Prolifération des sectes au Cameroun – la population s’inquiète
Douala compte une cinquantaine de «nouvelles» Eglises
Douala, 26 décembre 1999 (APIC) Eglise du septième jour, Mission du plein évangile, Eglise mondiale de la foi vivante, Eglise de notre Saveur Jésus-Christ: on ne compte plus le nombre de sectes chrétiennes au Cameroun. Craintes millénaristes et difficultés économiques poussent les fidèles dans les bras des prêcheurs de tout poil.
Le phénomène des sectes n’est pas nouveau au Cameroun mais il a pris une ampleur grandissante depuis la dévaluation, en 1994 du franc CFA, la monnaie que le Cameroun avec une dizaine d’autres pays d’Afrique.
Dans la seule ville de Douala, la capitale économique du pays, on dénombre une cinquantaine de «nouvelles» Eglises. Le nombre de leurs fidèles ne cesse d’augmenter. A cause notamment de l’an 2’000 et du passage au troisième millénaire qui attise les inquiétudes des Camerounais.
Dans un pays où le christianisme est bien implanté et où la dévotion populaire est forte, beaucoup des sectes ont trouvé le filon. Elles vendent à leurs fidèles non seulement des Bibles, mais surtout des crucifix, des tee-shirts ou des autocollants portant des inscriptions telles que «Jesus est avec nous», «Jésus, c’est la vie, la lumière», «Jésus guérit», ou encore «Jésus reviendra».
Les fidèles ont besoin de sécurité
«Dans les églises traditionnelles, on a l’impression qu’on est loin de Dieu. Les gens se rendent de plus en plus compte qu’ils ont besoin d’autre chose», explique Lucie Tununda, l’une des sept pasteurs de la Mission de Dieu dont le siège est au Nigeria. «Les fidèles ont besoin d’une sécurité, d’une protection, de rencontrer un Dieu vivant.» Sa secte organise chaque dimanche des prières dans sa chapelle situé dans le quartier résidentiel et administratif de Bonajio à Douala. «Ici, dit-elle, on apprend à parler directement avec Dieu, on le sent, on voit sa puissance et ses miracles se manifestent en vous».
La secte de «Mala» (la mère de tout le monde en langue bamiléké) a son siège dans un quartier populaire du nord de Douala. Cette femme est célèbre dans la ville. De nombreuses personnes de l’intérieur du pays viennent pour la voir et pour prier avec elle. Assise sur un tabouret, devant un micro, elle fait ses prêches, soigne gratuitement les malades au nom du Christ, exorcise ou bénit le ventre des femmes. Elle affirme parler au nom de Jésus.
Au Cameroun, malgré leur prédominance, l’islam et le christianisme n’ont pas réussi à effacer les croyances ancestrales. Mais les nouvelles sectes chrétiennes rejettent toute forme d’animisme. Les pratiquants des religions ancestrales reprochent aux sectes d’être agressives et de détourner les populations de leurs croyances ancestrales.
Face à l’ampleur du phénomène, l’Eglise officielle locale hésite à prononcer une condamnation globale et cherche à s’adapter. «L’Eglise doit même en tirer des leçons pour mieux lutter contre le phénomène», déclare l’archevêque de Douala, le cardinal Christian Toumi. Tout en dénonçant «le fanatisme et le non respect de l’autre» par les nouvelles religions, il souligne qu’il ne rejette pas toutes leurs actions en bloc. Il cite en exemple la solidarité entre les fidèles. Selon le prélat, «ils s’aiment entre eux et font des sacrifices les uns pour les autres». (apic/ibc/mp)