Pakistan: les prisonniers chrétiens et hindous sont discriminés
Dans les prisons pakistanaises, les détenus de confession chrétienne et hindoue subissent des abus et des discriminations liés ou aggravés par le fait de ne pas professer la foi musulmane. «Un traitement inhumain», dénonce le rapport intitulé «Espérance derrière les barreaux», publié le 15 août 2025 par la Commission nationale Justice et Paix (NCJP) de la Conférence épiscopale du Pakistan.
Avec l’agence Fides
Tout au long des trois ans qu’a nécessité la rédaction du rapport, la commission a rencontré des obstacles juridiques et procéduraux, ainsi qu’un manque de coopération de la part des autorités, qui ont ralenti le travail des équipes juridiques du NCJP dans la collecte d’informations. Malgré cela, sur la base des données et des témoignages recueillis, le rapport affirme que «les détenus appartenant à des minorités religieuses sont vulnérables en raison de la discrimination religieuse dans le système pénitentiaire».
Au Pakistan, il existe 128 prisons en activité, d’une capacité totale d’environ 66’000 détenus. Les données relatives aux détenus non musulmans sont contradictoires: alors que le département pénitentiaire du Pendjab signalait la présence de 1’180 détenus non musulmans dans divers établissements, un ancien détenu a affirmé que dans la seule prison de Kot Lakhpat, à Lahore, il y avait plus de 500 chrétiens.
De manière générale, le NCJP a constaté que les citoyens appartenant à des minorités subissent des discriminations directes et indirectes dans presque tous les aspects de la vie quotidienne, y compris en détention. Une fois leur identité religieuse découverte, les détenus chrétiens et hindous sont souvent considérés comme «intouchables» et se voient attribuer des tâches dégradantes, note le rapport.
Six assiettes pour 100 détenus
«La prison ne fournissait que six assiettes pour 100 détenus», témoigne un prisonnier chrétien. «Nous mangions à tour de rôle avec ces quelques couverts. Au début, nous étions confinés dans une pièce qui servait auparavant à accueillir des patients atteints de tuberculose, où traînaient des seringues usagées», ajoute-t-il.
Le rapport du NCJP pointe également l’injustice dans la remise de peines. Les prisonniers musulmans bénéficient de remises de peine lorsqu’ils accomplissent certains actes religieuxcomme la mémorisation du Coran ou la bonne pratique du jeûne du Ramadan. Au Pendjab, en 2022, 2023 et 2024, 1’653 prisonniers musulmans auraient bénéficié de remises de peine pour des motifs religieux. De telles remises de peine sont aussi prévues pour les chrétiens ou les hindous (mémorisation de la Bible, ou de la Geeta). Dans les faits, aucun prisonnier n’a reçu de remise de peine.
Lors de la dernière révision relative au respect de la Convention internationale sur les droits civils et politiques (ICCPR), qui a eu lieu en octobre 2024, les Nations Unies ont exprimé de graves préoccupations concernant les conditions carcérales au Pakistan, soulignant des phénomènes tels que la surpopulation, l’accès insuffisant à la nourriture, à l’eau potable, aux installations sanitaires et aux soins de santé.
Minorités religieuses surreprésentées
«Ces problèmes touchent de manière disproportionnée les détenus issus de communautés minoritaires, les rendant particulièrement vulnérables», indique le rapport de la NCJP, qui note que les détenus appartenant à des minorités religieuses (qui représentent environ 5 % de la population du Pakistan, à 95 % musulmane) sont surreprésentés dans la population carcérale. Le taux d’incarcération dépasse largement leur pourcentage dans la population totale du pays, ce qui suggère «une possible distorsion systémique au sein du système judiciaire».
La NCJP invite le gouvernement fédéral et tous les gouvernements provinciaux à «mettre en place des mécanismes pour lutter contre la discrimination systémique à l’encontre des minorités dans les prisons». Elle exhorte également les organisations de la société civile à garantir l’assistance juridique et l’accès à l’éducation aux détenus non musulmans, y compris des programmes d’éducation religieuse et la possibilité de pratiquer leur culte en prison, afin de répondre à leurs besoins spirituels. (cath.ch/fides/ag/bh)