Brésil: Une commune crée une milice armée contre les paysans sans terre

«Inconstitutionnel» affirme l’Ordre des avocats du Brésil

Sao Paulo, 13 avril 1998 (APIC) Glênio Lemos, maire de la ville de Santa do Livramento dans le sud-est de l’Etat de Rio Grande do Sul au Brésil croit être arrivé à ses fins. Il pense pouvoir créer une milice armée municipale contre les paysans sans terre. Une courte majorité de 11 voix contre 10 du législatif communal, a approuvé ce projet très controversé. L’Ordre des avocats du Brésil (OAB) dénonce cette décision «comme contraire à la Constitution fédérale».

Le projet de créer un département communal extraordinaire des questions foncières a suscité ces dernières semaines des débats passionnés dans la commune, principalement entre le maire et les membres des conseillers municipaux membres du Parti socialiste brésilien (PSB) et du Parti des travailleurs (PT) totalement opposés à cette initiative. Celle-ci a provoqué un climat de tension dans cette commune située sur la frontière du Brésil avec l’Uruguay. Des pamphlets accusant le maire de susciter la violence ont été distribués à la population et des affiches de protestation ont été apposées sur les murs des maisons.

Protection des grands propriétaires terriens

Le maire Lemos justifie son projet en disant qu’il est de son devoir de créer une milice armée pour protéger ostensiblement les grandes propriétés terriennes menacées d’éventuelles invasions du Mouvement des paysans sans terre (MST), après celles qui ont eu lieu dans les communes de Piratani, Santo Antônio das Missoes et de Joia en février dernier. Le maire prétend enfin qu’il «n’a plus confiance dans la Police militaire, totalement inefficace».

Comme responsable de la commune, Glênio Lemos contrôle un budget de 19 millions de réais (à peu près 18 millions de dollars) et il estime qu’il peut utiliser des ressources destinées au département de l’agriculture pour contracter et armer des fonctionnaires. Il assure que ce transfert d’argent ne va pas compromettre le budget municipal. Après avoir diffusé des appels par la radio de la ville, Glênio Lemos dit avoir reçu des volontaires prêts à entrer dans la milice pour empêcher des occupations de terre. Il déclare avoir reçu déjà huit réponses au téléphone de personnes qui sont prêtes à venir lui prêter mains forte sans demander de salaire. Voulant rassurer la population, il prétend que les candidats seront sélectionnés après un examen psychologique.

Le maire est appuyé dans son projet par les membre du Parti du Mouvement démocratique brésilien (PMDB), du Parti travailliste brésilien (PTB) – dont fait partie le maire – et du Parti progressiste brésilien (PPB).

«Décision contraire à la Constitution brésilienne»

Le coordinateur du MST dans l’Etat de Rio Grande do Sul, Dionilso Marcon, a dit publiquement son inquiétude devant ces préparatifs d’une milice armée au profit des grands propriétaires: «Un paysan sans terre, pourtant un citoyen comme les autres, va devenir la cible mortelle d’autres citoyens». De son côté, le ministre de la Justice et de la Sécurité de l’Etat, José Fernando Eichenberg, qui n’a pas été consulté par l’auteur du projet, a déclaré que la formation d’un groupe paramilitaire dans la commune de Santa do Livramento est «un geste inconstitutionnel. Je préfère rester du côté de la Sécurité officielle qu’avec les déclarations incendiaires du maire Lemos». Il a rappelé que les trois dernières occupations de terre se sont déroulées sans affrontements armés, contrairement à ce qui s’était passé dans l’Etat du Para, dans le nord du pays, où précisément des milices privées armées s’en étaient pris aux paysans du MST.

Des représentants de l’Ordre des avocats du Brésil, section de Rio Grande do Sul, ont aussitôt pris position en dénonçant la décision du maire et des politiciens qui le soutiennent. Le projet de loi, à leurs yeux, est également «inconstitutionnel» parce qu’on délègue à une commune la compétence de créer une force policière. Selon la Constitution fédérale, il s’agit d’une compétence exclusive de l’Etat fédéral et des Etats. Il est permis aux autorités de la commune de créer une garde municipale, mais qui est alors uniquement chargée de protéger les biens, les services et les installations de la mairie. «Nous désapprouvons formellement la formation d’une force militaire publique municipale avec la fonction de défendre le patrimoine des propriétaires de Santana do Livramento». L’avocat Marco Aurelio Pereira da Silva, un des conseillers de l’OAB, affirme également que «le projet est immoral parce qu’il ferait en sorte que toute la communauté participe financièrement à la protection d’intérêts particuliers». (apic/ppl/ba)

20 avril 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
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