque étaient aussi les lieux de vénération de la Sainte Trinité
(Tuggen et Leuk) ainsi que de la Sainte Famille. Dans ce temps, des lieux
de pèlerinages de l’étranger eurent des filiations de culte en Suisse. Les
premiers furent, à partir du 15ème siècle, les chapelles de Lorette, qui
attirèrent à leur tour de nombreux pèlerins. Au 17ème siècle de telles chapelles étaient avant tout dédiées à Marie auxiliatrice (suivant le modèle
de Lucas Cranch dont les plus anciens sont à Passau et Innsbruck). Comme
par exemple, des chapelles sont érigées à Brienz (GR), Haslen (AI), Luzern,
Beromunster, Schwyz, Gersau, Altdorf et Guin (FR). A cette liste il faut
ajouter aussi Notre-Dame du Mont-Carmel (Naples, 14ème siècle) de Bourguillon près Fribourg.
Le rationnalisme des lumières aux 18ème et 19ème siècles n’était pas favorable à la pratique des pèlerinages. Ce changement de coutumes pieuses
n’a cependant guère atteint les cantons du Valais et des Grisons, alors que
dans d’autres lieux on assistait à une baisse très nette de la fréquentation des pèlerinages. A l’époque romantique et au milieu du 19ème siècle,
de nouveaux sanctuaires consacrés à la Mère de Dieu ont été créés. En 1869
celui du Vorbourg près de Delémont a rencontré un nouvel intérêt. Il est
aujourd’hui le lieu de pèlerinage par excellence pour la région du Jura.
Depuis le 19ème siècle de nombreux lieux de pèlerinage en Suisse ont vu
leur réputation quelque peu ternir face aux nouveaux hauts-lieux de pèlerinage, avant tout mariaux : la Salette (depuis 1846), Lourdes (depuis 1917)
mais aussi celui dédié à St-Antoine de Padoue.
Dans les temps modernes, le pèlerinage a trouvé un nouvel écho. Ainsi le
nombre annuel des pèlerins à Lourde a passé de 1,6 millions en 1951 à 3,6
millions en 1975 . De nouvelles publications théologiques et ethnologiques
concernant les pèlerinages connaissent elles aussi un nouvel essor.
(apic/ra/bcy)