Rédaction

Une nouvelle voix pour l’Amérique

Qui aurait parié un dollar sur un pape américain? Sur un pontife natif de Chicago? Et, surtout, maintenant?

Fabien Hünenberger, directeur de Cath-Info

Il y a quelques jours en effet, les dernières bravades de Donal Trump semblaient avoir rendu ce scénario totalement impossible. Élire un pape américain? Ce serait réaliser, par la mise en place d’un proxy, le vœu exprimé ironiquement par le président américain en diffusant une image de synthèse le représentant en pape. Trump, empereur et pontife, une conjonction inédite depuis le règne de Constantin au IVe siècle! Un cadeau en or pour un gouvernement Trump qui étend progressivement ses pouvoirs et en use sans scrupules avec toutes les nations. Le Vatican devenant, dans ce scénario, le 51e État des Etats-Unis et le pape son gouverneur. Vertige.

«Y a-t-il eu Un dessein à la fois spirituel et géopolitique derrière la nomination de Robert Francis Prevost?»

Puis les cardinaux électeurs sont apparus au balcon de la basilique Saint-Pierre, jeudi soir, après la première bénédiction adressée par Léon XIV à la foule. Des cardinaux souriants, décontractés. Avec la mine réjouie de ceux qui ont joué un bon tour et pas celle de cardinaux fatigués après des heures de négociation pour déterminer un plus petit dénominateur commun. Y aurait-t-il donc un plan qui a convaincu – et ce plutôt rapidement – une large majorité des cardinaux? Un dessein à la fois spirituel et géopolitique derrière la nomination de Robert Francis Prevost?

Dans la soirée, les médias ont dégagé les lignes de force de la biographie du nouveau pape. Et c’est là qu’est apparue une des facettes de cet évêque que l’on a peu entendu de notre côté de l’Atlantique. Notamment les publications sur les réseaux sociaux dans lesquels il commente et critique des décisions du gouvernement Trump. Certaines de ces publications remontent même au premier mandat de Donald Trump. Et on découvre, derrière l’homme discret qui s’est présenté jeudi à la foule d’une manière plus classique que son prédécesseur, en héritier d’une longue tradition plutôt qu’en réformateur franc-tireur, un évêque qui n’hésite pas à prendre la parole publiquement lorsque les droits des plus humbles sont menacés et leurs conditions de vie mise en danger.

«Comme le dirait Georges Brassens, les évêques et les archevêques nous font un satané chantier»

Les 400 tweets qu’il a publiés sur le réseau devenu X explicitent sa vision du monde. Il y parle de racisme après la mort en 2020 de l’Afro-américain George Floyd tué par un policier blanc et invite les autorités d’Église à élever la voix. Il dénonce l’invasion de l’Ukraine par la Russie. En 2017, il a décrit la politique anti-immigration de Donald Trump comme un «moment sombre de l’histoire des États-Unis» et déplore «l’abandon des valeurs américaines». Ses tweets montrent aussi l’attention que porte Robert Francis Prevost à l’utilisation de la religion en politique. «JD Vance a tort: Jésus ne nous demande pas de hiérarchiser l’amour que nous avons pour les autres», réagit-il lorsque le vice-président justifie la politique anti-immigration du gouvernement Trump par une référence à la doctrine catholique.

Comme le dirait Georges Brassens, les évêques et les archevêques nous font un satané chantier. Car il est vraisemblable que les relations entre Washington et le Vatican seront houleuses ses prochaines années. À l’heure où certains gouvernants rêvent de marier religion et politique pour justifier leurs actions, où la loi du plus fort prend le pas sur la recherche du bien commun, il n’est pas anodin qu’une voix teintée d’accent américain se fasse entendre à Rome pour rappeler un certain nombre de principes humanistes ancrés dans la tradition chrétienne. Des paroles et des gestes qui peuvent– si le nouveau pape trouve cette éloquence –lui permettre de se poser en ressources morales pour un monde qui traverse une période périlleuse, dans laquelle la paix est en danger. Une autre voix pour l’Amérique et pour le monde.

9 mai 2025

Léon XIV (Robert Francis Prevost) est né à Chicago en 1955 | © Vatican Media
9 mai 2025 | 14:18
par Rédaction
Temps de lecture : env. 3  min.
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