Afrique du Sud: La Commission «Vérité et réconciliation» n’épargne par les Eglises

«Le christianisme a soutenu le régime de l’apartheid»

East London, 5 novembre 1998 (APIC) Les Eglises d’Afrique du Sud n’ont pas échappé aux critiques de la Commission «vérité et réconciliation» (TRC), dans le rapport que celle-ci vient de présenter. Le christianisme, peut-on lire dans ce rapport, religion dominante en Afrique du Sud, a soutenu le régime de l’apartheid de plusieurs façons.

La Commission, qui cherche depuis 1996 à faire la lumière sur les violations des droits de la personne commises durant le régime de l’apartheid, reconnaît toutefois le rôle joué par les communautés religieuses, dont certaines se sont opposées à la politique de ségrégation raciale, provoquant souvent le courroux des forces de sécurité du gouvernement.

Le président de la Commission, l’archevêque anglican Desmond Tutu, a remis le 29 octobre le rapport de cinq volumes et de 3’500 pages au président Nelson Mandela. Dans les conclusions de son rapport, qui se base sur les auditions de représentants de communautés religieuses, la TRC souligne que le christianisme, religion dominante en Afrique du Sud, a soutenu l’idéologie de l’apartheid de plusieurs façons. Entre autres, par la promotion non déguisée d’un enseignement biblique et théologique qui justifiait l’apartheid, comme ce fut le cas pour les Eglises réformées blanches afrikaans.

D’autres Eglises, historiquement établies selon des lignes raciales, n’ont pas réussi à s’unir, souvent en raison de formes déclarées ou résiduelles de racisme. La majorité des Eglises, entre autres les Eglises anglophones, ont souvent pratiqué l’apartheid au sein de l’Eglise, en nommant des pasteurs de paroisses souvent sur la base de la race et en versant des salaires inégaux. Les communautés et institutions religieuses en général n’ont pas su soutenir les pasteurs dissidents, les prêtres, les imams, les rabbins et laïcs en conflit avec l’Etat, ni aider économiquement les victimes de l’apartheid.

«La Commission reconnaît, en même temps, que certains membres de communautés religieuses ont résisté courageusement à l’apartheid et ont payé un lourd tribut. Il a aussi été constaté avec satisfaction que tous les groupes religieux qui sont venus témoigner devant la Commission ont admis leur complicité avec l’apartheid».

«Impérialisme chrétien»

Des aumôniers auprès de l’armée, de la police et autres services similaires, rappelle le rapport, portaient les uniformes de ces unités, étaient considérés comme du personnel militaire, et avaient parfois des pistolets. Ils faisaient partie de ces équipées illégales menées hors des frontières par les militaires dans les pays voisins, accompagnaient les troupes dans les localités noires et sur les lieux de conflits. Ils étaient considérés comme soutenant les structures de l’ancien régime.

«En tant que telles», poursuit le rapport, «les Eglises, qui ont approuvé sur le plan religieux et légitimé sur le plan théologique un grand nombre d’actions des forces armées, doivent être prêtes à en assumer leur responsabilité morale. Les communautés religieuses doivent reconnaître qu’elles sont coupables, moralement et religieusement, de n’avoir pas su résister avec suffisamment de rigueur à l’effet de l’apartheid sur le pays. L’échec des Eglises à cet égard a permis non seulement la survie de l’apartheid mais aussi la perpétuation du mythe, qui prévalait dans certains milieux, à savoir que l’apartheid était à la fois une démarche morale et chrétienne dans un monde hostile et impie».

La Commission accuse aussi les Eglises d’avoir pratiqué un «impérialisme chrétien» et une propagande antisémite et anti-islamique, en s’inspirant de la théologie. Au total, 41 communautés religieuses ont présenté des rapports écrits ou oraux à la Commission. (apic/eni/pr)

27 avril 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 2  min.
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