'Immeuble de Londres': mini-portraits des personnes impliquées
Le procès de l’affaire dite ‘de l’immeuble de Londres’ touche à sa fin. Le 16 décembre 2023, le juge Giuseppe Pignatone rendra son verdict après une procédure longue de plus de deux ans. I.MEDIA dresse la liste des protagonistes de ce procès – accusés, parties civiles et représentants de la justice vaticane.
Les accusés:
Cardinal Angelo Becciu
Ancien substitut de la secrétairerie d’État (2011-2018) puis préfet de la congrégation pour les Causes des saints (2018-2020), il s’est vu retirer toute charge ainsi que ses droits de cardinal par le pape en septembre 2020.
Le promoteur de justice lui reproche notamment son rôle dans l’acquisition et la gestion d’un immeuble par la secrétairerie d’État à Londres, mais aussi le versement de 150’000 euros à une association caritative diocésaine dirigée par son frère en Sardaigne et le versement de près de 600’000 euros à Cecilia Marogna pour une mission visant à libérer une religieuse prise en otage dans le Sahel.
Il est accusé de détournement de fonds, d’abus de pouvoir et de subornation de témoin. Le promoteur a requis à son encontre sept ans et trois mois de réclusion, une interdiction perpétuelle de l’exercice de la charge publique, 10’329 euros d’amende et la confiscation pénale de 14’755’000 euros. Sa défense demande l’acquittement.
Avocats: Me Fabio Viglione et Me Maria Concetta Marzo.
Enrico Crasso
Banquier d’affaires italien vivant en Suisse, il a été le principal gestionnaire du patrimoine financier de la secrétairerie d’État entre 1993 et 2020. Le promoteur lui reproche d’avoir participé à une conspiration – avec Gianluigi Torzi, Raffaele Mincione et Fabrizio Tirabassi – visant à escroquer le Vatican dans le cadre de l’acquisition d’un immeuble à Londres, mais aussi d’avoir obtenu des avantages indus dans d’autres opérations financières.
Il est accusé de fraude, de détournement de fonds, d’abus de pouvoir, de corruption, de blanchiment d’argent et d’extorsion. Le promoteur a requis à son encontre neuf ans et neuf mois de réclusion, une interdiction perpétuelle de l’exercice de la charge publique, 18’000 euros d’amende et la confiscation pénale de 109 millions d’euros. Deux de ses compagnies financières sont aussi jugées lors du procès. Sa défense demande l’acquittement.
Avocat: Me Luigi Panella.
Fabrizio Tirabassi
Il a travaillé comme expert-comptable pour la Première section de la secrétairerie d’État entre 1989 et 2019. Le promoteur lui reproche notamment d’avoir participé à une conspiration – avec Gianluigi Torzi, Raffaele Mincione et Raffaele Mincione – visant à escroquer le Vatican dans le cadre de l’acquisition d’un immeuble à Londres. Il lui reproche aussi d’avoir obtenu des avantages indus dans d’autres opérations, notamment par le biais de rétrocommissions versées par la banque UBS et par l’acquisition illégale de médailles et pièces d’or du Vatican.
Il fait l’objet de 18 chefs d’inculpation parmi lesquels ceux d’abus de pouvoir, de corruption et d’extorsion. Le promoteur de justice a requis à son encontre 13 ans et 3 mois de prison, une interdiction perpétuelle de la charge publique, 18’750 euros d’amende, ainsi que la confiscation pénale de 99’898’000 euros. Sa défense demande l’acquittement.
Avocats: Me Massimo Bassi, Me Cataldo Intrieri.
Raffaele Mincione
Banquier d’affaires italo-britannique vivant à Londres, il s’est vu confier 200 millions d’euros d’investissement par la secrétairerie d’État en 2013, et a géré notamment l’immeuble à Londres entre 2014 jusqu’en 2018. Le promoteur lui reproche d’avoir participé à une conspiration – avec Enrico Crasso, Gianluigi Torzi et Fabrizio Tirabassi – visant à escroquer le Vatican dans le cadre de ces opérations.
Il est accusé de fraude, de détournement de fonds, d’abus de pouvoir, de blanchiment d’argent et de corruption. Le promoteur a requis à son encontre onze ans et cinq mois de réclusion, une interdiction perpétuelle de la charge publique, 15’450 euros d’amende et la confiscation de 172’360’000 pénale d’euros. Sa défense demande l’acquittement.
Avocats: Me Giandomenico Caiazza, Me Andrea Zappalà.
Gianluigi Torzi
Courtier italien, il a repris le contrôle de l’immeuble de Londres à Mincione en 2018, avant de le rendre au Vatican en 2019. Le promoteur lui reproche notamment d’avoir participé à une conspiration – avec Enrico Crasso, Fabrizio Tirabassi et Raffaele Mincione – visant à escroquer le Vatican dans le cadre de cette opération – et notamment d’avoir extorqué la somme de 15 millions d’euros.
Il est poursuivi pour corruption, fraude, blanchiment d’argent et extorsion. Le promoteur a requis à son encontre sept ans et six mois de réclusion, une interdiction perpétuelle de l’exercice de la charge publique et 9’000 euros d’amende, ainsi que la confiscation pénale de 70’335’000 euros. Sa défense demande l’acquittement.
Avocats: Me Mario Zanchetti, Me Marco Franco, Me Matteo Santamaria.
Nicola Squillace
Avocat de Gianluigi Torzi lors de l’opération de 2018 visant à reprendre le contrôle de l’immeuble de Londres. Le promoteur lui reproche notamment d’avoir trompé le Saint-Siège dans cette transaction.
Il est accusé de fraude, détournement de fonds et blanchiment d’argent. Le promoteur de justice a requis à son encontre six ans de réclusion, une suspension de l’exercice professionnel et 12’500 euros d’amende, ainsi que la confiscation de 1’266’000 euros. Sa défense demande l’acquittement.
Avocat: Me Lorenzo Bertacco.
Mgr Mauro Carlino
Ancien membre de la secrétairerie d’État, il est secrétaire particulier du substitut Mgr Becciu puis de son successeur Mgr Edgar Mgr Peña Parra. Il a été suspendu en 2019. Le promoteur de justice lui reproche d’avoir aidé Gianluigi Torzi dans son extorsion de 15 millions d’euros.
Il est accusé d’abus de pouvoir et d’extorsion. Le promoteur a requis à son encontre cinq ans et quatre mois de réclusion, une interdiction perpétuelle de l’exercice de la charge publique, 8’000 euros d’amende et la confiscation de 15 millions d’euros. Sa défense demande l’acquittement.
Avocats: Me Salvino Mondello, Me Agnese Camilli Carissimi.
Tommaso Di Ruzza
Ancien directeur de l’Autorité ’information financière (AIF), l’autorité anti-blanchiment d’argent du Vatican de 2016 à 2021, il a été suspendu en 2019. Le promoteur lui reproche d’avoir agi en ne respectant pas l’indépendance dont doit se prévaloir l’entité qu’il dirigeait, en autorisant notamment un prêt malgré le caractère suspect de la demande.
Il est accusé d’abus de pouvoir. Le promoteur a requis à son encontre quatre ans et quatre mois de réclusion, une interdiction temporaire de l’exercice de la charge publique, 9’600 euros d’amende et la confiscation de 15 millions d’euros. Sa défense demande l’acquittement.
Avocats: Me Angela Valente, Me Roberto Borgogno.
René Brülhart
Avocat suisse, il a été président de l’AIF entre 2014 et 2019. Comme Di Ruzza, le promoteur lui reproche d’avoir agi en ne respectant pas l’indépendance dont doit se prévaloir l’entité qu’il dirigeait, en autorisant notamment un prêt malgré le caractère suspect de la demande.
Il est accusé d’abus de pouvoir. Le promoteur de justice a requis à son encontre trois ans et huit mois de réclusion, une interdiction temporaire de l’exercice de la charge publique, 10’329 euros d’amende et 15 millions d’euros. Sa défense demande l’acquittement.
Avocats: Me Filippo Dinacci, Me Ugo Dinacci.
Cecilia Marogna
Seule femme accusée, d’origine sarde, elle se décrit comme une «experte en diplomatie informelle» et a été embauchée par le cardinal Becciu pour faire libérer une religieuse prise en otage dans le Sahel. Entre 2018 et 2019, elle a touché près de 600’000 euros. Le promoteur lui reproche d’avoir utilisé cet argent versé pour des achats personnels.
Elle est poursuivie pour détournement de fonds. Le promoteur a requis à son encontre une peine de prison de quatre ans et huit mois, une interdiction perpétuelle de l’exercice de la charge publique, une amende de 10’329 euros et la confiscation de 575’000 euros. Sa défense demande l’acquittement.
Avocats: Me Giuseppe Di Sera, Me Fiorino Ruggio.
Les parties civiles:
La secrétairerie d’État
L’entité centrale du Saint-Siège, dont les fonds auraient été utilisés pour les diverses opérations financières examinées au cours du procès, réclame 178 millions d’euros de dédommagement pour le préjudice réputationnel causé par les dix accusés. Le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État, a ouvertement soutenu le choix de son administration de se porter partie civile.
Avocates: Me Paola Severino, Me Elisa Scaroina.
L’Administration du patrimoine du siège apostolique (APSA)
La banque publique du Vatican, qui a récupéré le contrôle des fonds gérés par la secrétairerie d’État en décembre 2020, réclame 270 millions d’euros de dédommagement aux accusés pour le préjudice patrimonial causé par l’affaire.
Avocats: Me Giovanni Maria Flick, Me Damiano Francesco Pujia.
L’Institut des œuvres de religion (IOR)
La banque privée du Vatican réclame 1 million d’euros pour préjudice réputationnel et la «restitution» de 206 millions d’euros au pape François.
Avocat: Me Roberto Lipari.
L’Autorité de surveillance et d’information financière (ASIF)
L’autorité en charge de la lutte contre le blanchiment d’argent au Vatican, anciennement appelée AIF, est impliquée du fait de la présence de deux anciens dirigeants sur le banc des accusés. Sa défense a laissé le soin au tribunal d’estimer les préjudices causés.
Avocate: Me Anita Titomanlio.
Mgr Alberto Perlasca
L’ancien responsable des finances de la secrétairerie d’État de 2008 à 2018 a pu se constituer partie civile en raison de la tentative de subornation dont il aurait été victime, selon le promoteur, de la part du cardinal Becciu. Témoin particulièrement médiatisé en raison de son poste stratégique au sein de la secrétairerie d’État, il a été la cible des avocats de la défense qui ont tous contesté la fiabilité de son témoignage. Le promoteur a, pour sa part, affirmé qu’il n’était pas un ›témoin clé’. Sa défense a laissé le soin au tribunal d’estimer les préjudices causés.
Avocat: Me Angelo Alessandro Sammarco.
Les représentants de la justice du Vatican:
Alessandro Diddi
Cet avocat et professeur de droit romain travaille pour le Bureau du promoteur de justice depuis 2013 et en est devenu le chef en 2022. C’est lui qui, depuis 2019, a mené l’enquête, demandé l’ouverture du procès en juillet 2021 puis la condamnation des dix accusés lors de son réquisitoire en juillet dernier. Son travail a été la cible constante des défenses, qui lui reprochent un procès inéquitable et dépourvu de preuves, ce qu’il conteste vivement.
Il est assisté de Settimio Carmignani, Roberto Zannotti et Gianluca Perone.
Giuseppe Pignatone
Bientôt à la retraite, le président du tribunal du Vatican depuis 2019 est connu pour avoir travaillé sur des dossiers très sensibles pendant sa longue carrière au sein de la magistrature italienne, notamment dans des procès contre la mafia. Il aura la lourde tâche de prononcer le verdict.
Il préside le procès assisté de deux autres juges: Venerando Marano et Carlo Bonzano. Ils sont épaulés par la magistrate appliquée Lucia Bozzi. (cath.ch/imedia/ic/cd/gr)