Les Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ), qui ont rassemblé la semaine dernière des centaines de milliers de jeunes à Paris, ont permis à de nombreux mouvements de jeunes catholiques de sensibilités différentes de se rencontrer, d’apprendre à se connaî

«Pour moi, il s’est vraiment passé des choses à Paris… Je fais partie de cette majorité de jeunes peu ou non-pratiquants et je voulais assumer pour une fois ma catholicité. Je reviens enchanté des JMJ, car j’y ai vécu des moments intenses, même si je n’ai pas retenu beaucoup des discours». Dessinateur en génie civil, qui a tourné dans différents jobs, Alexandre Praz, de Chamoson, va bientôt fêter ses 23 ans. Il commence prochainement une formation d’animateur socioculturel à Vevey. Il l’avoue, il n’est pas de ceux que l’on pourrait appeler des «grenouilles de bénitier»: «La messe du dimanche, ce n’était pas même une fois tous les six mois! Je suis d’abord venu par curiosité, pour apprendre quelque chose».

Plus qu’un apprentissage, une sorte de «révélation»

Alexandre a redécouvert que le fait d’être chrétien lui permet d’inscrire «une histoire d’amour personnelle avec le Christ». Il a aussi rencontré la dimension de l’Eglise universelle, à travers les jeunes de tous pays qui se sourient dans le métro, qui se mettent à chanter ensemble. «C’est aussi une manifestation de l’unité dans le Christ».

Et la rencontre avec le pape ? «Plus une curiosité qu’autre chose, je voulais une fois l’entendre parler en direct. Présent au milieu de la foule, il s’est trouvé que je l’ai vu deux fois, à quelques mètres de distance: et bien, cela fait quand même quelque chose». Le jeune Valaisan s’est soudain aperçu qu’il existait déjà en lui une dimension affective à l’égard de l’Eglise et du pape. «Ces JMJ ont été pour moi plus qu’un apprentissage, quasiment une sorte de «révélation»… J’ai compris que c’était un point de départ, qu’il fallait que je m’engage davantage en paroisse, à Chamoson ou ailleurs, parce que je bouge beaucoup».

Rachel Gogniat, 30 ans, est employée de commerce à Neuchâtel et habite à Colombier. C’est la première fois qu’elle vit une expérience avec autant de jeunes: «J’ai été convaincue qu’il y a de l’avenir dans la foi avec les jeunes; J’ai trouvé très beau de pouvoir vivre ces célébrations eucharistiques et baptismales avec le pape. Je ne suis pas engagée dans la vie paroissiale, mais je fréquente la messe dominicale aux Verrières, où habitent mes parents». Rachel participe chaque année au pèlerinage de Fribourg à Einsiedeln en compagnie d’une vingtaine de Fribourgeois et Neuchâtelois, mais cette fois-ci, avec ses amies, elle a décidé de participer aux JMJ.

Une expérience intense, point de départ d’un engagement

La motivation première, pour elle non plus, n’était pas de voir le pape, mais bien de sentir cette dimension universelle de l’Eglise. «C’était magnifique! Malgré les centaines de milliers de participants, il y avait une telle intensité de prière… Magnifique de voir cet idéal, de voir que l’on est rassemblé pour Dieu.»

Pour Rachel Gogniat, ces JMJ certainement sont aussi le point de départ d’un engagement. «J’essayerai là où je suis, à Neuchâtel, où il y a peu de mouvements connus, de faire quelque chose. J’espère qu’avec toutes les images de la télévision et tous les articles de journaux sur les JMJ, des jeunes auront envie de nous connaître, de voir que nous, les jeunes chrétiens, nous ne sommes pas des fous, pas les seuls à croire, mais que nous sommes nombreux dans le monde».

Curé des paroisses neuchâteloises de La Béroche-Bevaix et de Boudry-Cortaillod, Jean-Pascal Vacher, 35 ans, est venu aux JMJ avec une «poignée d’irréductibles Neuchâtelois». Il connaît pas mal de jeunes présents aux JMJ, puisqu’il est responsable diocésain du Pèlerinage d’Einsiedeln. Ce sont plutôt des gens qui font déjà une démarche d’Eglise. Quant au danger que les «moments forts» représentés par ce genre de rencontre ne retombent bien vite, l’abbé Vacher ne le craint pas.

«Ce que les gens ont vécu ici ne s’effacera pas, et cela donne l’occasion d’un suivi, de poursuivre les contacts établis… Si des jeunes se sentent seuls dans un endroit où la vie paroissiale est morne, le fait qu’ils aient vécu cette fête des JMJ leur rappellera toujours que la foi peut avoir un autre visage». Lui aussi insiste sur le fait que ce rassemblement permettra – pour ceux qui ont participé ensemble à ce pèlerinage, dans des conditions matérielles parfois difficiles – de mettre un peu de côté les préjugés entre tendances et groupes divers.

Pauvreté et disponibilité du cœur

Le fait de dormir par terre, dans une halle de gymnastique dotée d’installations sanitaires insuffisantes, fut une chance aux yeux du curé neuchâtelois: «Malgré la fatigue, qui rend parfois l’écoute des catéchèses plus difficile, il se crée, à travers cette pauvreté relative au niveau du confort, une plus grande disponibilité du cœur».

Coordinateur romand des JMJ, le Vaudois Pascal Berney, d’Yverdon, a pris conscience avec d’autres responsables romands que la Suisse est l’un des rares pays qui n’a pas d’organisme pour les jeunes au niveau national. Il souhaite un rassemblement romand des jeunes catholiques.

Pour les responsables de la pastorale de jeunesse, dit Pascal Berney, animateur des JCVD, les Jeunes catholiques du canton de Vaud, les JMJ représentent un élan et un encouragement pour tenter de regrouper les mouvements et groupements de jeunes en Suisse. Il existe bien en Suisse romande le CRJC, le carrefour romand des jeunesses catholiques, et au niveau œcuménique la «FEDE», la Fédération de la jeunesse catholique et protestante de Suisse romande, qui font le lien entre les différentes pastorales de jeunesse, mais rien au niveau national qui puisse rassembler francophones, germanophones et italophones.

Le premier jalon, produit de la dynamique de préparation des JMJ, est la rencontre des jeunes catholiques de toute la Suisse prévue dans le courant de l’année. «Parmi les fruits des JMJ, souligne Pascal Berney, étudiant à l’Institut romand de Formation aux Ministères (IFM) de Fribourg, j’ai trouvé très positives toutes les rencontres qui ont eu lieu à la base entre jeunes et animateurs des divers cantons. Il ne faut pas laisser retomber la dynamique qui s’est créée à Paris».

Dépasser le sentiment d’isolement des jeunes dans les paroisses

Autre fruit récolté, le sentiment pour beaucoup de ne plus se sentir isolés comme croyants: «Voir une telle diversité d’Eglise, une telle masse de jeunes qui ont souvent le même âge que nous, représente à l’évidence un immense encouragement pour les jeunes, nous qui nous retrouvons habituellement isolés dans nos paroisses», insiste Pascal Berney. «Nous sommes des millions de jeunes croyants dans le monde!»

«Ces JMJ, pour l’Eglise de Suisse, permettront effectivement de faire tomber des barrières, des frontières, entre sensibilités et groupes divers qui souvent s’ignorent les uns les autres», souligne le Père Jean Emmanuel, un religieux carme de Fribourg. Cet œcuménisme «intracatholique» est pour lui tout à fait nécessaire. Il faut cependant que l’Eglise aille bien au-delà, vers ceux qui se sont éloignés de la foi. Le P. Jean Emmanuel souhaite une Eglise décomplexée, qui montre la couleur et surtout qui n’ait pas peur d’être évangélisatrice. (apic/be)

9 avril 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 5  min.
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