Pie XII fait encore recette
Huit mille francs pour une paire de pantoufles, 600.- francs pour un mouchoir, 800.- francs pour une chemise de nuit, ces objets ayant appartenu au pape Pie XII se sont arrachés bien au-dessus de leur prix estimé lors d’une vente aux enchères de la Galerie Moenius à Berne, le 28 juin 2025. Les ‘reliques’ des papes ou des personnages célèbres ont toujours la cote!
Si Pie XII (1939-1958) était un saint, les objets vendus à Berne auraient le rang des reliques de 2e classe. Selon les normes de l’Eglise, elles seraient donc interdites à la vente. Eugenio Pacelli n’étant pour l’heure que vénérable, les objets lui ayant appartenu ne sont pas frappés par une restriction de leur commerce. En organisant une vente d’objets religieux autour de la personnalité du pape Pie XII, la Galerie Moenius a flairé le bon filon. A l’issue de la vente du 28 juin presque tous les objets avaient trouvé preneurs à des prix généralement bien supérieurs à leur estimation de base.

Posséder une chemise de nuit ou le mouchoir d’un pape permet en quelque sorte d’entrer dans sa chambre à coucher, dans son intimité. La chose est symboliquement forte, a fortiori pour un pape comme Pie XII, vénéré comme le vicaire du Christ et dont les apparitions et la parole étaient toujours soigneusement mises en scène. Transmis pour la plupart par la ›vestale du temple’, Soeur Pascalina Lenhert, ces objets du quotidien acquièrent une aura sacrée.
Pantoufles en cuir de veau doublées de soie rose
Le lot 48, les chaussures du cardinal Eugenio Pacelli, ont été le clou de la vente. Elles sont parties pour 8’000 francs avec un prix de départ de 800 francs. Il faut dire qu’on est assez loin des brodequins noirs du pape François. Les pantoufles en cuir de veau sont doublées de soie rose à l’intérieur et recouvertes de soie brocart dorée à l’extérieur. Elles sont ornées d’une fine bordure en argent et or sur les bords. Les armoiries Pacelli avec la colombe blanche et le rameau d’olivier sont brodées sur le cou-de-pied. Autour du blason, on trouve la croix de Saint-Jean et le chapeau rouge des cardinaux avec ses traditionnels pompons.
Selon la maison de vente, ces chaussures d’apparat vraisemblablement peu portées car en très bon état, proviennent de Mère Pascalina Lehnert qui fut de 1917 à 1958 la secrétaire et l’aide-soignante d’Eugenio Pacelli d’abord comme nonce en Bavière puis comme pape. Elle est souvent considérée comme son éminence grise s’attirant bien des inimitiés au sein de la curie.
Hérités de Mère Pascalina
Objets beaucoup plus simples et prosaïques, se trouvaient aussi dans le lot deux chemises de nuit en coton écru, sans marque pontificale mis à part un monogramme EP (pour Eugenio Pacelli) bien pratique pour la lessive. Prix de vente: 650 et 800 francs.

La robe de chambre assortie en coton ›usagée avec quelques trous’ a vu son prix estimé à 200 francs au départ, monter jusqu’à 2’800 francs. Un mouchoir en coton avec les armes pontificales a été vendu pour 600 francs.
1’800 francs ont été déboursés pour une mozette blanche, la cape courte qui couvre les épaules des papes, en laine doublée de soie (avec quelques trous), toujours en provenance de Mère Pascalina. En apparence, la religieuse, connue pour sa débrouillardise, avait réussi à ›sauver’ quelques affaires lors de son expulsion brutale du Vatican après la mort de Pie XII en 1958.
Restaient encore un manteau de baptême et un coussin, probablement d’Eugenio Pacelli en soie avec dentelle au fuseau, brodé, partiellement endommagé. Ils sont partis pour 2’400 francs.
La vente comprenait aussi toutes une série d’écrits d’Eugenio Pacelli dont plusieurs collections de ses cahiers d’écolier. Là aussi banco pour les vendeurs, avec des lots de 2’000 à 3’000 francs. Une série de photos de Pie XII ont également trouvé preneurs, mais pour des sommes beaucoup plus modestes de 30 à 50 francs.
Seuls quelques objets sont restés en rade comme une collection d’images pieuses ou un portrait en bas-relief de Pie XII.
A noter que le pape Benoît XVI s’était également invité dans cette vente avec une calotte dont l’authenticité certifiée par écrit par son secrétaire personnel Mgr Georg Gänswein a permis d’atteindre une enchère de 3800 francs. (cath.ch/mp)
Les reliques, un phénomène universel et éternel
Saintes ou pas les reliques des grands hommes ont un attrait étonnant dans toutes les religions et civilisations. Issu du verbe latin relinquere (laisser derrière soi) le terme explique bien ce désir, semble-t-il assez universel, de préserver le lien avec une personne disparue. A la mort de Bouddha, plusieurs clans se disputèrent la récupération de reliques échappées du bûcher funéraire. En 1963, la disparition d’un poil de la barbe de Mahomet au sanctuaire de Srinagar, plongea le Cachemire dans le chaos. Le corps embaumé de Lénine à Moscou, est toujours vénéré, plus de cent ans après sa mort, de même que celui de Mao à Pékin. En 2022, la Belgique a rendu à la République Démocratique du Congo une dent de Patrice Lumumba, indépendantiste congolais, assassiné en 1961 par des mercenaires belges, et dont le corps avait été dissous dans de l’acide.

«Les reliques, qu’on les vénère ou qu’on en condamne le culte, témoignent à la fois du besoin de mémoire de l’humanité, et de l’attachement indispensable et rassurant à des objets sacralisés, la forme la plus sainte du fétichisme, voire de la magie, écrit Françoise Biotti-Mache . L’homme perdu dans l’univers, incertain de son devenir, a besoin de se rassurer, de croire que quelques morts d’exception, meilleurs que lui, peuvent le protéger, l’aider face aux inconnues de son destin et intercéder auprès de Dieu pour son salut. Il lui faut conjurer ses peurs et quoi de plus réconfortant que la matérialité d’un objet, que l’on peut contempler et toucher.» MP
Classification des reliques
L’Église catholique reconnaît trois classes de reliques:
Les reliques de première classe sont les restes mortels terrestres des saints, elles sont sacrées. Ces restes peuvent être n’importe quelle partie du corps, qu’il s’agisse d’os, de chair (peau ou organes), et même de cheveux. Les objets directement associés aux événements de la vie du Christ (crèche, croix, etc.) sont aussi considérés comme reliques de première classe.
Une relique de deuxième classe est un objet ayant appartenu ou ayant été utilisés par un saint au cours de sa vie. Il peut s’agir de vêtements, de bijoux, de bibles ou livres de prières et d’autres objets du quotidien comme des instruments d’écriture.
Une relique de troisième classe est tout objet, nouveau ou ancien, qui a été en contact avec les restes d’un saint, ou qui a touché sa tombe ou son reliquaire. On les appelle aussi reliques de contact.
Dans l’Eglise catholique, le commerce de reliques de première et de deuxième classe est prohibé. Mais, avec l’autorisation du Siège apostolique, elles peuvent faire l’objet de transfert, d’échange ou de don. Les reliques de troisième classe peuvent être vendues, mais leur valeur est très limitée. MP