Rome: Le cardinal Roger Etchegaray abandonne la présidence de «Justice et paix»
Nomination de Mgr François-Xavier Nguyên Van Thuân
Rome, 24 juin 1998 (APIC) Le cardinal français Roger Etchegaray abandonne la charge de président du Conseil pontifical «Justice et Paix» qu’il assumait depuis 1984, indique-t-on mercredi à Rome. Agé de 76 ans, Mgr Etchegaray ne quitte cependant pas le service actif du Saint-Siège, puisqu’il reste président du Comité central du Grand Jubilé de l’An 2000. Pour le remplacer, le pape a nommé un Vietnamien, Mgr François-Xavier Nguyên Van Thuân, jusqu’ici vice-président de ce même conseil.
Mgr Etchegaray est par ailleurs promu par le pape au rang de cardinal évêque, où il rejoint les cardinaux Ratzinger, Sodano, Gantin et Bertoli, indique le Vatican. .
Originaire du centre du Vietnam, Mgr Nguyên Van Thuân avait été nommé évêque de Nha Trang au Sud-Vietnam en 1967, puis archevêque coadjuteur de Saïgon le 24 avril 1975, six jours avant la chute de l’ancien régime du Sud-Vietnam. Les autorités communistes refusèrent cette nomimation et empêchèrent l’archevêque d’exercer ses nouvelles fonctions. Dès août 1975 et jusqu’en décembre 1988, il fut constamment soit détenu, soit assigné à résidence. Enfin libéré, il pu effectuer un voyage à Rome mais le gouvernement lui fit alors savoir qu’il était indésirable au Vietnam et ne l’autorisa plus à rentrer au pays.
En 1994, après la nomination d’un administrateur apostolique à Hô Chi Minh-Ville, le Saint-Siège a renoncé à maintenir Mgr Nguyên Van Thuân à son poste de coadjuteur de cette ville et l’a nommé vice-président du Conseil pontifical Justice et Paix.
Lors du Synode des évêques pour l’Asie, plusieurs intervenants ont exprimé le vœu que la présence asiatique soit renforcée au sein de la curie romaine. C’est en partie chose faite avec la nomination de Mgr Nguyên Van Thuân qui suit celle du Japonais Mgr Fumio Hamao, évêque de Yokohama, à la tête du Conseil pontifical pour les Migrants.
Portrait du successeur de mgr Etchegaray
Sa détermination, Mgr Van Thuan l’a acquise au fond des prisons du régime communiste vietnamien où il a été enfermé à partir du 15 août 1975, à 47 ans.
Les autorités lui faire subir 13 années d’incarcération, parfois entrecoupées de périodes de résidences surveillées, mais aussi de redoutable phases d’isolement total. L’une durera plus de deux ans, l’autre plus de six ans.
Il réussira, malgré ces mesures, à écrire chaque jour des pensées spirituelles d’une grande profondeur, aujourd’hui éditées dans plusieurs pays (»Sur le Chemin de l’Espérance» – Le sarment-Fayard) où transparaît une spiritualité fondée sur un détachement absolu.
L’exil n’a pas entamé la détermination du nouveau promu désormais entièrement dédié à sa tâche. Le 24 avril dernier, il faisait cette intervention remarquée lors du Synode sur l’Asie : «Là où les hommes vivent dans la pauvreté, sont exploités, opprimés ; là où les femmes, les jeunes et les enfants sont exploités dans la prostitution et le tourisme sexuel, Jésus est à nouveau blessé dans son corps et dans son coeur. Là où se trouve nié le droit fondamental de liberté religieuse, où de multiples restrictions sont imposées à la vie religieuse, Jésus est encore crucifié et abandonné dans nos frères et dans nos soeurs. Là où existe la corruption sociale et politique, la discrimination à l’égard des immigrés, des minorités, les conditions de travail humaines ; là où la terre est accaparée injustement , où les ressources naturelles disparaissent à cause de la destruction gratuite ; en un mot, selon un dicton populaire en Asie, là où ’les gros poissons mangent les petits poissons’, Jésus est crucifié et abandonné».
Déterminé, mais aussi très discret, Mgr Van Thuan raconte rarement l’histoire de la croix pectorale qu’il porte en permanence. De ses mains et en cachette il l’a fabriquée avec du bois de sa cellule, puis cachée dans un bloc de savon. Les deux pièces de la croix tiennent grâce à un fil électrique soigneusement noué acquis avec la complicité d’un gardien, qui craignait transmettre là l’arme d’un suicide. (apic/imed/mp)