Russie: Absence du patriarche orthodoxe à l’inhumation des restes famille impériale
«L’Eglise doit rester libre de toute pression»
Moscou, le 24 juillet 1998 (APIC) L’absence du patriarche de l’Eglise orthodoxe russe Alexis II à l’inhumation, le 17 juillet, des restes présumés de la famille impériale » fut la première décision indépendante d’une Eglise libre de toute pression», fait remarquer le métropolite Yuvenali, un des hauts dignitaires de l’Eglise. Le patriarcat de Moscou a refusé à la fois de céder aux vœux de son aile monarchiste comme à ceux du Kremlin.
L’Eglise a été soumise à de fortes pressions de la part de son aile monarchiste très conservatrice qui déjà révère Nicolas II comme un saint et méprise le gouvernement russe en qui elle voit le successeur des bolcheviks, et l’instrument d’une «conspiration mondiale des juifs et des francs-maçons» coupables de régicide en 1918.
L’aile archi-conservatrice de l’Eglise orthodoxe russe est profondément influencée par l’Eglise orthodoxe russe dissidente à l’étranger, dont le siège est à New York, et qui a canonisé les Romanov en 1981. Cette Eglise a refusé de coopérer avec le gouvernement russe dans le cadre de l’enquête sur l’identification des restes de Iekaterinbourg et a refusé d’accepter les conclusions avancées par celui-ci.
Le mois dernier, le Saint Synode de l’Eglise orthodoxe russe a décidé que le patriarche et les évêques ne participeraient pas aux funérailles organisées par le gouvernement, mais que le 17 juillet serait considéré comme un jour de repentance dans toute l’Eglise à la mémoire de la famille impériale.
Le message du Synode lu dans les églises orthodoxes russes le 17 juillet précisait que «dans cette situation, la hiérarchie, dont le devoir est de promouvoir la paix et l’harmonie, est appelée, en raison de la logique même de ce conflit, à s’abstenir de soutenir un ou l’autre des points de vue.»
Le gouvernement a exhorté le synode à revenir sur cette décision. Le président Eltsine a rencontré le patriarche Alexis trois fois en deux semaines, apparemment pour essayer de le convaincre d’assister aux funérailles.
Finalement, un simple prêtre de paroisse a officié pour l’inhumation des restes du tsar Nicolas II, de son épouse Alexandra, de trois de leurs cinq enfants et de quatre serviteurs. Boris Eltsine et une partie seulement de la famille Romanov ont participé à cette cérémonie dans la cathédrale Saint-Alexandre-de-la-Neva, à Saint-Pétersbourg, où reposent la plupart des membres de la famille impériale de Russie. Le prêtre qui a célébré le requiem n’a pas mentionné les noms de ceux qu’il enterrait, choisissant de prier «pour les serviteurs martyrs de Dieu dont vous connaissez, Seigneur, les noms».
Controverse autour des restes présumés
Le sort du dernier tsar russe est d’un intérêt particulier pour Boris Eltsine, car ce fut lui qui, en 1977, à la tête du parti communiste d’Iekaterinbourg, a, suivant les instructions du Kremlin, fait démolir la maison «Ipatiev» où avait été retenue et assassinée la famille impériale. «Coupables sont ceux qui ont perpétré ce meurtre haineux et ceux qui l’on justifié pendant des décennies, nous tous», a-t-il déclaré lors des funérailles.
Depuis quelques mois, la cérémonie de funérailles était devenue l’un des sujets principaux de la vie publique en Russie, en raison de la controverse provoquée par l’identification des restes, découverts non loin de Iekaterinbourg en 1979 et exhumés en 1991. Le gouvernement et l’Eglise orthodoxe restent divisés sur cette question, et la controverse a quelque peu diminué l’importance de l’événement.
Pas de saint sans reliques
L’identité des restes est particulièrement importante pour l’Eglise car elle envisage de canoniser la famille impériale en l’an 2000. Dans ce cas, les restes de Iekaterinbourg seraient alors considérés comme des reliques saintes. Or, vénérer des fausses reliques est un sacrilège pour l’Eglise orthodoxe russe. (apic/eni/sop/ab)