
Baptême en Toscane, une église à habiter
Un baptême au hasard d’une messe en Toscane et les inquiétudes d’Urs Brosi, secrétaire général de la Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ), me ramènent à nouveau à la manière dont nous pensons l’Église: un espace à habiter pour vivre la rencontre et le partage suscités par l’inattendu de Dieu; ou une structure vieillissante en perte d’influence et en manque de personnel.
Passant récemment quelques jours dans les superbes paysages du sud de la Toscane, nous nous sommes arrêtés, un dimanche, à Chiusi, ville dont l’histoire remonte aux Étrusques et qui possède une petite cathédrale attestée déjà au VIe siècle. Ayant parcouru la ville ancienne, nous avions vu quelques églises qui ne semblaient pas très habitées. Finalement nous entrons dans le duomo, désert lui aussi, sauf un sacristain souriant occupé à répartir des livres de chants sur les chaises. Il nous indique l’heure de la messe, signe d’un lieu où quelque chose vit et qui sait y inviter.
Revenus pour l’office, nous nous trouvons dans une assemblée plutôt clairsemée. Au début de la célébration, les officiants remontent l’allée centrale jusqu’à la porte grande ouverte où les attend une famille demandant le baptême. Après un accueil en forme de dialogue, le prêtre entre avec eux. Ils prennent place à l’avant de la nef. Nef qu’ils remonteront en sens inverse un peu plus tard pour entourer le baptistère monumental où le baptême proprement dit a lieu.
Le prêtre s’adressant au baptisé lui dit que cette cathédrale est maintenant la sienne. À la fin de la cérémonie, la famille se déplace à nouveau autour de l’autel pour une bénédiction finale. Le célébrant prend alors le bébé et, le mettant debout sur l’autel, le présente à l’assemblée pour bien signifier qu’il en fait maintenant partie.
Ce baptême était étonnant par les déplacements du prêtre et du baptisé. Ils ont traversé l’église en plusieurs sens comme s’il fallait en habiter tous les recoins. De l’entrée au chœur, du chœur au baptistère et retour, avant que le nouveau baptisé soit placé au centre de l’espace liturgique. Tous les autres participants eux aussi, même restant à leur place, avaient été amenés à s’approprier l’espace en suivant des yeux les célébrants. Pour les habitués des lieux, le dérangement avait peut-être été bénéfique en les forçant à regarder leur église sous des angles nouveaux et à se regarder entre eux.
«Alors cessons de compter nos membres et nos sous et de mesurer notre impact»
De retour en Suisse, cath.ch m’apprend que, dans une conférence à Lucerne le 24 septembre, le secrétaire général de la RKZ se désole de la diminution du nombre de catholiques et par conséquent des moyens financiers. Cette situation va avoir un impact sur le personnel dont les salaires ne pourront être garantis à long terme. Il nous faut, dit-il entrer dans un processus de deuil et, comme l’ont déjà fait de nombreuses communautés religieuses, acter de notre rétrécissement voire de notre possible disparition.
Le baptême toscan était une grâce. Il m’a profondément réjoui. Je n’avais pas vraiment compris pourquoi. Le discours d’Urs Brosi m’a fait prendre conscience que c’est parce qu’il donne à voir une Église qui n’est pas une structure préparant son propre deuil, mais un lieu fragile et cependant bien vivant, un lieu où l’on peut célébrer une naissance; un lieu hospitalier que l’on fait nôtre et dans lequel on écoute, on s’écoute, on célèbre, on prie, on communie; un lieu où l’on se sent chez soi, un espace que l’on s’approprie en l’investissant ce qui nous permet d’y accueillir ceux qui passent devant la porte, simples curieux, chercheurs de sens ou en demande d’aide.
Alors cessons de compter nos membres et nos sous et de mesurer notre impact. Soyons innovants, créatifs et joyeux. Si nous ne pouvons plus payer d’animateur pastoral ou d’assistants sociaux, est-ce un drame ou la chance d’amener les membres de la communauté à redevenir enfin les vrais habitants de l’Église? Le secrétaire général de la RKZ doute cependant que le bénévolat soit une stratégie qui puisse fonctionner durablement. N’est-ce pas là le signe que nous nous sommes trop attachés à regarder l’Église comme une structure que des professionnels font fonctionner? Une église trop riche? Pourrait-on la retrouver un peu plus comme un lieu hospitalier à habiter tous ensemble échangeant nos bienveillances (nos béné-volats), nos dons et nos compétences?
Thierry Collaud
1er octobre 2025
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