Détail de la "Crèche aux cinq sens" | © Raphaël Zbinden
Homélie

Homélie du 25 décembre 2023 (Lc 2, 1-14)

Messe de MINUIT
Les 800 ans de la première crèche vivante de Greccio
Abbé Pascal Desthieux – Basilique Notre-Dame de Genève

Au début de cette messe de minuit, pendant que nous chantions « Les anges dans nos campagnes [qui] annoncent la naissance du libérateur », je suis venu apporter l’enfant Jésus à la crèche. À la basilique Notre-Dame, nous avons une magnifique crèche, qui remplit la chapelle latérale du Sacré-Cœur. Notre crèche mesure bien 8 à 10 m de largeur, pour 3 m de hauteur et autant de profondeur. Il y a toute une équipe qui s’est retrouvée chaque semaine pour la construire et la faire évoluer au cours de l’Avent. Un petit groupe d’artistes a même travaillé tout au long de cette année pour restaurer des personnages et en créer de nouveaux.

Alors que les crèches ont tendance à disparaître des espaces publics, avec le risque d’effacer peu à peu le sens profond de Noël, je suis pratiquement sûr que vous avez une belle crèche à la maison. Et vous avez bien raison, car c’est un magnifique support pour vivre Noël, mais aussi pour en témoigner par exemple auprès de vos enfants ou petits-enfants. J’espère que vous avez eu de la joie à ressortir les santons et à la constituer ces derniers jours. Moi aussi, j’ai une belle crèche faite par les Sœurs de Bethléem qui a une signification toute particulière pour moi, puisque ma maman m’a offert chaque année un nouveau personnage de la crèche, ou un animal comme l’âne, le bœuf, et même le chameau d’un des rois mages. Les personnages ont été achetés au Monastère des Voirons, au-dessus de Genève.
Vous allez peut-être, en rentrant de cette messe, placer vous aussi l’enfant Jésus dans la mangeoire. Et vous qui célébrez avec nous la radio, je vous invite à suivre cette homélie devant votre crèche.

Lien entre l’incarnation du Fils de Dieu et l’Eucharistie


Savez-vous depuis quand on fait des crèches ? On aime faire remonter l’invention des crèches à Saint François d’Assise, qui a eu la bonne idée de constituer une crèche vivante dans le petit village de Greccio, dans la nuit de Noël 1223. C’était donc exactement, jour pour jour, heure pour heure, il y a 800 ans. Pour marquer ce jubilé, il vaut la peine de revenir sur cette belle histoire, racontée par son biographe Thomas de Celano.
Revenant de Rome, où le pape avait confirmé la règle franciscaine, François s’arrêta à Greccio, situé à 90 km au sud d’Assise, où habitait Giovanni Velita, ami et disciple du saint. En se promenant vers les grottes du village, il se souvint de Bethléem, qu’il avait visité lors de son voyage en Terre Sainte et, en particulier, les grottes où Jésus était né. Quinze jours avant Noël, François demande à son ami Giovanni de l’aider à réaliser un vœu : « Je voudrais représenter l’Enfant né à Bethléem, et voir avec les yeux du corps, les souffrances dans lesquelles il s’est trouvé par manque du nécessaire pour un nouveau-né, lorsqu’il était couché dans un berceau sur la paille entre le bœuf et l’âne » (1 Celano, 84). L’ami fidèle alla immédiatement préparer, à l’endroit indiqué, tout le nécessaire. Dans la nuit du 24 au 25 décembre, de nombreux frères de divers endroits vinrent à Greccio accompagnés d’hommes et de femmes provenant des fermes de la région, apportant fleurs et torches pour illuminer cette sainte nuit. Quand François arriva, il trouva la mangeoire avec la paille, le bœuf et l’âne. Les gens qui étaient accourus manifestèrent une joie indicible jamais éprouvée auparavant devant la scène de Noël. Ému, François d’Assise qui était diacre, prêcha avec beaucoup de ferveur et d’émotion, en décrivant l’enfant Jésus venu si humblement dans une crèche, pauvre parmi les pauvres. Il demanda ensuite à un ami prêtre franciscain de célébrer la messe sur le praesepium, qui signifie mangeoire, montrant le lien entre l’Incarnation du Fils de Dieu et l’Eucharistie. L’histoire de la crèche commença donc avec cette crèche vivante, faite de fidèles en chair et en os qui célébraient ensemble la pauvreté de Dieu fait Homme.
Thomas de Celano, premier biographe de saint François, ajouta que cette nuit-là, une des personnes présentes vit, couché dans la mangeoire, l’Enfant Jésus lui-même. Les gens retournèrent chez eux profondément touchés.

Signification et valeur de la crèche

Le pape François, qui a choisit son nom de pontificat en référence au saint d’Assise, est venu à Greccio il y a quatre ans, et c’est depuis le Sanctuaire de la crèche qu’il a signé et offert une magnifique lettre sur la signification et la valeur de la crèche. J’aimerais vous en citer quelques lignes :
Faire une crèche dans nos maisons nous aide à revivre l’histoire vécue à Bethléem. Bien sûr, les Évangiles restent toujours la source qui nous permet de connaître et de méditer sur cet Événement, cependant la représentation de ce dernier par la crèche nous aide à imaginer les scènes, stimule notre affection et nous invite à nous sentir impliqués dans l’histoire du salut, contemporains de l’événement qui est vivant et actuel dans les contextes historiques et culturels les plus variés.
Le pape ajoute que la crèche est une invitation à « sentir » et à « toucher » la pauvreté que le Fils de Dieu a choisie pour lui-même dans son incarnation. Elle est donc, implicitement, un appel à le suivre sur le chemin de l’humilité, de la pauvreté, du dépouillement, qui, de la mangeoire de Bethléem conduit à la croix. C’est un appel à le rencontrer et à le servir avec miséricorde dans les frères et sœurs les plus nécessiteux.

Je vous invite à relire cette belle lettre du pape François, vous la trouverez facilement sur Internet, alors que nous célébrons cette nuit le 800e anniversaire de cette première crèche vivante. Il détaille chaque personnage de la crèche, et même l’étoile qui nous rappelle que dans les obscurités de nos vies, Dieu ne nous laisse pas seul : il répond aux grandes questions de nos vies, et se fait proche de nous en se faisant l’un de nous. Il conclue sa lettre ainsi : « la crèche fait partie du processus doux et exigeant de la transmission de la foi. Dès l’enfance et ensuite à chaque âge de la vie, elle nous apprend à contempler Jésus, à ressentir l’amour de Dieu pour nous, à vivre et à croire que Dieu est avec nous et que nous sommes avec lui, tous fils et frères grâce à cet Enfant qui est Fils de Dieu et de la Vierge Marie ; et à éprouver en cela le bonheur. À l’école de saint François, ouvrons notre cœur à cette grâce simple et laissons surgir de l’émerveillement une humble prière : notre « merci » à Dieu qui a voulu tout partager avec nous afin de ne jamais nous laisser seuls. »

C’est bien ce que j’aimerais retenir de cette première crèche de Greccio il y a 800 ans, des crèches que nous avons montées dans nos églises et nos maisons, et plus encore de cette fête de Noël que nous célébrons : quand Dieu se fait l’un de nous, il vient dans notre réalité, dans tout ce que nous vivons. Les habitants de Greccio ont été eux-mêmes les personnages de cette première crèche vivante en 1223. Nous aussi sommes les personnages de la crèche vivante de cette nuit de Noël 2023. Jésus reçoit Noël ce merveilleux nom d’Emmanuel Dieu avec nous. La conjonction « avec », entre Dieu et nous est importante. Dieu est « avec » chacun d’entre nous, pour que nous puissions être toujours plus avec les autres, et en paix avec nous-mêmes. Nous ne sommes jamais seuls puisqu’il est là avec nous.

Messe de MINUIT
Lectures bibliques : Isaïe 9, 1-6; Psaume 95; Tite 2, 11-14; Luc 2, 1-14

Détail de la «Crèche aux cinq sens» | © Raphaël Zbinden
25 décembre 2023 | 00:18
Temps de lecture : env. 5  min.
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