Les écrits de Bède le vénérable ont eu un impact conséquent sur la société du Haut Moyen Âge | domaine public
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Bède le vénérable, «influenceur» du Haut Moyen Âge

Au cours de l’histoire, de nombreuses personnalités catholiques, certaines méconnues, ont contribué à la civilisation dans divers domaines. cath.ch propose d’en mettre certaines en lumière à travers une série bimensuelle. Dans le premier épisode, découvrez Bède le vénérable, un moine aussi discret qu’influent.

Le Haut Moyen Âge n’était pas une époque si différente de la nôtre. Comme les ‘Youtubers’ d’aujourd’hui, il était possible de devenir célèbre et influent en ne sortant pas de chez soi. Tel a été le destin de ‘Bède le vénérable’.

Tout en restant assis la plupart du temps à son pupitre, le moine scribe a éclairé la chrétienté pour les siècles à venir. Pas pour rien que son confrère bénédictin saint Boniface (675-754) l’appelait «la bougie de l’Église». Seul docteur de l’Église anglais, Bède a contribué de manière considérable à l’exégèse, à la science, mais aussi à la pédagogie de son temps. 

Un des auteurs les plus lus du Moyen Âge

Le fait est qu’il n’a pas connu grand-chose d’autre que son monastère de Jarrow, au nord-est de ce qui est aujourd’hui l’Angleterre. Né en 673 près de l’abbaye, il ne s’en est jamais éloigné de plus de 60 km. Ce n’est donc pas en parcourant le monde et en évangélisant les peuples que le moine a contribué à la propagation de la foi et à la connaissance de son époque. Le bénédictin a malgré tout atteint la ‘vénérabilité’, devenant l’homme le plus savant de son temps et l’un des auteurs les plus lus du Moyen Âge.

«Bède allie la portée universelle du raisonnement à l’adhésion totale à la foi»

Et grâce à lui, le modeste monastère de Jarrow devint le foyer d’études le plus important de l’Occident dans la première moitié du 8e siècle. Bède y rédigea en effet près de 40 ouvrages, dont la plupart sont devenus des références. Il s’agit autant de commentaires exégétiques sur la Bible, d’hagiographies, de traités de grammaire, que d’ouvrages scientifiques et historiques. Son legs fut reçu et utilisé avec reconnaissance par les théologiens du Moyen Âge, notamment saint Thomas d’Aquin.

Alfred le Grand, au 9e siècle, se servira de l’ouvrage pour fortifier la culture chrétienne de son royaume. Et au 16e siècle, l’apologiste catholique Thomas Stapleton le brandira pour défendre la foi catholique face aux réformateurs protestants.

Un penseur «profondément catholique»

Sa curiosité naturelle a fait son succès. Le moine a toujours cherché à comprendre les mystères de la création divine – ceux qui résident dans les paroles des hommes autant que dans la nature des choses. Son ouvrage le plus célèbre n’est pourtant pas théologique, il s’agit de L’histoire ecclésiastique du peuple anglais. Un document qui manifeste un souci d’objectivité peu commun pour l’époque. Bède cite notamment et distingue ses sources. 

Le monastère de Jarrow, au nord-est de l’Angleterre, a été le lieu de vie de Bède le vénérable | © Andrew Curtis/Wikimedia Commons/CC BY-SA 2.0

Pour autant, il n’est pas un philosophe des Lumières avant l’ordre. Le Livre des Merveilles souligne qu’il est un penseur «profondément catholique», dans le sens où il «allie la portée universelle du raisonnement à l’adhésion totale à la foi. À l’inverse de tous les gnostiques et manichéens, qui méprisent l’espace et le temps, la foi de Bède dans la Parole faite chair augmente son intérêt naturel pour les questions historiques.»

Avancées scientifiques

Les ouvrages scientifiques de Bède sont tout aussi remarquables. Il s’y s’appuie sur des auteurs antiques ou chrétiens des premiers siècles pour décrire le monde et ses éléments, le firmament et les étoiles, la course et la magnitude du soleil, les comètes, la lune, le tonnerre et les éclairs. Il explique en particulier le phénomène des marées en relation avec les phases de la lune — l’une des explications les plus précises de son temps.

Il a aussi apporté un système chronologique durable (Anno Domini), des avancées en astronomie et calcul du temps, et une transmission structurée des savoirs antiques.

La tendresse d’un père

Tout cela dans un style sans doute bien plus modeste que les ‘Youtubers’ d’aujourd’hui. Bède expliquait par exemple avoir pris «de brèves notes sur les écritures tirées de travaux des vénérables pères de l’Église». Les «brèves notes» en question sont en fait des commentaires comprenant sept tomes sur le Cantique des cantiques, six sur l’Évangile de Luc, deux sur les Actes des Apôtres, et trois sur l’Apocalypse.

D’un naturel également doux, Bède le vénérable chercha des alternatives à la méthode d’éducation antique qui voyait la baguette d’osier comme un outil pédagogique indispensable. Le moine considérait les enfants avec la tendresse d’un père, relevant les qualités, notamment d’innocence, qu’ils recèlent. Sous son exemple, dans d’autres monastères, on commença alors à regarder le petit enfant non comme une créature à demi-sauvage, soumis à de mauvais instincts qu’il faut corriger, mais comme un être fragile, qu’il faut entourer de soins et dont il importe surtout de respecter la personnalité naissante. (cath.ch/livredesmerveilles/arch/rz)

Source: Le Livre des Merveilles (1999) Mame/Plon, Paris

Les écrits de Bède le vénérable ont eu un impact conséquent sur la société du Haut Moyen Âge | domaine public
14 septembre 2025 | 17:00
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 4  min.
Angleterre (51), Bénédictins (35), Histoire (95), moine (6), Moyen-Age (18)
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