Attentat dans une église en Syrie: de lourdes répercussions pour les chrétiens
L’attentat commis le 22 juin 2025 dans l’église grecque-orthodoxe de Mar Elias de Damas ravive la peur des chrétiens du pays. Plusieurs responsables religieux, dont le patriarche grec-orthodoxe d’Antioche Youhanna X et le pape Léon XIV, ont dit leur indignation et leurs craintes. Le cardinal Claudio Gugerotti a même évoqué le spectre d’une nouvelle guerre mondiale…
Un «massacre inacceptable», «ignoble», «horrible», qui risque de déstabiliser le pays et de conduire encore plus les chrétiens à opter pour la voie de l’exil. Un attentat qui demande une réponse claire du gouvernement syrien et un engagement plus intense de la communauté internationale en faveur de la pacification du pays. C’est ce qu’ont demandé, de différentes manières, ces hauts responsables de communautés chrétiennes.
Il ne faut pas «détourner le regard» de ce pays: Léon XIV
Lors des funérailles de neuf des victimes, organisées mardi 24 juin dans l’église de la Sainte-Croix à Damas, le patriarche grec-orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient, Youhanna X, a fustigé un «massacre inacceptable» et critiqué les autorités, les appelant à «assumer leurs responsabilités», rapporte l’AFP. «Nous n’acceptons pas que cela se produise à l’époque de la révolution et sous votre autorité», a-t-il ajouté en s’adressant au président Ahmad al-Charaa. «Hier, vous avez présenté vos condoléances par téléphone au vicaire patriarcal. Cela ne suffit pas.»
De son côté, lors de son audience générale du 25 juin, le pape Léon XIV a condamné l’«ignoble attentat» perpétré contre la communauté grecque-orthodoxe, rapporte IMEDIA. Il a aussi incité la communauté internationale à continuer à accompagner la Syrie vers la pacification, à ne pas «détourner le regard» de ce pays. Il a enfin témoigné de sa proximité avec tous les chrétiens du Moyen-Orient.
Décuplement probable de l’exode des chrétiens
Dimanche, «tous les chrétiens de Syrie et même de la région ont été touchés», a déclaré pour sa part le cardinal Claudio Gugerotti, préfet du dicastère pour les Églises orientales, qui a lui aussi exprimé la proximité de l’Église catholique avec les fidèles grecs-orthodoxes.
Interrogé par les médias du Vatican, il a lancé: «Ce qui s’est passé est horrible, mais comment pouvons-nous être surpris que, dans un contexte international comme celui que nous connaissons actuellement, de telles tragédies se produisent?»
Le cardinal Gugerotti a dit aussi craindre l’avenir et un nouvel exode des chrétiens de la région, rapporte Vatican News. «Nous ne pouvons pas imaginer ce qui pourrait se passer les jours prochains. Nous savons encore peu de choses, mais la seule chose sûre est qu’un tel massacre de chrétiens signifie un décuplement de l’exode des chrétiens des pays du Proche-Orient».

Estimant que la situation des chrétiens au Proche-Orient «est insensée», il a qualifié de héros ceux qui persévèrent et restent dans leur pays. «Ils le font parce qu’ils espèrent encore qu’il peut y avoir une compréhension, que le «modèle libanais» peut encore être exporté», a-t-il souligné.
Quand un diplomate du Saint-Siège parle de guerre de religion
Il a ensuite interpelé les gouvernants occidentaux en des termes très alarmistes, n’hésitant pas à brandir la menace d’un conflit mondial, «avec des composantes de guerre de religion» et de guerre entre l’Occident et l’Orient. «Il ne s’agit pas d’un problème de foi chrétienne en tant que dogme, a-t-il dit, mais de tout ce qu’implique l’appartenance à la sphère de l’Occident. Qu’elle soit pratiquante ou totalement athée, elle reste majoritairement de tradition chrétienne. Ainsi, ce qui se passe dans un lieu circonscrit, certains aimeraient en fait pouvoir le déclencher à une échelle mondiale.»
Ces propos tenus par un diplomate aguerri du Saint-Siège, réputé pour savoir manœuvrer dans des situations délicates et dans des zones où les chrétiens sont ultra-minoritaires, sonnent de façon particulièrement alarmante. Claudio Gugerotti a été nommé apostolique pour la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan, puis en Biélorussie sous la présidence autoritaire d’Alexandre Loukachenko, puis en Ukraine dans le contexte de la guerre du Donbass. Il a pris la tête du dicastère pour les Églises orientales en 2022, avant d’être nommé cardinal-diacre. (cath.ch/imedia/vn/lb)
Un groupuscule extrémiste sunnite revendique l’attentat
Alors que plus de 300 personnes se trouvaient pour la messe dans cette église de la capitale syrienne, un homme armé est entré, a ouvert le feu sur l’assemblée, faisant au moins 25 morts et une soixantaine de blessés.
L’attaque suicide meurtrière a aussitôt été condamnée dimanche par le nouveau gouvernement syrien, qui l’a imputé à l’EI et annoncé dès le lendemain plusieurs arrestations de membres de cellules affiliées au groupe. L’attentat a cependant été revendiqué le 25 juin par Saraya Ansar al-Sunna, un groupuscule extrémiste sunnite peu connu, dans un communiqué diffusé sur Telegram. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, ce groupe serait responsable des massacres commis en mars, qui auraient fait quelque 1700 morts, en majorité des civils alaouites. LB