Préliminaire à un éventuel procès pénal

Italie: Le cardinal Giordano ordonne une enquête ecclésiastique

Naples, 21 septembre 1998 (APIC) Le cardinal Michele Giordano, archevêque de Naples, a déclenché une enquête ecclésiastique au sein de la curie de Naples, a annoncé lundi la salle de presse du Vatican. Sa décision d’ouvrir cette enquête interne tendrait à renforcer l’idée que le prélat est étranger aux éventuelles malversations financières survenues au sein de l’administration diocésaine. Lundi après-midi, le cardinal Camillo Ruini, président de la conférence épiscopale italienne, a publiquement pris la défense de son confrère.

Le cardinal Giodano, selon une nouvelle maintenant confirmée au Vatican, a décidé de mettre en oeuvre le canon 1717 du Code latin de droit canon, qui prévoit une «enquête préliminaire» à un éventuel procès pénal.

Selon le communiqué du Vatican, l’avocat choisi pour cette enquête est Maître Maurizio Incerpi. Or, Me Incerpi vient du tribunal de la Rote romaine. Il a été nommé par Mgr Giordano porte-parole de l’archevêché de Naples, poste clé, et pourtant vacant, au moment où «l’affaire» a éclaté. D’aucuns ont pensé que sa nomination avait été décidée sur les conseils du Vatican.

Quelle enquête ?

Un «délit» interne à l’Eglise de Naples serait donc venu à la connaissance du cardinal, vraisemblablement dans le cadre de l’enquête des magistrats de Lagonegro sur l’usure dans la province de Basilicate. Ces derniers avaient lancé contre le cardinal un avis de garantie le 27 août dernier, suivi d’une perquisition dans les bureaux de la curie, et précédé par trois mois d’écoutes téléphoniques sur la ligne du cardinal.

Selon les termes du canon 1717, une enquête préalable est prévue en cas de connaissance, «au moins vraisemblable d’un «déli «. En d’autres termes, l’évêque du lieu a le pouvoir d’ouvrir une enquête lorsqu’un délit est «possible ou notoire , ou à la suite d’une dénonciation ou d’une rumeur dans la communauté», précise le code commenté dans son édition française. Il pourrait lui-même mener l’enquête, selon le droit canon, mais son implication lui a fait choisir un tiers pour le faire.

Cette enquête, stipule le même article, doit être «prudente, portant sur les faits, les circonstances et l’imputabilité du délit «, surtout, précise le commentaire, «si le délit est imputé à son auteur présumé comme ayant été commis de façon délibérée».

Le paragraphe 2 stipule en outre le respect de la réputation de personnes éventuellement mises en cause, un respect que le cardinal, averti de l’avis de garantie par la presse et blessé par la médiatisation de l’affaire, a déclaré avoir souhaité pour lui-même. «Il faut, dit le canon, veiller à ce que cette enquête ne compromette pas la bonne réputation de quiconque».

Pour ce qui est des pouvoirs de Me Maurizio Incerpi, le droit ecclésiastique prévoit, au paragraphe 3 du même canon : «Celui qui mène cette enquête a les mêmes pouvoirs et les mêmes obligations qu’un auditeur dans un procès pénal ecclésiastique; et si le procès judiciaire est ensuite engagé, il peut y tenir la place de juge «.

Le procès pénal canonique se déroule donc en deux phases distinctes : l’enquête préalable, de nature «strictement administrative», et la phase judiciaire ou administrative, selon la voie choisie à l’issue de l’enquête.

Prêts contestés

Le cardinal Giordano, connu pour sa lutte contre l’usure, le travail des enfants et le crime organisé, a toujours protesté de sa bonne foi et de son innocence. Interrogé à la télévision italienne le 10 septembre dernier, il avait déclaré avoir laissé son autonomie de décision à l’administrateur des Oeuvres de religion du diocèse, Aldo Palumbani. Ce dernier aurait consenti un prêt aux neveux du cardinal et leur aurait confié des travaux à exécuter pour le compte du diocèse.

Le prêt obtenu par les neveux du cardinal vient s’ajouter au prêt personnel que le cardinal affirme avoir consenti sur ses économies personnelles à son frères Luciano Mario Giordano, alors en difficultés financières. Ce prêt de 400 millions de lires, précisait le prélat dans l’entrevue télévisée, a déjà été remboursé à hauteur de 250 millions. Restent 150 millions que Mgr Giordano entend bien se voir rembourser également : par testament, il a en effet, dit-il, légué ses économies au diocèse.

Le cardinal Ruini solidaire

Lundi en fin d’après-midi, dans son discours d’ouverture de la session du Conseil permanent de la Conférence épiscopale italienne (21-24 septembre), le cardinal Camillo Ruini, vicaire du pape pour le diocèse de Rome et président de la Conférence, a redit à nouveau son estime et sa solidarité à son collègue de Naples, dénonçant la «campagne dont il est l’objet».

Cette déclaration et la décision d’enquête ecclésiastique surviennent au lendemain d’un regain d’opinion favorable à l’archevêque de Naples. L’opinion publique a en effet tenu pour le «verdict» de saint Janvier le phénomène de la liquéfaction du sang du martyr, samedi dans les mains du cardinal, lors d’une prière publique dans la cathédrale de Naples. Si le phénomène ne s’était pas produit cette année, tout le monde aurait alors penché dans le sens de la culpabilité du prélat.

Au plan judiciaire, les magistrats de Lagonegro poursuivent leur enquête. Le cardinal Giordano s’est toujours déclaré «confiant» dans la justice. (apic/cip/ab)

21 septembre 1998 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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