Fugue de trois religieuses en Autriche: les coulisses d’une histoire médiatique
Début septembre en Autriche, trois sœurs augustines ont fugué de leur maison de retraite pour retourner dans le couvent où elles avaient passé leur vie. L’histoire a fait le tour des médias du monde entier. Mais quelles sont les coulisses de cette affaire bien organisée et bien médiatisée?
Trois sœurs augustines Bernadette (88 ans), Regina (86 ans) et Rita (81 ans) ont quitté, ‘clandestinement’, leur maison de retraite pour retourner dans le couvent où elles ont passé leur vie. De fait l’opération avait été savamment orchestrée. Elle illustre parfaitement les difficultés auxquelles les congrégations religieuses sont de plus en plus souvent confrontées. L’histoire autrichienne est semblable à celle de Soeur Scholastica, la dernière moniale du couvent de Wonnenstein (AI) en Suisse orientale.
Accompagnées de caméras, de journalistes et d’un serrurier, les trois religieuses ont décidé de regagner leur ancien couvent de Goldenstein, près de Salzbourg (Autriche). Le lieu abritait depuis 1877 une communauté religieuse et une école privée pour jeunes filles.
Mais les religieuses ont vieilli. Par manque de renouvellement, en 2022, les trois octogénaires se sont retrouvées les dernières occupantes de l’immense bâtisse. La même année, le diocèse de Salzbourg et l’abbaye de Reichersberg ont repris la gestion de l’école et du site. La dissolution de la communauté a été officiellement prononcée début 2024. Les trois religieuses ont obtenu alors un droit de résidence à vie, à condition que leur santé le permette. Mais après des séjours à l’hôpital, et quelques mois après l’accord passé, elles ont été transférées dans la maison de retraite catholique de Kahlsperg, près de Salzbourg.
«Il faut les sortir de là»
Le quotidien français La Croix a retrouvé la personne qui organisé cette fugue et qui s’est fait le porte-parole de religieuses. L’individu dit avoir connu les sœurs par l’une de ses amies, ancienne élève du lycée tenu par les religieuses. Emu de leur situation, il a radicalement pris leur parti. Il s’est promis de «les sortir de là». «La maison de retraite était sale, les toilettes n’étaient pas lavées pendant plusieurs jours, la nourriture immangeable et en très petite quantité, le personnel ne saluait même pas les sœurs le matin», dénonce-t-il.
L’opération de retour a été rondement menée et depuis les sœurs sont suivies par de nombreux amis et curieux sur instagram.
Comment s’occuper des religieuses âgées?
Sœur Christine Rod, secrétaire générale de la conférence autrichienne des ordres religieux, s’est expliquée via un communiqué: «Le foyer choisi n’est pas n’importe lequel, mais un établissement géré par les sœurs franciscaines de Hallein. Cela garantit aux sœurs non seulement un accompagnement et un soutien professionnels, mais aussi la possibilité de poursuivre leur vie religieuse et spirituelle.»
«Les religieux qui ont tant accompli au fil des décennies sont désormais âgés et peu nombreux, et vivent dans des maisons qui ne sont pas adaptées à leur âge. Dans de nombreuses communautés, nous sommes confrontés au défi de fournir des soins responsables aux religieuses et aux religieux âgés. Cette situation est également très claire dans le cas des sœurs de Goldenstein. Elle comporte deux dimensions: une dimension juridique et une dimension humaine et émotionnelle», explique-t-elle.
«Pour toutes les décisions, j’ai été en contact étroit avec les sœurs elles-mêmes, avec le vicaire épiscopal pour les ordres religieux de l’archidiocèse de Salzbourg et avec la présidente des chanoinesses augustines d’Essen (Allemagne)», précise de son côté l’Abbé de Reicherserberg, Markus Grasl, qui est leur supérieur canonique depuis 2020.
Seules contre tous?
D’après leur ‘chargé de communication’, les religieuses n’auraient pas eu accès à leurs droits, et notamment au traitement de 1’000 euros mensuels prévus pour elles par la loi autrichienne. «Elles n’ont reçu que 250 euros par mois pour trois pendant deux ans», s’indigne leur bienfaiteur. Cette entreprise de fugue n’est-elle pas contraire aux vœux d’obéissance qu’elles ont prononcés? «Elles ne peuvent pas obéir à quelqu’un qui ne les respecte pas». Selon lui, «L’Abbé de Reicherserberg a décrété qu’elles étaient séniles, c’est un homme d’Église, il ne devrait pas pouvoir se prononcer sur cette question».
Séniles ou pas les trois religieuses semblent très heureuses de ce retour ‘chez elles’ … jusqu’à la prochaine hospitalisation? (cath.ch/cx/mp)





