Montpreveyres: le gîte El Jire s’agrandit
A la croisée du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, du sentier des Huguenots et du chemin de Jérusalem et à proximité de la Via Francigena, le gîte El Jire, «Dieu pourvoira» en hébreu, sur la commune de Montpreveyres, entre Moudon et Lausanne, va doubler sa capacité d’accueil. Les travaux commencent cet été grâce à des subventions substantielles de l’État de Vaud et de différents donateurs.
Geneviève de Simone-Cornet pour cath.ch
«Je me réjouis de boire l’apéro ici l’an prochain!» Nous sommes dans les combles de la cure de Montpreveyres, sur les hauts de Lausanne, avec Bertrand Quartier, diacre réformé dans la paroisse du Jorat. Là verra le jour, au printemps 2026, un gîte avec huit lits, un vestiaire, deux douches et deux toilettes; plus bas, à l’étage, une cuisine, un réfectoire, une salle commune, un local de stockage, deux lits avec sanitaires pour les bénévoles et une buanderie. Une capacité d’accueil doublée pour offrir aux hôtes – marcheurs et pèlerins – un lieu plus confortable qu’aujourd’hui.
Accueil matériel et spirituel
Car à ce jour, le gîte El Jire ne dispose que de quatre lits avec une douche et une toilette au rez-de-chaussée de la cure. Deux seront d’ailleurs occupés cette nuit par Madeleine et Gaëlle. Elles ont été reçues par Nicole, l’une des quinze bénévoles chargés de l’accueil, de la lessive, du nettoyage des lieux et du ravitaillement – thé, café, sachets de soupe, pain, beurre, confiture et lait sont mis à disposition des hôtes, qui ne peuvent pas cuisiner sur place. Le nouveau gîte, lui, offrira en plus le souper, et l’essentiel des produits cuisinés proviendra des exploitations et des commerces locaux. Ici, les marcheurs laissent ce qu’ils veulent pour leur hébergement, selon le principe du donativo. «La moyenne est de 30 francs», précise Bertrand Quartier.

Et, particularité du lieu, chacun reçoit, à son arrivée, une pièce de cinq francs suisses, «car sur sa tranche figure l’inscription en latin ‘Dominus providebit’, ‘Dieu pourvoira’, le nom donné au gîte». Une promesse reçue il y a des années par Denise Jaquemet, alors collaboratrice au DM, le Département missionnaire des Églises protestantes de Suisse romande. Elle est à l’origine avec Bertrand Quartier, en 2018, de l’Association du gîte El Jire, qui porte le projet d’agrandissement. L’association s’est donné pour mission de recevoir pèlerins et marcheurs et de leur offrir le gîte et le couvert; de leur proposer, ainsi qu’aux habitants de la commune, un accueil spirituel, l’office des pèlerins (voir encadré 1). Ceci pour «favoriser la fraternité par les échanges entre les hôtes du gîte, les communautés chrétiennes et les habitants de la région».
Ouverture au printemps 2026
Pour l’heure, à l’étage et dans les combles, situés au-dessus de la salle du Tilleul – l’été, un tilleul plusieurs fois centenaire prodigue en effet son ombre aux hôtes et aux résidents –, quelques sacs de ciment et un tuyau en plastique posés sur le sol indiquent les travaux à venir. Et, autour du bâtiment, des barrières délimitent le chantier. «Les travaux commenceront ce mois-ci. L’ouverture du nouveau gîte est prévue au printemps prochain», précise le diacre qui nous montre l’emplacement des différents espaces: «Ici en haut, au sommet de l’escalier, ce sera la salle commune, plus loin les sanitaires, au fond le dortoir avec quatre lits de chaque côté; plus bas, les chambres et les sanitaires pour les bénévoles». Bertrand Quartier, qui réside dans la cure avec sa femme et ses deux enfants – la famille occupe l’autre moitié du bâtiment –, ne cache pas son enthousiasme.

Un brin rêveur, peut-être? «Le rêve est devenu réalité depuis l’obtention, en mai dernier, de deux subventions importantes: une somme de 351’000 francs de l’État de Vaud par son Fonds d’utilité publique et un prêt sans intérêt de 200’000 francs de la Fondation pour les constructions paroissiales protestantes. Bien sûr, il reste un peu plus de 200’000 francs à trouver sur un budget d’1,2 million de francs. Mais 83% du financement est atteint, ce qui nous permet de commencer les travaux.»
La récolte de fonds se poursuit, avec des démarches auprès de donateurs individuels, de personnalités politiques, économiques, artistiques et locales, de collectivités et d’institutions publiques – associations, Églises, canton, communes et fondations. L’Association du gîte El Jire est confiante: elle peut compter sur un réseau solide et… sur l’aide de Dieu.
Ossature en bois local
Des travaux d’envergure? «Pas tant que cela, reprend notre interlocuteur. Nous ne pouvons pas toucher aux combles, car ce bâtiment du 16e siècle, propriété de l’État de Vaud, est classé en note 1 aux monuments historiques (voir encadré 2). Nous insérerons ainsi, sous la charpente et la toiture, une ossature en bois dans laquelle prendront place les différents espaces du nouveau gîte afin de respecter les contraintes de conservation des monuments historiques.»
«Nous utiliserons du bois bostryché provenant de forêts communales qui présente les mêmes propriétés techniques que du bois non atteint. Car nous voulons privilégier la proximité et la durabilité», souligne Bertrand Quartier. Qui ajoute: «Le chauffage, payé par l’État de Vaud, a été installé l’an dernier: un chauffage aux pellets dont bénéficie déjà ma famille. Le nouveau volume à chauffer pourra s’y brancher une fois les travaux terminés».
Le projet et les plans ont été élaborés par le bureau d’architectes Glatz & Delachaux, sur mandat de la Direction générale des immeubles et du patrimoine du canton de Vaud. Et une commission de construction présidée par Bernard Verdon, ancien architecte cantonal adjoint, seconde l’Association El Jire pour les démarches techniques. Avec le permis de construire délivré par la commune en octobre 2022 et les fonds récoltés, le chantier a pu démarrer.
Soigner la convivialité
Le gîte, ouvert toute l’année, a hébergé environ 1’100 personnes depuis son ouverture, le 5 août 2019. Avec une capacité d’accueil doublée, le défi sera plus grand. «Nous réfléchissons à une nouvelle organisation, confie Bertrand Quartier. Avec des bénévoles sur place pour quelques jours, voire une semaine, nous pourrons soigner la convivialité, ce qui nous tient à cœur. Hôtes et bénévoles pourront, par exemple, préparer et manger les repas ensemble, comme dans une cabane de montagne. Réservé aux marcheurs d’avril à octobre, le nouveau gîte pourra être loué en hiver pour des assemblées, des séminaires ou des retraites de plusieurs jours.»

Madeleine et Gaëlle reprendront la route demain non sans avoir apposé dans la crédentiale, le carnet du pèlerin, le tampon attestant leur passage au gîte. Et laissé un mot sur le livre d’or, précieux et encourageant pour les bénévoles. (cath.ch/gdsc/bh)
> Le gîte El Jire est accessible en voiture par la route cantonale Lausanne-Berne qui traverse le village de Montpreveyres. En transports publics: à Lausanne, prendre le M2 jusqu’à Epalinges-Croisettes, puis le bus 362 en direction de Moudon et descendre à Montpreveyres Village.
L’office des pèlerins
Les offices proposés à l’église Montpreveyres sont animés par la Fraternité œcuménique du gîte El Jire, issue de l’Association du gîte El Jire. Ils accueillent les pèlerins, les marcheurs et les habitants de la région deux mercredis soir par mois à 18h30 (une fois par mois en hiver) pour une liturgie simple: un psaume, des lectures bibliques, un temps de méditation et de silence, un chant. La bénédiction finale inclut les noms des marcheurs et des pèlerins hébergés au gîte les jours précédents. GdSC
Un prieuré de chanoines
A l’origine, avant 1160, la cure de Montpreveyres était un prieuré abritant une communauté de chanoines réguliers de saint Augustin dépendant du Grand-Saint-Bernard; le bâtiment est devenu la cure protestante à la Réforme. L’ancienne église médiévale Saint-Laurent, toute proche, dont ne subsiste que le chœur, a servi de temple après la Réforme, dès 1536; elle a été détruite en 1758 et reconstruite la même année. Elle se trouve sur l’étape Moudon-Lausanne du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Les deux bâtiments sont situés un peu à l’écart du village, en bordure de forêt, dans le périmètre de l’ancien prieuré. GdSC