Prof. Jean Bernard : relever les défis de la bioéthique
Fribourg : Dies Academicus de l’Université (151187)
Fribourg, 15novembre(APIC) Placé cette année sous la présidence d’honneur
de M. Cornelio Sommaruga, président du Comité International de la Croix
Rouge (CICR), le traditionnel Dies Academicus de l’Université de Fribourg a
été l’occasion, samedi, d’une réflexion salutaire sur l’un des enjeux cruciaux de cette fin de siècle : l’évolution de la bio-éthique et les défis
qu’elle pose au corps médical et à la société toute entière. Invité du
jour, le professeur Jean Bernard, éminent spécialiste d’hématologie, membre
de l’Académie française et président du Comité national d’éthique en France, a conclu sa conférence magistrale – et fort applaudie – en rappelant
qu’à chaque nouveau pouvoir de la science devait correspondre un nouveau
devoir de l’homme.
«Des scientifiques toujours plus nombreux prennent conscience de leur
responsabilité humaine et sont convaincus qu’il ne saurait y avoir de
science sans conscience», rappelait le pape Jean Paul II dans cette même
Université le 13 juin 1984. C’est dans cette même ligne humaniste que le
professeur Jean Bernard a traité des conséquences morales de la révolution
thérapeutique (essais médicamenteux sur des volontaires sains, greffes
d’organes, registres épidémiologiques…), de la révolution dans le domaine
biologique et du génie bio-génétique, qui a donné à l’homme la maîtrise de
la reproduction (nouvelles méthodes anti-conceptionnelles, insémination artificielle, procréation in vitro) et de l’hérédité (diagnostic in utero…)
et de la révolution née de la maîtrise du système nerveux (psycho-pharmacologie, greffes de cellules du cerveau, etc.).
Considérant – au contraire de certains de ses collègues- que la vie commence dès la conception et partisan convaincu de la nécessité d’un dialogue
entre le corps médical et la société pour résoudre les nouveaux problèmes
que pose la révolution scientifique, le professeur Jean Bernard n’en reste
pas moins confiant en l’avenir : «On n’a pas le droit d’arrêter la connaissance». Cela ne l’empêche pas de condamner fermement l’esprit de lucre qui
anime certaines pratiques (vente de sang, d’organes), les industries pharmaceutiques sans scrupules qui exploitent des foetus pour faire du parfum
ou certaines «mères-porteuses» qu’il qualifie de «mères-vendeuses». Sur demande du Comité national d’éthique, le gouvernement français vient d’ailleurs d’interdire cette pratique.
Le Dies Academicus avait débuté par une messe en l’église du Collège StMichel présidée par Mgr Amédée Grab, évêque auxiliaire du diocèse de Genève, Lausanne et Fribourg, dont l’homélie était centrée sur le thème «liberté, vérité et sagesse». «La sagesse, a-t-il dit, c’est se donner à la
vérité… c’est vivre sous le joug de l’amour la liberté des enfants de
Dieu». Cornelio Sommaruga a lancé un appel aux intellectuels pour qu’ils
agissent à la racine des maux qui sont à l’origine de l’injustice et de la
violence : «Ne faisons pas du constat de l’imperfection intrinsèque de
l’homme un constat d’impuissance!» Le recteur Augustin Macheret a encore
souligné que l’Université de Fribourg était entrée dans une phase de relative stabilisation des effectifs étudiants et que c’était là une chance à
saisir pour accomplir de nouveaux développements en termes qualitatifs.
Trois doctorats honoris causa ont été décernés par les facultés. Les juristes ont honoré M. Duri Prader, entrepreneur et ingénieur en génie civil
de Zurich, pour sa contribution à l’évolution du droit de la construction.
La Faculté des lettres a décerné ce titre à Aloïs Senti, de Berne, qui a
recueilli et préservé des fables du pays de Sargans, tandis que la Faculté
des sciences a honoré le prof. Konrad Akert, de Zurich, physiologue engagé
dans la recherche sur le cerveau. Le Prix du Prince du Liechtenstein a
récompensé trois professeurs : le P. Aloïs Schmid, professeur de biologie
végétale, le P. Guy Bedouelle (histoire de l’Eglise) et M. Patrice MeyerBisch, représentant les promoteurs du nouveau Centre d’éthique et des
droits de l’homme de l’Université de Fribourg. A noter qu’un groupe d’étudiants en théologie a manifesté pacifiquement, à la fin de la partie officielle, contre le fait qu’aucun titre de docteur honoris causa n’ait été
décerné par la Faculté de théologie, parce que plusieurs évêques suisses
n’auraient pas considéré comme opportune la candidature du Père jésuite
Ludwig Kaufmann, rédacteur en chef de la revue jésuite «Orientierung» à Zurich, connu pour ses tendances progressistes. (apic/be)