La Maigrauge a accueilli dans la joie et la lumière sa nouvelle Abbesse
En ce lumineux après-midi d’été, les rais du soleil traversent les vitraux et les fumées d’encens qui s’élèvent dans l’église de l’Abbaye de la Maigrauge. De majestueux chants grégoriens emplissent l’espace.
Tout est réuni, en ce 11 juillet 2025, pour marquer la solennité d’un événement phare dans la vie d’un monastère. Dans l’Abbaye de la Maigrauge, sur les bords de la Sarine, Sœur Marie-Agnès Berger reçoit la bénédiction qui la confirme dans son statut de nouvelle Abbesse.
Alors que fidèles et religieuses se recueillent dans la nef, le clergé et les religieux, comme le veut la tradition, sont réunis dans le chœur. On peut apercevoir dans le groupe quelques visages d’évêques, comme ceux de Mgr Charles Morerod, de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF), Mgr Jean-Marie Lovey, de Sion, ainsi que Mgr Bernard-Nicolas Aubertin, ancien archevêque de Tours, qui appartient à l’ordre cistercien, comme les religieuses de la Maigrauge. De hauts représentants de la congrégation sont aussi présents, tels que Marc de Pothuau, Abbé d’Hauterive (FR), et le Tessinois Mauro Lepori, Abbé général des cisterciens.

L’Abbaye de la Maigrauge, où vivent encore une dizaine de religieuses, est un des rares exemples de lieux en Europe où la prière a été ininterrompue depuis plus de sept siècles. Une présence durement enracinée de contemplation et de service qui représente «un symbole fort», non seulement pour l’Église, mais aussi pour la population locale, souligne la conseillère d’État fribourgeoise Sylvie Bonvin-Sansonnens dans son allocution.
Un renoncement qui n’en est pas un
La célébration est émaillée de nombreux chants, surtout grégoriens, offerts par une chorale d’une dizaine de religieuses sous la direction de Marie Mottet. Bien que les discours se centrent sur les thèmes du renouvellement et de la joie, ils n’occultent pas les défis et enjeux inhérents à la vie consacrée. Mauro Lepori, qui préside la célébration, s’appuie ainsi sur l’épisode du jeune homme riche, dans l’Évangile de Matthieu, pour en tirer quelques leçons. Il rappelle que le jeune homme, ne répondant pas à l’appel de Jésus de tout quitter, constitue un exemple de vocation manquée.

Pour l’Abbé des cisterciens, l’apôtre Pierre, qui a laissé sa famille, son métier et son foyer pour suivre le Christ, est au contraire le modèle du «renoncement total». Mais un renoncement qui n’en est en fait pas un puisque «toute notre vie est un don reçu de Dieu, qui s’accomplit dans le don offert», et dans une perspective d’éternité. Une abbesse est ainsi appelée à «vivre le don de sa vie au service de la vie des sœurs qui lui sont confiées».
Mauro Lepori met toutefois en garde contre «ce qui peut nous empêcher de tout donner». Il faut savoir se dégager de ce qui nous «alourdit» sur le chemin vers le Seigneur. Ce qui peut vouloir dire «quitter le désir de tout faire au mieux».
L’Abbé général met en avant quelques principes fondamentaux de la Règle de saint Benoît, sur laquelle se base la vie cistercienne. «Il faut avoir conscience que suivre le Christ est le chemin de toute une vie, et que cela ne se passe pas tout de suite, mais dans une démarche de communion, jusqu’au don total.»
La joie, un critère de discernement
En fin de célébration, la remise par Mauro Lepori à Sœur Marie-Agnès de la Règle de saint Benoît, de l’anneau et de la crosse abbatiales est accompagnée d’une grande émotion. La nouvelle abbesse s’exprime ensuite, après d’autres personnalités politiques et ecclésiales, sur sa nouvelle mission. La native de Paris rappelle son itinéraire, notamment sa longue période passée à l’Abbaye Notre-Dame du Pré de Valmont, sur les bords de la Manche.
Elle est arrivée à la Maigrauge suite à la fermeture du monastère, en 2020. «Ma vocation a retrouvé le goût de vivre grâce à mes chères sœurs», assure-t-elle, relevant la pertinence de la devise de l’abbaye fribourgeoise Dominus Providebit (Le Seigneur pourvoit). Sœur Marie-Agnès affirme sa volonté d’accompagner la vie de l’institution également à travers sa devise personnelle «Paix et joie dans l’Esprit saint». «Pour saint Benoît, la joie est un critère de discernement», rappelle la nouvelle Abbesse. (cath.ch/rz)
Trois questions à Sœur Marie-Agnès Berger
Comment avez-vous vécu cette bénédiction abbatiale?
Dans ces cas-là, on a l’impression que la liturgie ouvre une porte, et que le Ciel et la Terre s’unissent pour la plus grande gloire de Dieu. C’est tellement intense que cela en devient presque palpable. Aussi grâce au grand nombre de frères et sœurs réunis. C’était magnifique aujourd’hui de voir les prêtres, les évêques, les religieux, les baptisés, tout le peuple de Dieu chanter Sa gloire.
Il y avait une forte émotion, beaucoup de joie et de paix à voir tant de monde. Mais je me rends compte que ce n’est que le début du chemin.
Quels sont les principaux défis que vous vous attendez à affronter?
Bien sûr, notre communauté est fragile parce que vieillissante, comme beaucoup d’autres. Mais Sœur Marianne (la précédente Abbesse, ndlr) la laisse unie et vibrante, avec beaucoup d’amour qui circule. Donc mon principal défi sera de maintenir cet esprit, ce lien et de les renforcer encore, si possible.
En allant chercher notamment davantage de ressources de l’étranger, des pays du Sud?
Nous sommes déjà une communauté pluriculturelle, avec quatre nationalités. Nous n’avons pas pour l’instant de projets pour renforcer la communauté de cette manière-là, mais nous nous fierons aux voix et aux voies du Seigneur, qui sont très nombreuses et diverses. RZ