Elle se présente dans une nouvelle édition révisée

La Bible de Jérusalem fête ses 50 ans

Paris, 25 mai 1998 (APIC) 50 ans après le lancement de sa première édition en fascicules, la «Bible de Jérusalem» paraît dans une nouvelle version révisée, tant pour la traduction de différents livres bibliques que pour leurs introductions et leurs notes. Mise en chantier en 1946 à l’initiative du Père Th.-G. Chifflot, dominicain et directeur des éditions du Cerf, la Bible traduite en français sous la direction de l’Ecole biblique de Jérusalem a d’abord paru en fascicules séparés.

L’édition des 73 livres bibliques en 43 fascicules, pourvus d’introductions et de notes abondantes, a été étalée de 1948 à 1954. On en a tiré en 1955 une première édition en un volume, avec des introductions et des notes abrégées. En 1965, un an après la mort du Père Chifflot, une première révision est mise en ouvre: les collaborateurs veillent à harmoniser le vocabulaire des divers traducteurs et à intégrer dans les introductions ou dans les notes de nouveaux acquis de l’exégèse et de la critique textuelle, de l’histoire et de l’archéologie. Cette édition révisée est publiée en 1973 sous l’appellation désormais officielle de «Bible de Jérusalem».

Les lecteurs non francophones ont également bénéficié de ce travail, puisque la BJ a été traduite en huit langues, de l’anglais au swahili.

La nouvelle édition révisée de 1998 a été coordonnée par un comité composé des Pères Jean-Michel de Tarragon (pour l’Ancien Testament) et Justin Taylor (pour le Nouveau Testament), de Dominique Barrios-Auscher (pour l’ensemble). Ce comité a fait appel à une dizaine de collaborateurs.

Le texte biblique

Une des options des traducteurs de la BJ est de coller d’assez près au texte original. La nouvelle révision a été, sur ce point, encore plus attentive à rendre autant que possible un même mot ou une même expression du texte original par le même équivalent français. Ainsi, on ne lira plus que Jésus, en bon pasteur, «donne» sa vie pour ses brebis, mais qu’il la «dépose» (Jn 10,11), comme il «dépose» ses vêtements lors de son repas d’adieu (Jn 13,4), car le «plus grand amour» consiste à «déposer sa vie pour ses amis» (Jn 15,13). Pareille traduction a l’avantage de restituer les harmonies du langage biblique, bien que les notes ne signalent pas toujours ces caractéristiques au lecteur non averti.

Pour les livres de l’Ancien Testament hérités de la bible hébraïque, la BJ avait tendance, par le passé, quand le texte hébreu paraissait mal conservé ou incompréhensible, à le corriger d’après une traduction ancienne, surtout d’après la version grecque dite des Septante. Dorénavant, elle privilégie systématiquement le texte hébreu reçu, tel qu’il a été établi aux VIIIe-IXe siècles de notre ère par les massorètes, experts juifs qui ont fixé la graphie par l’adjonction de signes indiquant les voyelles. Une entorse à ce choix reste toutefois inexpliquée: la BJ continue de vocaliser en «Yahvé» le tétragramme YHWH, qui désigne le Nom propre de Dieu, alors que la bible hébraïque, par respect, invite clairement à ne pas prononcer YHWH, mais à recourir à un autre vocable comme «Adonaï» (»le Seigneur»).

Une règle chère aux experts des manuscrits anciens veut qu’entre deux variantes d’un même passage, on privilégie la moins évidente, car la leçon la plus facile trahit souvent une correction de copiste. En bonne règle de critique textuelle, la BJ a aussi revu quelques-uns de ses choix antérieurs. Ainsi, lit-on en Mc 1,40 que Jésus est «en colère» devant la supplication d’un lépreux plutôt qu’»ému de compassion».

La fidélité scrupuleuse au texte original n’est pas pour autant un principe rigide. Ainsi a-t-on revu ce passage d’une lettre de Paul, traduit précédemment de manière équivoque et assez tendancieuse: «la femme doit avoir sur la tête un signe de sujétion». La traduction nouvelle se garde de prêter à Paul un réflexe antiféministe: «la femme doit se coiffer convenablement» (1 Co 11,10). Dans l’ensemble, la traduction du texte biblique, déjà reconnue comme excellente, n’a connu que des modifications de détail. Un changement notable pour l’Ecclésiastique est l’insertion dans le texte des additions (en italiques) apportées à la version grecque du livre, il y a un peu plus de 2000 ans. L’hymne au Christ, dans la lettre de Paul aux Philippiens (Ph 2,6-11), bénéficie aussi d’une traduction nouvelle.

L’Introduction et les notes

Pour l’Ancien Testament, un important travail de révision a porté sur les introductions et les notes des cinq premiers livres qui forment le «Pentateuque». Il y a 25 ans, la BJ croyait encore pouvoir défendre l’hypothèse selon laquelle la composition de ces livres aurait débuté par la fusion de documents indépendants. Elle avoue aujourd’hui son embarras: «il n’existe plus d’hypothèse générale communément admise». En attendant un nouveau consensus, la BJ invite le lecteur à considérer le texte biblique comme étant au moins le fruit d’»un travail de plusieurs générations et non pas celui d’un seul écrivain».

En dehors des passages de rédaction «deutéronomiste» ou «sacerdotale», la BJ détecte encore la présence d’un courant «yahviste» et d’un courant «élohiste». Mais elle renonce à parler de «rédactions» pour des «traditions» dont elle n’ose plus définir les contours qu’avec beaucoup de «peut-être». Ceci la pousse à reculer jusqu’au VIIIe siècle l’hypothèse d’une première «mise par écrit» de la tradition orale. Elle semble ainsi renouer avec l’hypothèse controversée d’une fusion de documents «indépendants», qu’elle préfère appeler «traditions fermes». Pour expliquer le maintien d’une tradition orale pendant au moins deux siècles avant le début de l’Ecriture, la BJ invoque une «fixation» de la tradition. A moins de considérer la bible comme un recueil de traditions figées, il sera difficile au lecteur de ne pas interpréter :

Quant au grand ensemble des livres des prophètes (400 pages), il n’a bénéficié d’aucune révision notable, ni dans la traduction, ni dans les notes, ni même dans l’introduction aux dix-huit livres concernés. Plusieurs passages de la première partie du livre d’Isaïe, par exemple, restent considérés comme oracles prononcés par Isaïe à son époque, même si des spécialistes ont plutôt confirmé dans le détail ce que la BJ elle-même écrivait, il y a 25 ans, dans sa présentation du prophète: «On conserva ses paroles et on y ajouta». Il en va de même pour plusieurs autres livres prophétiques: la BJ n’est guère portée à valoriser les relectures successives des oracles qui ont enrichi le texte biblique.

En ce qui concerne le Nouveau Testament, la BJ met aujourd’hui résolument en relief le rôle des évangélistes comme écrivains et comme théologiens, tant dans les introductions beaucoup plus étoffées que dans plusieurs notes qui ont été revues. Elle n’ose plus écrire que Marc aurait composé son évangile selon un plan «moins systématique», mais rend compte de la composition soignée de chaque évangile. Sans renoncer à l’hypothèse contestée d’un évangile primitif de Matthieu en araméen, elle ne tient plus pour négligeable l’hypothèse majoritaire des exégètes sur la composition des évangiles actuels de Matthieu et de Luc sur la base de l’évangile de Marc et d’une autre source. L’évangile de Jean bénéficie aussi d’une toute nouvelle présentation, où la BJ met à présent en doute l’identification qu’elle a longtemps défendue entre l’apôtre Jean et l’évangéliste.

Les lettres de Paul ont également bénéficié d’une ample révision, de même que la lettre aux Hébreux, dorénavant détachée des écrits pauliniens et structurée d’une manière neuve. Plusieurs notes des écrits du Nouveau Testament, en particulier pour la lettre de Paul aux Romains, ont été revues en fonction d’un souci nouveau: la BJ veille à ne jamais interpréter le texte biblique comme suggérant l’idée d’une «substitution» d’Israël par l’Eglise, idée d’ailleurs rejetée par le Concile Vatican II.

En appendice, le long tableau chronologique que la BJ seront reprises dans la plupart des formats prévus pour la version 1998 aux éditions du Cerf, tous gardant la pagination de l’édition standard. (apic/cip/pr)

19 avril 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 6  min.
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