Beat Grögli est le nouvel évêque de St-Gall | © Jacqueline Straub Kath.ch
Suisse

Beat Grögli: «Ce que promet l'évêque lors de son ordination est impressionnant»

Lorsque Beat Grögli a annoncé à sa mère qu’il souhaitait devenir prêtre, elle s’est montrée «très, très critique». Le 5 juillet 2025, il sera ordonné évêque de Saint-Gall. Dans une grande interview à kath.ch, il révèle quelques pans de son histoire personnelle et de sa vision du rôle de l’évêque.

Jacqueline Straub, kath.ch / traduction adaptation Maurice Page

Beat Grögli, comment vous décririez-vous en trois mots?
Je sais bien écouter, je m’intéresse à beaucoup de choses et je suis une personne optimiste et positive.

Comment décririez-vous votre spiritualité?
La spiritualité des jésuites m’a fortement influencé. J’apprécie le fait que la spiritualité d’Ignace de Loyola ait un centre – Jésus-Christ – et qu’elle soit donc ouverte à tout et à tous, sans aucune appréhension. Mais j’ai d’autres saints préférés:  Benoît, François et frère Nicolas.

Beat Grögli (54 ans) a grandi à Wil et a étudié la théologie à Fribourg (Suisse), Vienne et Innsbruck. De 2003 à 2006, il a suivi une formation complémentaire en psychologie à la Grégorienne à Rome. Depuis 2013, il est curé de la cathédrale et membre de la direction du diocèse. Elu par le chapitre cathédral le 20 mai 2025, Beat Grögli sera ordonné douzième évêque de Saint-Gall le 5 juillet 2025.

Vous êtes originaire de la paroisse de Wil, dans le diocèse de Saint-Gall. Vous êtes donc un enfant de chœur classique.
Pas tout à fait, car je n’ai jamais été enfant de chœur dans ma paroisse. Je n’ai commencé à servir la messe qu’à l’âge de 16 ans, lorsque je suis entré à l’internat.

Quand avez-vous su que vous vouliez devenir prêtre?
Il y a eu un élément déclencheur, un sermon de mon curé. J’avais alors environ 14 ans. J’ai mis un certain temps avant d’en parler. J’ai d’abord dit à mes parents que je voulais aller au lycée, car je savais avoir besoin du baccalauréat pour devenir prêtre. J’en ai d’abord parlé à un ami et aux Pères de l’internat. Je ne l’ai dit à mes parents que plus tard, quand j’avais 18 ou 19 ans.

Comment vos parents ont-ils réagi?
Ma mère était très, très critique. Mon père était quelqu’un de calme. Mais je suis sûr qu’il était content. Après la cérémonie d’admissio, qui est en quelque sorte la cérémonie de fiançailles pour la prêtrise, ma mère m’a dit: «Je vois que tu es vraiment sérieux. Tu peux être sûr que nous te soutiendrons toujours.» J’ai trouvé cela formidable. Depuis, il y a eu des moments difficiles, c’est certain. Mais je n’ai jamais douté de ma décision.

Vous avez parlé tout à l’heure d’Ignace de Loyola. Chez lui, le discernement des esprits occupe une place centrale. Avez-vous longtemps prié et réfléchi pour savoir si vous deviez devenir évêque?
Bien sûr. Je savais que j’étais sur la liste – on m’avait demandé au préalable si je pouvais l’envisager. Lorsque j’ai été élu par le chapitre de la cathédrale, il a été clair pour moi que j’accepterais cette fonction. Mon premier sentiment a été la joie. L’évêque Markus Büchel est venu dans la sacristie, où l’élection avait eu lieu, et m’a demandé si j’acceptais cette fonction. Mon «oui» l’a beaucoup touché. Ce fut un moment très fort.

«Proclamer l’Évangile, transmettre la foi, édifier l’Église dans l’unité et l’obéissance au pape.»

Qu’est-ce qu’un bon évêque?
Je reviens tout juste de quelques jours de retraite et j’ai emporté avec moi les textes de la liturgie de consécration. Ce que l’évêque promet lors de son ordination est impressionnant: servir la fonction – et ne pas se servir de la fonction –, proclamer l’Évangile, transmettre la foi, édifier l’Église dans l’unité et l’obéissance au pape, prendre soin du peuple de Dieu, être bon et miséricordieux envers les pauvres, aller à la rencontre de ceux qui se sont égarés, prier pour tous les hommes et mener une vie irréprochable.

Le nouvel évêque de St-Gall, Beat Grögli, présente sa crosse épiscopale | © Jacqueline Straub / Kath.ch

Où voyez-vous le plus grand besoin d’action dans l’Église?
Comment créer des lieux de foi forts malgré des ressources humaines et des infrastructures réduites. Je compte sur les différents conseils du diocèse pour trouver de bonnes solutions. Je ne vais rien imposer d’en haut, cela se fera dans le dialogue avec les pasteurs et les conseil concernés.

«A l’avenir, il devrait y avoir plus de femmes à des postes clés.»

La question du sacerdoce des femmes est assez débattue dans l’Église comment vous situez vous?
Je trouve que les arguments théologiques contre le sacerdoce des femmes sont faibles. Et sur le plan social, beaucoup ne comprennent plus pourquoi on continue à refuser l’accès à la prêtrise aux femmes. En tant qu’homme d’Église, je vois cependant que la question est un peu plus complexe. L’idée que des femmes exercent le sacerdoce – si Rome le permet – ne m’effraie pas.
Pour moi, la promotion des femmes commence bien plus tôt. Il s’agit par exemple de faire en sorte que les aumônières se sentent appréciées et encouragées, mais aussi qu’elles puissent évoluer et assumer davantage de responsabilités. J’ai eu des femmes fortes dans l’équipe de la cathédrale. Elles m’ont stimulé dans le bon sens du terme. A l’avenir, il devrait y avoir plus de femmes à des postes clés.

Autre point débattu, le célibat obligatoire pour les prêtres.
Je considère le célibat comme un signe du royaume des cieux. Je pense qu’il a encore une force aujourd’hui. Il a inspiré ma vocation de prêtre. Mais à mon avis, le lien obligatoire entre le sacerdoce et le célibat peut être modifié.

Avez-vous déjà béni des couples homosexuels?
Chaque dimanche, des personnes homosexuelles assistent à la messe dans la cathédrale; je les apprécie et je pense qu’elles m’apprécient. Cependant, cela n’a jamais donné lieu à une demande de cérémonie de bénédiction.

«Une liturgie bâclée m’énerve. Par exemple, lorsque les mots sont récités machinalement.»

Qu’est-ce qui est important pour vous dans la liturgie afin qu’elle touche et interpelle les gens?
Qu’elle soit célébrée de manière belle et soignée. Une liturgie bâclée m’énerve. Par exemple, lorsque les mots sont récités machinalement. Lorsque je fais des mots et des signes de la liturgie «ma chanson», ils ont un effet et touchent les gens. La liturgie m’a beaucoup plu dès mon enfance et mon adolescence, car j’y trouvais quelque chose de divin.

La cathédrale de St-Gall | © Maurice Page

Que voulez-vous dire par là?
La liturgie n’est pas simplement faite par les personnes qui participent au service religieux. C’est quelque chose qui nous vient de Dieu. Cela me touche beaucoup. Je crois que la liturgie peut être salutaire pour notre société. La liturgie est un cadeau. J’ai également accès à la liturgie de l’Église orientale. Je n’y comprends certes pas un mot, à part «Amen» et «Alléluia», mais cela vous transporte dans une autre dimension.

«La messe traditionnelle est souvent associée à certaines idées théologiques, visions du monde et opinions politiques qui ne sont pas les miennes.»

Dans le diocèse de Saint-Gall, il y a des gens qui aiment célébrer la messe tridentine traditionnelle – ils y ressentent également cette profondeur dans la foi que vous venez d’évoquer. Quelle est votre position vis-à-vis de la Fraternité Saint-Pierre et de la Fraternité Saint-Pie X?
La messe traditionnelle est souvent associée à certaines idées théologiques, visions du monde et opinions politiques qui ne sont pas les miennes. Ce qui est difficile avec ces groupes, c’est qu’ils se sont séparés de la grande communauté. La liturgie qu’ils célèbrent n’évolue pas. Ils se coupent ainsi du développement de l’Église en tant que communauté.

Comme les autres diocèses de Suisse, Saint-Gall a été marqué par la problématique des abus. Comment abordez-vous la question des abus, de la sensibilisation et de la prévention dans votre diocèse?
En matière de sensibilisation et de prévention, le diocèse de Saint-Gall est depuis longtemps bien engagé. Nous devons continuer à travailler dans ce sens.

Vos prédécesseurs, Ivo Fürer et Markus Büchel, ont été accusés de ne pas avoir agi de manière adéquate dans l’enquête sur les abus. Comment avez-vous vécu cela?
Au début, j’ai été déçu. Il était important pour moi de pouvoir en parler avec l’évêque Markus Büchel. Il y a eu un véritable déluge médiatique, mais après plusieurs entretiens, je peux mieux comprendre son comportement personnel. Le danger est grand de juger et de condamner rétrospectivement quelque chose selon les critères et les normes actuels. Peut-être que dans 30 ans, on dira de moi que j’ai complètement échoué sur certains points, parce qu’on regardera le passé sous un autre angle. Bien sûr, je ferai aussi des erreurs. (cath.ch/kath.ch/mp)

Beat peut se montrer très tenace
Vreni Ammann, responsable de la paroisse de Rotmonten (SG) est une compagne de route de longue date du nouvel évêque de Saint-Gall, Beat Grögli. Elle apprécie beaucoup sa disposition au dialogue.»Beat sait très bien aborder les personnes les plus diverses, avec respect, ouverture d’esprit et clarté. Dans les discussions, il peut aussi se montrer très tenace, sans être têtu. Il cherche plutôt à aller au fond des questions, des opinions et des solutions. Cela incite son interlocuteur à présenter des arguments solides et réfléchis.», a-t-elle expliqué à kath.ch.
«D’après mon expérience au fil des ans et mon travail dans divers projets communs, lorsqu’il prend une décision, celle-ci est fondée et les accords sont tenus. Cela a renforcé la confiance mutuelle. Et Beat a le sens de l’humour,»conclut-elle. JS

Beat Grögli est le nouvel évêque de St-Gall | © Jacqueline Straub Kath.ch
2 juillet 2025 | 17:00
par Rédaction
Temps de lecture : env. 7  min.
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