Un évêque de l’Église arménienne condamné à deux ans de prison
Mgr Mikael Adjapahian, primat du diocèse de Chirak de l’Église apostolique arménienne, a été déclaré le 3 octobre 2025 coupable d’«appel publics à la prise du pouvoir» et condamné à deux ans de prison. Le parquet d’Erevan a estimé que les déclarations publiques de l’archevêque dépassaient largement la critique politique et constituaient un appel direct à s’emparer du pouvoir par des moyens anticonstitutionnels.
L’Église apostolique arménienne parle d’un jugement motivé par des raisons politiques, dénonce une forme de répression politique, signe d’une «campagne hostile à l’Église» menée par les autorités.
Offensive contre les hauts responsables de l’Église
Selon la justice, le prélat de 61 ans aurait profité de sa position spirituelle et de son influence sur des milliers de fidèles pour appeler à renverser le gouvernement. Il exprimait publiquement son opposition aux choix de politique intérieure et extérieure des autorités arméniennes. Il a été condamné pour une interview donnée il y a près de deux ans, dans laquelle il parlait de la nécessité d’un renversement de pouvoir.
À l’époque, le parquet n’avait pas ouvert de dossier. Ce n’est que récemment, après que le Premier ministre Nikol Pachinian ait lancé une offensive contre les hauts responsables de l’Église, dont le Catholicos – le chef de l’Église apostolique arménienne – qu’une enquête a été déclenchée.
Procès politique contre un opposant
Mgr Mikael Adjapahian, figure respectée de l’Église apostolique, s’est illustré par ses prises de parole régulières et souvent virulentes contre le gouvernement. Son influence, renforcée par son statut ecclésiastique, lui donnait un poids considérable dans le débat public, en particulier dans la région de Chirak, dont il est le primat. Les avocats de l’archevêque rejettent catégoriquement les accusations portées contre lui et dénoncent un procès en violation grossière du droit, affirmant que leur client n’a fait qu’user de sa liberté d’expression pour critiquer les orientations du gouvernement.
Sipour certains, il s’agit d’une atteinte inacceptable à la liberté de parole et au rôle moral de l’Église dans la société, pour d’autres, un homme d’Eglise ne saurait utiliser son autorité religieuse pour appeler à la chute du gouvernement.
Conflit plus large entre l’Église et le gouvernement de Nikol Pachinian
En juillet, certains opposants avaient proposé de le présenter comme candidat au poste de Premier ministre, mais l’archevêque avait décliné l’offre. Le Saint-Siège d’Etchmiadzine a également annoncé qu’il mènera la bataille, y compris sur le terrain international, dénonçant «une nouvelle preuve de règlement de comptes politiques, une violation flagrante de la liberté d’expression et de religion, un défi direct au système démocratique».
Cette affaire s’inscrit dans le cadre d’un conflit plus large entre l’Église apostolique arménienne et le gouvernement du Premier ministre Nikol Pachinian, au cours duquel plusieurs ecclésiastiques de premier plan ont déjà été arrêtés pour avoir prétendument appelé à des soulèvements violents.
Outre Mgr Mikael Adjapahian, emprisonné depuis juin, l’archevêque Bagrat Galstanyan, qui avait mené l’année dernière des manifestations de rue critiquant le gouvernement, est également en détention préventive et fait l’objet d’une enquête pénale.
Les cicatrices de la perte du Haut-Karabakh
Le conflit est profondément enraciné dans la réorientation politique de l’Arménie après la guerre du Haut-Karabakh (Artsakh), qui s’est soldée par la défaite totale des populations arméniennes de cette région autonome située en Azerbaïdjan. Depuis des années, la direction de l’Église critique le fait que le gouvernement se montre prêt à faire des compromis avec l’Azerbaïdjan sans s’engager résolument en faveur des droits et du retour des Arméniens du Karabakh, chassés de leurs terres ancestrales.
De l’avis de l’Église, l’engagement insuffisant en faveur de la libération des prisonniers de guerre arméniens encore emprisonnés à Bakou et le manque de protection du patrimoine culturel chrétien dans la région ont également conduit en Arménie à une distanciation croissante entre l’Église et l’État. (cath.ch/nouvellesarmenie/kathpress/be)